Accueil Catalogues en ligne Un œil passionné. Douze ans d’acquisitions de Ger Luijten 10. Karel du Jardin Amsterdam 1626 – 1678 Venise Vue du Forum à Rome, avec le Temple de Castor et Pollux, 1652-1655 C’est durant son deuxième voyage en Italie, en 1675, que Karel du Jardin fut adopté par les peintres hollandais de la confrérie des Bentvueghels installés à Rome1, qui le surnommèrent « Bockbaert2 ». Du Jardin avait vraisemblement effectué un premier séjour entre le 15 septembre 16523 et le 25 septembre 16554. Cette supposition est confirmée par un autre dessin de la main de Du Jardin conservé à la Fondation Custodia, Vue de la Piazza Santa Maria Maggiore à Rome, monogrammé et daté « K.D.I. fe 1653 »5. Au sujet de cette feuille, Peter Schatborn écrivit qu’il s’agissait d’une rareté dans l’œuvre de l’artiste, qui éprouvait une véritable prédilection pour les paysages arcadiens6. Récemment, Schatborn a cependant pu y ajouter quatre vues topographiques de Rome qui présentent les mêmes caractéristiques stylistiques, dont cette Vue du Forum à Rome7. Comme l’indique l’inscription du XVIIe siècle en haut de la feuille, Du Jardin représenta le Campo Vaccino ou « champ des vaches », qui était à l’époque la désignation commune du Forum romain. Le site est reconnaissable aux trois colonnes du temple de Castor et Pollux au centre, à l’église San Lorenzo in Miranda à gauche, à l’église Santa Maria Liberatrice au premier plan à droite et au fond, à droite, aux arcades de la Basilique de Maxence et Constantin. Les doutes sur la précision topographique de la vue ne nous paraissent pas justifiés : l’église Santa Maria Liberatrice, édifiée en 1617 par Onorio Longhi l’Ancien (1568–1619) et détruite en 1900, avec son dôme bas et son haut lanternon, apparaît exactement comme sur les représentations du Forum d’Israël Silvestre (1621–1691) et de Lieven Cruyl (1634–1720)8. Au milieu de l’architecture qui définit la composition, on remarque trois figures qui, par leur position à droite des trois colonnes, semblent presque jouer le rôle d’indicateurs d’échelle pour souligner la hauteur impressionnante des vestiges du temple romain. Les familiers de l’œuvre de Du Jardin savent que ses personnages sont habituellement accompagnés de fidèles quadrupèdes9. Comme l’écrivit Ger Luijten, « Les chiens abondent dans les tableaux de Karel Dujardin. Leur apparition est si régulière qu’il semble que l’artiste les ait utilisés comme signature : endormis pelotonnés, aboyant après un musicien ou regardant avec curiosité ce qui se passe autour d’eux.10 » Nous ne pouvons donc que nous étonner de l’aspect que présente la figure à droite des deux adultes. Du Jardin a-t-il dessiné un enfant, ou alors un chien debout sur ses pattes arrière ? Maud van Suylen 1Arnold Houbraken, De groote schouburgh der Nederlandse konstschilders en schilderessen, vol. III, La Haye, 1721, p. 60-61 ; sur la confrérie et le rôle de Du Jardin, voir Liesbeth Helmus, De Bentvueghels, cat. exp. Utrecht (Centraal Museum), 2023. 2Littéralement « bouc de bouc », le premier bouc se référant à sa barbe. 3Date à laquelle sa femme Suzanne van Royen et lui-même rédigèrent leur testament à Amsterdam. 4Date à laquelle il était de nouveau inscrit à Amsterdam ; Peter Schatborn, « Views of Rome by Karel Dujardin : Some New Attributions », Master Drawings, vol. LX, 2022, p. 81. 5Inv. 2778. Compte tenu des parentés de style et de technique avec cette feuille, il est évident que notre dessin date également du premier séjour de Du Jardin en Italie, même si nous savons que l’artiste passa les trois dernières années de sa vie en Italie et y mourut en 1678. 6Peter Schatborn, avec la contribution de Judith Verberne, Drawn to Warmth. 17th-century Dutch Artists in Italy, cat. exp. Amsterdam (Rijksmuseum), 2001, p. 155. 7Schatborn 2022, op. cit. (note 4), p. 81-86. 8Voir Israël Silvestre, Vue du Campo Vaccino à Rome, vers 1638-1644, Paris, musée du Louvre, inv. 33000 ; Lieven Cruyl, Vue du Campo Vaccino, 1665, Cleveland, The Cleveland Museum of Art, inv. 1943.270 ; avec mes remerciements à Saskia van Altena. Peter Schatborn (ibid., p. 84) s’était demandé si Du Jardin n’avait pas à nouveau représenté San Lorenzo in Miranda dans l’église au premier plan à droite, mais sous un angle différent. 9Voir Jennifer M. Kilian, The Paintings of Karel du Jardin. Catalogue Raisonné, Amsterdam, 2005. 10Eddy de Jongh et Ger Luijten, Mirror of Everyday Life. Genre Prints in the Netherlands 1550-1700, cat. exp. Amsterdam (Rijksmuseum), 1997, n° 68, p. 325.
C’est durant son deuxième voyage en Italie, en 1675, que Karel du Jardin fut adopté par les peintres hollandais de la confrérie des Bentvueghels installés à Rome1, qui le surnommèrent « Bockbaert2 ». Du Jardin avait vraisemblement effectué un premier séjour entre le 15 septembre 16523 et le 25 septembre 16554. Cette supposition est confirmée par un autre dessin de la main de Du Jardin conservé à la Fondation Custodia, Vue de la Piazza Santa Maria Maggiore à Rome, monogrammé et daté « K.D.I. fe 1653 »5. Au sujet de cette feuille, Peter Schatborn écrivit qu’il s’agissait d’une rareté dans l’œuvre de l’artiste, qui éprouvait une véritable prédilection pour les paysages arcadiens6. Récemment, Schatborn a cependant pu y ajouter quatre vues topographiques de Rome qui présentent les mêmes caractéristiques stylistiques, dont cette Vue du Forum à Rome7. Comme l’indique l’inscription du XVIIe siècle en haut de la feuille, Du Jardin représenta le Campo Vaccino ou « champ des vaches », qui était à l’époque la désignation commune du Forum romain. Le site est reconnaissable aux trois colonnes du temple de Castor et Pollux au centre, à l’église San Lorenzo in Miranda à gauche, à l’église Santa Maria Liberatrice au premier plan à droite et au fond, à droite, aux arcades de la Basilique de Maxence et Constantin. Les doutes sur la précision topographique de la vue ne nous paraissent pas justifiés : l’église Santa Maria Liberatrice, édifiée en 1617 par Onorio Longhi l’Ancien (1568–1619) et détruite en 1900, avec son dôme bas et son haut lanternon, apparaît exactement comme sur les représentations du Forum d’Israël Silvestre (1621–1691) et de Lieven Cruyl (1634–1720)8. Au milieu de l’architecture qui définit la composition, on remarque trois figures qui, par leur position à droite des trois colonnes, semblent presque jouer le rôle d’indicateurs d’échelle pour souligner la hauteur impressionnante des vestiges du temple romain. Les familiers de l’œuvre de Du Jardin savent que ses personnages sont habituellement accompagnés de fidèles quadrupèdes9. Comme l’écrivit Ger Luijten, « Les chiens abondent dans les tableaux de Karel Dujardin. Leur apparition est si régulière qu’il semble que l’artiste les ait utilisés comme signature : endormis pelotonnés, aboyant après un musicien ou regardant avec curiosité ce qui se passe autour d’eux.10 » Nous ne pouvons donc que nous étonner de l’aspect que présente la figure à droite des deux adultes. Du Jardin a-t-il dessiné un enfant, ou alors un chien debout sur ses pattes arrière ? Maud van Suylen 1Arnold Houbraken, De groote schouburgh der Nederlandse konstschilders en schilderessen, vol. III, La Haye, 1721, p. 60-61 ; sur la confrérie et le rôle de Du Jardin, voir Liesbeth Helmus, De Bentvueghels, cat. exp. Utrecht (Centraal Museum), 2023. 2Littéralement « bouc de bouc », le premier bouc se référant à sa barbe. 3Date à laquelle sa femme Suzanne van Royen et lui-même rédigèrent leur testament à Amsterdam. 4Date à laquelle il était de nouveau inscrit à Amsterdam ; Peter Schatborn, « Views of Rome by Karel Dujardin : Some New Attributions », Master Drawings, vol. LX, 2022, p. 81. 5Inv. 2778. Compte tenu des parentés de style et de technique avec cette feuille, il est évident que notre dessin date également du premier séjour de Du Jardin en Italie, même si nous savons que l’artiste passa les trois dernières années de sa vie en Italie et y mourut en 1678. 6Peter Schatborn, avec la contribution de Judith Verberne, Drawn to Warmth. 17th-century Dutch Artists in Italy, cat. exp. Amsterdam (Rijksmuseum), 2001, p. 155. 7Schatborn 2022, op. cit. (note 4), p. 81-86. 8Voir Israël Silvestre, Vue du Campo Vaccino à Rome, vers 1638-1644, Paris, musée du Louvre, inv. 33000 ; Lieven Cruyl, Vue du Campo Vaccino, 1665, Cleveland, The Cleveland Museum of Art, inv. 1943.270 ; avec mes remerciements à Saskia van Altena. Peter Schatborn (ibid., p. 84) s’était demandé si Du Jardin n’avait pas à nouveau représenté San Lorenzo in Miranda dans l’église au premier plan à droite, mais sous un angle différent. 9Voir Jennifer M. Kilian, The Paintings of Karel du Jardin. Catalogue Raisonné, Amsterdam, 2005. 10Eddy de Jongh et Ger Luijten, Mirror of Everyday Life. Genre Prints in the Netherlands 1550-1700, cat. exp. Amsterdam (Rijksmuseum), 1997, n° 68, p. 325.