Accueil Catalogues en ligne Un œil passionné. Douze ans d’acquisitions de Ger Luijten 109. Jean-Michel Grobon Lyon 1770 – 1853 Lyon La Forêt de Rochecardon, 1800 Artiste au talent précoce, formé très jeune au dessin et à la sculpture, Jean-Michel Grobon révéla ses aptitudes de paysagiste durant le séjour qui le conduisit à Paris, en 1789. La Révolution mit cependant un coup d’arrêt à son projet de gagner l’Italie. C’est donc dans le Lyonnais que Grobon passa l’essentiel de sa carrière et trouva ses sources d’inspiration. À Lyon, il se lia d’amitié avec son compatriote Jean-Jacques de Boissieu (1736–1810), qui partagea avec lui son appartement. Initié et encouragé par ce dernier, Grobon fit ses débuts en gravure, un medium qu’il ne mit en œuvre qu’exceptionnellement – six planches seulement forment son corpus1 –, mais avec un sens esthétique remarquable. Au salon de 1796, Grobon présenta trois compositions2 et reçut un accueil des plus enthousiastes, notamment de la part de ses pairs Jacques-Louis David (1748–1825) et François Marius Granet (1775–1849)3. Pour les paysagistes de cette génération, la Forêt de Rochecardon4 fit figure de manifeste, tant elle se démarquait par son naturalisme empreint de philosophie rousseauiste – qui préfigurait l’esthétique de l’école de Barbizon5 – et son luminisme novateur6. Quatre années plus tard, fort de ce succès, Grobon revint sur cette composition, qu’il interpréta dans une gravure aux mêmes dimensions que son tableau. Dans son essai de catalogue de l’œuvre gravé de Grobon, Étienne Grafe recensait trois états connus de cette planche7. Le premier état, acquis par la Fondation Custodia en 2017, est une œuvre d’une extrême rareté, rendue plus exceptionnelle encore par son tirage sur un papier de couleur, vraisemblablement un cas unique. Il semble que l’impression ait posé quelques défis techniques à l’artiste : l’imprimeur jugeant l’épreuve d’essai trop sombre, Grobon dut ébarber sa plaque et la retravailler à la roulette et au burin8. Il en résulta ce tirage, techniquement irréprochable, qui restitue aussi bien la profondeur des noirs que les réserves et les demi-teintes. Ce subtil équilibre est rehaussé par la couleur délicatement bleutée du papier. Sculptées par la lumière, les masses denses de végétation dominent la composition. Malgré la saturation de la feuille, qui ne ménage aucune échappatoire pour le regard, l’espace demeure tangible, l’air circule entre les plans. L’utilisation combinée de différents outils de gravure met à la disposition de l’artiste une riche palette d’effets : précision descriptive de la pointe et du burin, gradations tonales obtenues à la roulette, qui créent une atmosphère enveloppante. Marie-Noëlle Grison 1Étienne Grafe, L’œuvre de Jean-Michel Grobon (1770-1853) au musée des Beaux-Arts de Lyon, Lyon, 1983, p. 7. 2Salon de 1796, n° 869, Tableau de genre flamand [Un jeune élève préparant les couleurs de son maître] ; n° 870, Portrait d’un jeune homme [son autoportrait] ; n° 871, Paysage [La Forêt de Rochecardon]. 3Grafe 1983, op. cit. (note 1), p. 7. 4Salon de 1796, n° 871 ; huile sur panneau, 25 × 30,5 cm, signé et daté en bas à gauche : Grobon 1795 ; marché de l’art, Lyon, 2011. 5James McKean Fisher dans Victor I. Carlson et John W. Ittmann (dir.), Regency to Empire. French printmaking 1715-1814, cat. exp. Baltimore (Baltimore Museum of Art), Boston (Museum of Fine Arts Boston), Minneapolis (Minneapolis Institute of Arts), 1984-1985, n° 114. 6Marie-Claude Chaudonneret (dir.), Les Muses de Messidor. Peintres et sculpteurs lyonnais de la Révolution à l’Empire, cat. exp. Lyon (musée des Beaux-Arts), 1989-1990, p. 95-96. 7Grafe 1983, op. cit. (note 1), p. 61. 8Ibid., p. 8.
Artiste au talent précoce, formé très jeune au dessin et à la sculpture, Jean-Michel Grobon révéla ses aptitudes de paysagiste durant le séjour qui le conduisit à Paris, en 1789. La Révolution mit cependant un coup d’arrêt à son projet de gagner l’Italie. C’est donc dans le Lyonnais que Grobon passa l’essentiel de sa carrière et trouva ses sources d’inspiration. À Lyon, il se lia d’amitié avec son compatriote Jean-Jacques de Boissieu (1736–1810), qui partagea avec lui son appartement. Initié et encouragé par ce dernier, Grobon fit ses débuts en gravure, un medium qu’il ne mit en œuvre qu’exceptionnellement – six planches seulement forment son corpus1 –, mais avec un sens esthétique remarquable. Au salon de 1796, Grobon présenta trois compositions2 et reçut un accueil des plus enthousiastes, notamment de la part de ses pairs Jacques-Louis David (1748–1825) et François Marius Granet (1775–1849)3. Pour les paysagistes de cette génération, la Forêt de Rochecardon4 fit figure de manifeste, tant elle se démarquait par son naturalisme empreint de philosophie rousseauiste – qui préfigurait l’esthétique de l’école de Barbizon5 – et son luminisme novateur6. Quatre années plus tard, fort de ce succès, Grobon revint sur cette composition, qu’il interpréta dans une gravure aux mêmes dimensions que son tableau. Dans son essai de catalogue de l’œuvre gravé de Grobon, Étienne Grafe recensait trois états connus de cette planche7. Le premier état, acquis par la Fondation Custodia en 2017, est une œuvre d’une extrême rareté, rendue plus exceptionnelle encore par son tirage sur un papier de couleur, vraisemblablement un cas unique. Il semble que l’impression ait posé quelques défis techniques à l’artiste : l’imprimeur jugeant l’épreuve d’essai trop sombre, Grobon dut ébarber sa plaque et la retravailler à la roulette et au burin8. Il en résulta ce tirage, techniquement irréprochable, qui restitue aussi bien la profondeur des noirs que les réserves et les demi-teintes. Ce subtil équilibre est rehaussé par la couleur délicatement bleutée du papier. Sculptées par la lumière, les masses denses de végétation dominent la composition. Malgré la saturation de la feuille, qui ne ménage aucune échappatoire pour le regard, l’espace demeure tangible, l’air circule entre les plans. L’utilisation combinée de différents outils de gravure met à la disposition de l’artiste une riche palette d’effets : précision descriptive de la pointe et du burin, gradations tonales obtenues à la roulette, qui créent une atmosphère enveloppante. Marie-Noëlle Grison 1Étienne Grafe, L’œuvre de Jean-Michel Grobon (1770-1853) au musée des Beaux-Arts de Lyon, Lyon, 1983, p. 7. 2Salon de 1796, n° 869, Tableau de genre flamand [Un jeune élève préparant les couleurs de son maître] ; n° 870, Portrait d’un jeune homme [son autoportrait] ; n° 871, Paysage [La Forêt de Rochecardon]. 3Grafe 1983, op. cit. (note 1), p. 7. 4Salon de 1796, n° 871 ; huile sur panneau, 25 × 30,5 cm, signé et daté en bas à gauche : Grobon 1795 ; marché de l’art, Lyon, 2011. 5James McKean Fisher dans Victor I. Carlson et John W. Ittmann (dir.), Regency to Empire. French printmaking 1715-1814, cat. exp. Baltimore (Baltimore Museum of Art), Boston (Museum of Fine Arts Boston), Minneapolis (Minneapolis Institute of Arts), 1984-1985, n° 114. 6Marie-Claude Chaudonneret (dir.), Les Muses de Messidor. Peintres et sculpteurs lyonnais de la Révolution à l’Empire, cat. exp. Lyon (musée des Beaux-Arts), 1989-1990, p. 95-96. 7Grafe 1983, op. cit. (note 1), p. 61. 8Ibid., p. 8.