Accueil Catalogues en ligne Studi & Schizzi Introduction C’est à Florence, au XVe siècle, que les premiers traités artistiques virent le jour. Dès le siècle suivant, les théoriciens tels que Giorgio Vasari (1511 – 1574) affirmèrent la primauté du dessin, essentiel dans le processus de création, autant que dans la formation des artistes. En italien, disegno désignait aussi bien le projet intellectuel d’une œuvre (dessein) que son exécution formelle (dessin). Federico Zuccari (v. 1540 – 1609) distinguait ainsi le disegno interno, image mentale, et le disegno esterno, image matérialisée. La représentation de la figure humaine fut une préoccupation majeure de la Renaissance et fit l’objet d’un intérêt constant dans l’art italien au cours des siècles. Cherchant à atteindre une narration idéale dans une image qui, par nature, est immobile, les peintres s’attachèrent à représenter des personnages dans des proportions et des attitudes éloquentes. Transcription la plus immédiate et spontanée de l’inspiration des artistes, le dessin leur permettait d’explorer différentes solutions formelles. Du premier geste des esquisses – schizzi – rapidement tracées sur le papier, aux études – studi – plus soignées, les dessins sont de précieux témoignages du cheminement de l’esprit de l’artiste. En 1962, Frits Lugt présentait l’acte de dessiner comme une « confession involontaire », par laquelle nous surprenons le peintre dans ses réflexions. « On partage ses pensées, on se heurte avec lui aux difficultés, on admire la manière dont il parvient à les vaincre. » Comment définir la position des modèles et les liens qui les unissent ? Comment disposer ces figures dans un espace correspondant à celui de l’œuvre future ? Comment traduire les effets d’ombre et de lumière sur les corps ? Grâce aux œuvres issues des collections de la Fondation Custodia, l’exposition invite à observer les dessins, y déceler les indices révélateurs des recherches et des intentions des maîtres italiens. I. Étudier la figure La figure humaine a toujours occupé une position privilégiée dans l’esprit des artistes. À la Renaissance, quand l’Humanisme plaça l’homme au centre du monde, sa représentation devint un enjeu majeur de la création artistique. Les artistes cherchèrent à comprendre la façon dont un corps se meut et agit, pour donner aux personnages de leurs œuvres un caractère plus réaliste et éloquent. Les traités et les académies artistiques qui se développaient en Italie au XVIe siècle prônèrent l’étude des figures d’après nature, c’est-à-dire basée sur l’observation d’un modèle vivant, qui devint une pratique centrale au sein des ateliers.Dessiner chaque figure de manière particulière constituait aussi bien l’une des étapes préliminaires à la réalisation d’une peinture qu’un exercice pour entraîner l’œil et la main. Les pentimenti (repentirs), le dédoublement des lignes, les reprises et les variations de tout ou partie d’un corps, juxtaposées sur un même support ou répétées d’une feuille à l’autre, sont autant de signes montrant le dessinateur qui s’évertue à perfectionner l’anatomie et à expérimenter l’expressivité d’une attitude ou d’un mouvement. Schizzo (i) : dicono i Pittori quei leggerissimi tocchi di penna o matita, con i quali accennano i lor concetti senza dar perfezzione alle parti ; il che dicono schizzare Esquisse (s) : sont ainsi appelés par les peintres les très légers tracés de plumes ou de crayons avec lesquels ils évoquent leurs concepts sans en perfectionner les parties ; ce qu’ils appellent esquisser Studio (i) : termine de’ Pittori, e Scultori, col quale denominano tutti i disegni o modelli, cavati dal naturale, co’ quali si preparano a far le loro opere ; poichè mediante questi, che essi chiamano studi, vengono a determinare, e perfezionare l’Idea di quella cosa, che vogliono, o con pennello, o con scarpello, rappresentare in pittura o scultura Étude (s) : terme des peintres et des sculpteurs par lequel ils désignent tous les dessins ou modèles tirés de la nature, avec lesquels ils se préparent à faire leurs œuvres ; car par l’intermédiaire de ce qu’ils appellent études, ils parviennent à déterminer et à perfectionner l’Idée de ce qu’ils veulent, avec le pinceau ou le ciseau, représenter en peinture ou en sculpture Filippo Baldinucci, Vocabolario Toscano dell’Arte del Disegno, Florence, 1681 1. Federico Barocci Tête d’un homme barbu, inclinée vers la droite et étude de sa main, années 1590 2. Filippino Lippi Trois études d’un jeune homme portant un manteau 3. Mariotto Albertinelli Huit études d’enfants nus 4. Giovanni Francesco Barbieri, dit Guercino Cinq études pour Marie-Madeleine, vers 1620 5. Andrea del Sarto Études pour la tête, le torse et le bras droit d’un garçon, vers 1526 6. Federico Barocci Deux études d’un homme agenouillé, vers 1605-1608 7. Federico Barocci Deux études de femmes et une étude de draperie, entre 1575 et 1579 8. Baccio Bandinelli Portrait d’une jeune femme le regard baissé. Verso : Portrait du même modèle, regardant derrière son épaule 9. Federico Zuccari Deux études de tête : Vincenzo Borghini, vers 1575-1579 10. Giovanni Francesco Barbieri, dit Guercino Deux études pour la tête de la Vierge, vers 1654 11. Anonyme italien fin, du XVIe siecle Allégorie de la Charité (?) 12. Francesco Salviati Figure féminine drapée, en pied : Salomé, avant 1541 13. Giuseppe Cesari, dit il Cavalier d’Arpino Sibylle persique, vers 1593-1595 14. Ludovico Carracci Un moine assis avec un livre 15. Jacopo Chimenti, dit Jacopo da Empoli Un moine agenouillé en prière : saint François, vers 1590 16. Francesco Curradi Un homme barbu, assis, tourné vers la gauche 17. Andrea del Sarto Étude d’un enfant dans les bras de sa mère, entre 1524 et 1526 18. Bartolomeo Schedoni Un enfant assis, vers 1610 19. Carlo Maratti Étude d’un enfant nu, tourné vers la droite, vers 1687 20. Carlo Maratti Étude d’un enfant, de profil vers la gauche, vers 1680 21. Jacopo dal Ponte, dit Jacopo Bassano ou Carlo Caliari Étude du torse d’un homme, vu de dos 22. Annibale Carracci Étude du torse d’un homme, assis vers la droite 23. Giovanni Francesco Barbieri, dit Guercino Étude d’un homme assis, vu de dos, avant 1619 24. Attribué à Giovanni Ambrogio Figino Étude de la jambe d’un homme 25. Baldassare Franceschini, dit Volterrano Études d’une jambe 26. Annibale Carracci Études de jambes, vers 1595-1596 27. Alvise Vivarini Six études de mains, avant 1480 28. Raffaello Sanzio, dit Raphael Étude d’une main gauche tenant un calice 29. Raffaello Sanzio, dit Raphaël Étude d’une main droite tenant un livre 30. Attribué à Lodovico Cardi, dit Cigoli Études de bras et de draperies 31. Attribué à Rosso Fiorentino Étude d’un homme à mi-corps et reprise de sa main 32. Jacopo Chimenti, dit Jacopo da Empoli Étude d’un jeune homme et reprise de sa main, vers 1614 33. Guido Reni Jeune fille portant un plat, vers 1609-1612 34. Aurelio Lomi Étude d’une jeune fille assise et reprise de son bras droit tenant une pomme, vers 1615-1616 35. Orazio Samacchini Un jeune homme jouant de la viole de gambe II. Assembler les figures Les interactions liant les personnages dans une œuvre sont un élément essentiel de la qualité du récit qui s’y déploie. Les artistes multiplièrent les dessins pour trouver des solutions formelles à la restitution, en deux dimensions, d’une relation qui se développait en réalité dans l’espace. Grâce à la spontanéité des esquisses, ils pouvaient tourner, rapprocher, réarranger les figures ou les observer sous différents angles, pour évoquer la dynamique et la diversité des réactions au sein d’un groupe ou la multitude presque abstraite d’une foule.L’iconographie de la Vierge à l’Enfant, très largement déclinée dans l’art italien de cette époque, était propice à l’examen des contacts physiques ou platoniques qui pouvaient lier deux figures. Dans ces études, l’expressivité des gestes et des regards permettait au dessinateur d’explorer le caractère intime ou dévotionnel de la relation qui unissait Marie et son enfant, et qui conférait à l’œuvre l’atmosphère spirituelle désirée. E da cio’ nasce l’invenzione, la quale fa mettere insieme in istoria le figure a quattro, a sei, a dieci, a venti, talmente ch’e’ si viene a formare le battagle e l’altre cose grandi dell’arte. À partir de là, [l’artiste] sera capable d’inventer, c’est-à-dire de composer des scènes en assemblant quatre, six, dix, vingt figures ou plus, jusqu’à représenter des batailles ou d’autres grands sujets de l’art. Giorgio Vasari, Le Vite de’ più eccellenti pittori, scultori, e architettori, Florence, 1550 36. Girolamo Genga Le Mariage mystique de sainte Catherine 37. Suiveur de Pietro Vannucci, dit Perugino Études pour des Vierges à l’Enfant 38. Giovanni di Pietro, dit Lo Spagna La Vierge adorant l’Enfant 39. Battista Franco, dit Semolei La Vierge à l’Enfant 40. Lorenzo Sabatini La Vierge à l’Enfant 41. Domenico Zampieri, dit Domenichino La Vierge à l’Enfant, vers 1626-1627 42. Pietro da Cortona La Vierge adorant l’Enfant, vers 1638 43. Giovanni Benedetto Castiglione Le Repos pendant la fuite en Égypte 44. Giovanni Francesco Barbieri, dit Guercino Le Christ ressuscité apparaissant à la Vierge, vers 1628-1630 45. Alessandro Maganza Une Sainte (Thérèse ou Catherine) embrassant les plaies du Christ 46. Francesco Mazzuola, dit Parmigianino Un couple d’amoureux assis 47. Domenico Beccafumi Trois prophètes 48. Bernardino Barbatelli, dit Poccetti Quatre apôtres assis à une table 49. Battista Franco, dit Semolei L’Évanouissement de la Vierge, vers 1552 50. Giovanni Battista Ricci Les Apôtres autour de la tombe de la Vierge, vers 1593 51. Lodovico Cardi, dit Cigoli Études pour Dédale fixant les ailes d’Icare 52. Federico Zuccari Études pour la Résurrection du fils de la veuve de Naïm, vers 1568 53. Federico Barocci Études pour la Visitation, entre 1582 et 1586 54. Vittore Carpaccio Quatre gentilhommes en conversation. Verso : Seize figures réparties en deux groupes 55. Attribué à Tiziano Vecellio, dit Titien Miracle de saint Antoine de Padoue : le témoignage du nouveau-né, vers 1510-1511 56. Battista d’Angolo, dit Battista del Moro Saint Nicolas de Bari empêchant l’exécution des trois Stratélates 57. Alessandro Maganza Scène de miracle ou Procession en temps de peste (?) III. Composer En Italie, jusqu’au XIXe siècle, la plupart des œuvres d’art étaient créées en réponse à une commande, passée souvent par l’Église, les institutions, les princes ou les élites de la société. Le contrat, qui liait commanditaire et artiste, en spécifiait des éléments tels que l’iconographie, le nombre de figures, les matériaux à employer, le prix mais aussi le lieu destiné à recevoir l’œuvre.Dès ses dessins préparatoires, l’artiste tenait compte de ces paramètres et du cadre dans lequel la peinture devait s’inscrire. Les études de composition étaient en effet vouées à définir la disposition et le rapport des figures, en fonction du format et de l’emplacement de l’œuvre à venir. Sur ces feuilles, des indices tels que la forme de l’encadrement, les éléments architecturaux, le choix d’un certain angle de vue, nous permettent de déterminer s’il s’agit de dessins préparatoires à une sculpture ou un tableau, une fresque pour la lunette d’un cloître, un retable ou le décor monumental d’un palazzo. [L’artista] habbisi risguardo bene al luogo dove [l’opera] và collocata, o’ dipinta [...], percioche le più volte il lume non buono, la molta altezza, & la lontananza di quelle, fa rimanere ingannati etiandio gli espertissimi [...], & percio si vada più, & più volte à quel luogo, & quivi se l’imagini veder come dipinta, & la misuri col discorso, & come le figure principali debbano essere à voler che si mostrino à par del vivo. [L’artiste] doit s’aviser de bien regarder le lieu où elle [l’œuvre] sera située, ou peinte [...] car souvent la mauvaise lumière, la grande hauteur, & la distance trompent les plus experts ; vous irez donc encore et encore en ce lieu, et vous comparerez la composition peinte avec votre histoire et la manière dont les figures principales devraient être disposées pour paraître vivantes. Giovanni Battista Armenini, De veri precetti della pittura, Ravennes, 1587 58. Bernardino Campi Deux prisonniers 59. Bartolomeo Cesi Un moine chartreux, vers 1612-1616 60. Pier Francesco Mazzucchelli, dit Morazzone Un prophète, vers 1609-1613 61. Paolo Farinati Daphné dans une niche, vers 1595 62. Federico Zuccari Hommage rendu à un pape, avec une vue de Rome à travers une colonnade 63. Giovanni Battista Ricci Un pape accordant une charte à un ordre religieux 64. Attribué à Ventura Salimbeni La Naissance de la Vierge 65. Ventura Salimbeni Le Sacrifice de Zacharie 66. Niccolò de Martinelli, dit il Trometta Le Christ prêchant au temple 67. Anonyme, école de Vérone, seconde moitié du XVe siècle Projet de décor pariétal, vers 1460 68. Giovanni Battista della Rovere, dit Fiammenghino Le Couronnement de la Vierge avec saint Marc, saint Paul et un moine donateur, 4 juin 1617 69. Domenico Piola Allégorie de l’Hiver, vers 1676 70. Girolamo Macchietti Saint Laurent, vers 1575 71. Giuseppe Maria Rolli L’Apothéose d’Hercule IV. Étudier la lumière Capturer la lumière, indiquer avec justesse son incidence sur les formes, saisir les ombres qui modèlent les volumes, jouer avec l’intensité d’un clair-obscur pour dramatiser la présence d’une figure. L’étude des lumi fut un aspect essentiel des traités théoriques en Italie et trouva un écho chez les dessinateurs dès le XVe siècle. Elle intervenait parfois dès les premières études ou, plus souvent, demeurait l’une des dernières étapes du travail préparatoire à la peinture. Dans certains cas, elle constituait aussi une pratique en soi, permettant à l’artiste de s’exercer à comprendre et à rendre les rapports des ombres et des lumières.Pour les transcrire, différentes solutions graphiques furent apportées par les dessinateurs : représenter la clarté des lumières par les rehauts de blanc (craie, gouache) sur un support sombre (papier préparé ou teinté), ou par effet inverse, indiquer les ombres à l’aide d’une technique sombre (sanguine, pierre noire, encre brune) sur un support clair, laissé en réserve. Seguita sempre la più eccelente luce, e vogli con debito ragionevole intenderla e seguiterla ; perchè, di cio’ mancando, non sarebbe tuo lavoro con nessuno rilievo, e verrebbe cosa semplice, e con poco mestiero. Attache-toi toujours à la lumière la plus vive, et travaille à la suivre et l’étendre raisonnablement : car faute de cela, ton travail n’aurait aucun relief et deviendrait une chose par trop simple et de peu d’habileté. Cennino Cennini, Trattato della pittura, Florence, vers 1400 72. Attribué à Domenico Ghirlandaio Tête de garçon de profil vers la gauche 73. Filippino Lippi Un moine portant un livre 74. Bartolomeo Biscaino La Vierge à l’Enfant 75. Attribué à Domenico Piola La Foi terrassant Satan 76. Andrea del Sarto Tête d’une jeune femme, légèrement tournée vers la droite, vers 1517 77. Jacopo Vignali Tête d’une jeune femme tournée vers la gauche, le regard baissé 78. Attribué à Pietro Faccini Portrait d’un jeune homme (?) portant une fraise 79. Ottavio Leoni Portrait de la belle-fille de l’artiste, Maddalena, vers 1617 80. Lorenzo di Credi Étude de draperie pour une figure assise, vers 1478-1480 81. Giulio Pippi, dit Giulio Romano Moïse devant le buisson ardent 82. Atelier de Giulio Romano Moïse devant le buisson ardent 83. Jacopo Negretti, dit Palma il Giovane Saint Jérôme pénitent 84. Alessandro Maganza Trois études de saints dans les nuages 85. Sigismondo Caula Une figure masculine assise, drapée dans un manteau 86. Attribué à Luca Giordano La Mort de saint Alexis Colophon
Accueil Catalogues en ligne Studi & Schizzi Introduction C’est à Florence, au XVe siècle, que les premiers traités artistiques virent le jour. Dès le siècle suivant, les théoriciens tels que Giorgio Vasari (1511 – 1574) affirmèrent la primauté du dessin, essentiel dans le processus de création, autant que dans la formation des artistes. En italien, disegno désignait aussi bien le projet intellectuel d’une œuvre (dessein) que son exécution formelle (dessin). Federico Zuccari (v. 1540 – 1609) distinguait ainsi le disegno interno, image mentale, et le disegno esterno, image matérialisée. La représentation de la figure humaine fut une préoccupation majeure de la Renaissance et fit l’objet d’un intérêt constant dans l’art italien au cours des siècles. Cherchant à atteindre une narration idéale dans une image qui, par nature, est immobile, les peintres s’attachèrent à représenter des personnages dans des proportions et des attitudes éloquentes. Transcription la plus immédiate et spontanée de l’inspiration des artistes, le dessin leur permettait d’explorer différentes solutions formelles. Du premier geste des esquisses – schizzi – rapidement tracées sur le papier, aux études – studi – plus soignées, les dessins sont de précieux témoignages du cheminement de l’esprit de l’artiste. En 1962, Frits Lugt présentait l’acte de dessiner comme une « confession involontaire », par laquelle nous surprenons le peintre dans ses réflexions. « On partage ses pensées, on se heurte avec lui aux difficultés, on admire la manière dont il parvient à les vaincre. » Comment définir la position des modèles et les liens qui les unissent ? Comment disposer ces figures dans un espace correspondant à celui de l’œuvre future ? Comment traduire les effets d’ombre et de lumière sur les corps ? Grâce aux œuvres issues des collections de la Fondation Custodia, l’exposition invite à observer les dessins, y déceler les indices révélateurs des recherches et des intentions des maîtres italiens. I. Étudier la figure La figure humaine a toujours occupé une position privilégiée dans l’esprit des artistes. À la Renaissance, quand l’Humanisme plaça l’homme au centre du monde, sa représentation devint un enjeu majeur de la création artistique. Les artistes cherchèrent à comprendre la façon dont un corps se meut et agit, pour donner aux personnages de leurs œuvres un caractère plus réaliste et éloquent. Les traités et les académies artistiques qui se développaient en Italie au XVIe siècle prônèrent l’étude des figures d’après nature, c’est-à-dire basée sur l’observation d’un modèle vivant, qui devint une pratique centrale au sein des ateliers.Dessiner chaque figure de manière particulière constituait aussi bien l’une des étapes préliminaires à la réalisation d’une peinture qu’un exercice pour entraîner l’œil et la main. Les pentimenti (repentirs), le dédoublement des lignes, les reprises et les variations de tout ou partie d’un corps, juxtaposées sur un même support ou répétées d’une feuille à l’autre, sont autant de signes montrant le dessinateur qui s’évertue à perfectionner l’anatomie et à expérimenter l’expressivité d’une attitude ou d’un mouvement. Schizzo (i) : dicono i Pittori quei leggerissimi tocchi di penna o matita, con i quali accennano i lor concetti senza dar perfezzione alle parti ; il che dicono schizzare Esquisse (s) : sont ainsi appelés par les peintres les très légers tracés de plumes ou de crayons avec lesquels ils évoquent leurs concepts sans en perfectionner les parties ; ce qu’ils appellent esquisser Studio (i) : termine de’ Pittori, e Scultori, col quale denominano tutti i disegni o modelli, cavati dal naturale, co’ quali si preparano a far le loro opere ; poichè mediante questi, che essi chiamano studi, vengono a determinare, e perfezionare l’Idea di quella cosa, che vogliono, o con pennello, o con scarpello, rappresentare in pittura o scultura Étude (s) : terme des peintres et des sculpteurs par lequel ils désignent tous les dessins ou modèles tirés de la nature, avec lesquels ils se préparent à faire leurs œuvres ; car par l’intermédiaire de ce qu’ils appellent études, ils parviennent à déterminer et à perfectionner l’Idée de ce qu’ils veulent, avec le pinceau ou le ciseau, représenter en peinture ou en sculpture Filippo Baldinucci, Vocabolario Toscano dell’Arte del Disegno, Florence, 1681 1. Federico Barocci Tête d’un homme barbu, inclinée vers la droite et étude de sa main, années 1590 2. Filippino Lippi Trois études d’un jeune homme portant un manteau 3. Mariotto Albertinelli Huit études d’enfants nus 4. Giovanni Francesco Barbieri, dit Guercino Cinq études pour Marie-Madeleine, vers 1620 5. Andrea del Sarto Études pour la tête, le torse et le bras droit d’un garçon, vers 1526 6. Federico Barocci Deux études d’un homme agenouillé, vers 1605-1608 7. Federico Barocci Deux études de femmes et une étude de draperie, entre 1575 et 1579 8. Baccio Bandinelli Portrait d’une jeune femme le regard baissé. Verso : Portrait du même modèle, regardant derrière son épaule 9. Federico Zuccari Deux études de tête : Vincenzo Borghini, vers 1575-1579 10. Giovanni Francesco Barbieri, dit Guercino Deux études pour la tête de la Vierge, vers 1654 11. Anonyme italien fin, du XVIe siecle Allégorie de la Charité (?) 12. Francesco Salviati Figure féminine drapée, en pied : Salomé, avant 1541 13. Giuseppe Cesari, dit il Cavalier d’Arpino Sibylle persique, vers 1593-1595 14. Ludovico Carracci Un moine assis avec un livre 15. Jacopo Chimenti, dit Jacopo da Empoli Un moine agenouillé en prière : saint François, vers 1590 16. Francesco Curradi Un homme barbu, assis, tourné vers la gauche 17. Andrea del Sarto Étude d’un enfant dans les bras de sa mère, entre 1524 et 1526 18. Bartolomeo Schedoni Un enfant assis, vers 1610 19. Carlo Maratti Étude d’un enfant nu, tourné vers la droite, vers 1687 20. Carlo Maratti Étude d’un enfant, de profil vers la gauche, vers 1680 21. Jacopo dal Ponte, dit Jacopo Bassano ou Carlo Caliari Étude du torse d’un homme, vu de dos 22. Annibale Carracci Étude du torse d’un homme, assis vers la droite 23. Giovanni Francesco Barbieri, dit Guercino Étude d’un homme assis, vu de dos, avant 1619 24. Attribué à Giovanni Ambrogio Figino Étude de la jambe d’un homme 25. Baldassare Franceschini, dit Volterrano Études d’une jambe 26. Annibale Carracci Études de jambes, vers 1595-1596 27. Alvise Vivarini Six études de mains, avant 1480 28. Raffaello Sanzio, dit Raphael Étude d’une main gauche tenant un calice 29. Raffaello Sanzio, dit Raphaël Étude d’une main droite tenant un livre 30. Attribué à Lodovico Cardi, dit Cigoli Études de bras et de draperies 31. Attribué à Rosso Fiorentino Étude d’un homme à mi-corps et reprise de sa main 32. Jacopo Chimenti, dit Jacopo da Empoli Étude d’un jeune homme et reprise de sa main, vers 1614 33. Guido Reni Jeune fille portant un plat, vers 1609-1612 34. Aurelio Lomi Étude d’une jeune fille assise et reprise de son bras droit tenant une pomme, vers 1615-1616 35. Orazio Samacchini Un jeune homme jouant de la viole de gambe II. Assembler les figures Les interactions liant les personnages dans une œuvre sont un élément essentiel de la qualité du récit qui s’y déploie. Les artistes multiplièrent les dessins pour trouver des solutions formelles à la restitution, en deux dimensions, d’une relation qui se développait en réalité dans l’espace. Grâce à la spontanéité des esquisses, ils pouvaient tourner, rapprocher, réarranger les figures ou les observer sous différents angles, pour évoquer la dynamique et la diversité des réactions au sein d’un groupe ou la multitude presque abstraite d’une foule.L’iconographie de la Vierge à l’Enfant, très largement déclinée dans l’art italien de cette époque, était propice à l’examen des contacts physiques ou platoniques qui pouvaient lier deux figures. Dans ces études, l’expressivité des gestes et des regards permettait au dessinateur d’explorer le caractère intime ou dévotionnel de la relation qui unissait Marie et son enfant, et qui conférait à l’œuvre l’atmosphère spirituelle désirée. E da cio’ nasce l’invenzione, la quale fa mettere insieme in istoria le figure a quattro, a sei, a dieci, a venti, talmente ch’e’ si viene a formare le battagle e l’altre cose grandi dell’arte. À partir de là, [l’artiste] sera capable d’inventer, c’est-à-dire de composer des scènes en assemblant quatre, six, dix, vingt figures ou plus, jusqu’à représenter des batailles ou d’autres grands sujets de l’art. Giorgio Vasari, Le Vite de’ più eccellenti pittori, scultori, e architettori, Florence, 1550 36. Girolamo Genga Le Mariage mystique de sainte Catherine 37. Suiveur de Pietro Vannucci, dit Perugino Études pour des Vierges à l’Enfant 38. Giovanni di Pietro, dit Lo Spagna La Vierge adorant l’Enfant 39. Battista Franco, dit Semolei La Vierge à l’Enfant 40. Lorenzo Sabatini La Vierge à l’Enfant 41. Domenico Zampieri, dit Domenichino La Vierge à l’Enfant, vers 1626-1627 42. Pietro da Cortona La Vierge adorant l’Enfant, vers 1638 43. Giovanni Benedetto Castiglione Le Repos pendant la fuite en Égypte 44. Giovanni Francesco Barbieri, dit Guercino Le Christ ressuscité apparaissant à la Vierge, vers 1628-1630 45. Alessandro Maganza Une Sainte (Thérèse ou Catherine) embrassant les plaies du Christ 46. Francesco Mazzuola, dit Parmigianino Un couple d’amoureux assis 47. Domenico Beccafumi Trois prophètes 48. Bernardino Barbatelli, dit Poccetti Quatre apôtres assis à une table 49. Battista Franco, dit Semolei L’Évanouissement de la Vierge, vers 1552 50. Giovanni Battista Ricci Les Apôtres autour de la tombe de la Vierge, vers 1593 51. Lodovico Cardi, dit Cigoli Études pour Dédale fixant les ailes d’Icare 52. Federico Zuccari Études pour la Résurrection du fils de la veuve de Naïm, vers 1568 53. Federico Barocci Études pour la Visitation, entre 1582 et 1586 54. Vittore Carpaccio Quatre gentilhommes en conversation. Verso : Seize figures réparties en deux groupes 55. Attribué à Tiziano Vecellio, dit Titien Miracle de saint Antoine de Padoue : le témoignage du nouveau-né, vers 1510-1511 56. Battista d’Angolo, dit Battista del Moro Saint Nicolas de Bari empêchant l’exécution des trois Stratélates 57. Alessandro Maganza Scène de miracle ou Procession en temps de peste (?) III. Composer En Italie, jusqu’au XIXe siècle, la plupart des œuvres d’art étaient créées en réponse à une commande, passée souvent par l’Église, les institutions, les princes ou les élites de la société. Le contrat, qui liait commanditaire et artiste, en spécifiait des éléments tels que l’iconographie, le nombre de figures, les matériaux à employer, le prix mais aussi le lieu destiné à recevoir l’œuvre.Dès ses dessins préparatoires, l’artiste tenait compte de ces paramètres et du cadre dans lequel la peinture devait s’inscrire. Les études de composition étaient en effet vouées à définir la disposition et le rapport des figures, en fonction du format et de l’emplacement de l’œuvre à venir. Sur ces feuilles, des indices tels que la forme de l’encadrement, les éléments architecturaux, le choix d’un certain angle de vue, nous permettent de déterminer s’il s’agit de dessins préparatoires à une sculpture ou un tableau, une fresque pour la lunette d’un cloître, un retable ou le décor monumental d’un palazzo. [L’artista] habbisi risguardo bene al luogo dove [l’opera] và collocata, o’ dipinta [...], percioche le più volte il lume non buono, la molta altezza, & la lontananza di quelle, fa rimanere ingannati etiandio gli espertissimi [...], & percio si vada più, & più volte à quel luogo, & quivi se l’imagini veder come dipinta, & la misuri col discorso, & come le figure principali debbano essere à voler che si mostrino à par del vivo. [L’artiste] doit s’aviser de bien regarder le lieu où elle [l’œuvre] sera située, ou peinte [...] car souvent la mauvaise lumière, la grande hauteur, & la distance trompent les plus experts ; vous irez donc encore et encore en ce lieu, et vous comparerez la composition peinte avec votre histoire et la manière dont les figures principales devraient être disposées pour paraître vivantes. Giovanni Battista Armenini, De veri precetti della pittura, Ravennes, 1587 58. Bernardino Campi Deux prisonniers 59. Bartolomeo Cesi Un moine chartreux, vers 1612-1616 60. Pier Francesco Mazzucchelli, dit Morazzone Un prophète, vers 1609-1613 61. Paolo Farinati Daphné dans une niche, vers 1595 62. Federico Zuccari Hommage rendu à un pape, avec une vue de Rome à travers une colonnade 63. Giovanni Battista Ricci Un pape accordant une charte à un ordre religieux 64. Attribué à Ventura Salimbeni La Naissance de la Vierge 65. Ventura Salimbeni Le Sacrifice de Zacharie 66. Niccolò de Martinelli, dit il Trometta Le Christ prêchant au temple 67. Anonyme, école de Vérone, seconde moitié du XVe siècle Projet de décor pariétal, vers 1460 68. Giovanni Battista della Rovere, dit Fiammenghino Le Couronnement de la Vierge avec saint Marc, saint Paul et un moine donateur, 4 juin 1617 69. Domenico Piola Allégorie de l’Hiver, vers 1676 70. Girolamo Macchietti Saint Laurent, vers 1575 71. Giuseppe Maria Rolli L’Apothéose d’Hercule IV. Étudier la lumière Capturer la lumière, indiquer avec justesse son incidence sur les formes, saisir les ombres qui modèlent les volumes, jouer avec l’intensité d’un clair-obscur pour dramatiser la présence d’une figure. L’étude des lumi fut un aspect essentiel des traités théoriques en Italie et trouva un écho chez les dessinateurs dès le XVe siècle. Elle intervenait parfois dès les premières études ou, plus souvent, demeurait l’une des dernières étapes du travail préparatoire à la peinture. Dans certains cas, elle constituait aussi une pratique en soi, permettant à l’artiste de s’exercer à comprendre et à rendre les rapports des ombres et des lumières.Pour les transcrire, différentes solutions graphiques furent apportées par les dessinateurs : représenter la clarté des lumières par les rehauts de blanc (craie, gouache) sur un support sombre (papier préparé ou teinté), ou par effet inverse, indiquer les ombres à l’aide d’une technique sombre (sanguine, pierre noire, encre brune) sur un support clair, laissé en réserve. Seguita sempre la più eccelente luce, e vogli con debito ragionevole intenderla e seguiterla ; perchè, di cio’ mancando, non sarebbe tuo lavoro con nessuno rilievo, e verrebbe cosa semplice, e con poco mestiero. Attache-toi toujours à la lumière la plus vive, et travaille à la suivre et l’étendre raisonnablement : car faute de cela, ton travail n’aurait aucun relief et deviendrait une chose par trop simple et de peu d’habileté. Cennino Cennini, Trattato della pittura, Florence, vers 1400 72. Attribué à Domenico Ghirlandaio Tête de garçon de profil vers la gauche 73. Filippino Lippi Un moine portant un livre 74. Bartolomeo Biscaino La Vierge à l’Enfant 75. Attribué à Domenico Piola La Foi terrassant Satan 76. Andrea del Sarto Tête d’une jeune femme, légèrement tournée vers la droite, vers 1517 77. Jacopo Vignali Tête d’une jeune femme tournée vers la gauche, le regard baissé 78. Attribué à Pietro Faccini Portrait d’un jeune homme (?) portant une fraise 79. Ottavio Leoni Portrait de la belle-fille de l’artiste, Maddalena, vers 1617 80. Lorenzo di Credi Étude de draperie pour une figure assise, vers 1478-1480 81. Giulio Pippi, dit Giulio Romano Moïse devant le buisson ardent 82. Atelier de Giulio Romano Moïse devant le buisson ardent 83. Jacopo Negretti, dit Palma il Giovane Saint Jérôme pénitent 84. Alessandro Maganza Trois études de saints dans les nuages 85. Sigismondo Caula Une figure masculine assise, drapée dans un manteau 86. Attribué à Luca Giordano La Mort de saint Alexis Colophon