120. Frans Lodewijk Pannekoek

Né à Den Dolder en 1937

Pantano I, 2017

Frans Pannekoek occupe une place à part parmi les artistes contemporains collectionnés par la Fondation Custodia. Depuis la fin des années 1950, Pannekoek réalise des gravures intimistes d’animaux, de portraits d’amis et de vastes paysages. Son environnement aux Pays-Bas, en France puis en Espagne, où il vit en pleine nature depuis 1967, est sa plus grande source d’inspiration. Avec plus de 900 tirages de quelque 350 estampes différentes, la collection offre non seulement un aperçu unique du processus de production de Pannekoek, mais témoigne également du dévouement constant des directeurs successifs qui ont collectionné son œuvre1.

En avril 2016, Ger Luijten, ainsi que Jan Piet Filedt Kok, ancien conservateur du Rijksmuseum d’Amsterdam, rendirent visite à l’artiste à Algodonales, dans la province de Cadix. Ils convinrent alors de produire un catalogue de l’œuvre graphique de Pannekoek2 et sélectionnèrent des estampes encore absentes de la collection, notamment des marines et des paysages de ses débuts aux Pays-Bas3. Peu après cette rencontre, Pannekoek reprit la gravure à l’eau-forte après une longue interruption. Il en résulta plusieurs séries remarquables4. Il s’agit d’œuvres expressives qui témoignent de la dimension expérimentale de son art, frôlant parfois l’abstraction.

Dans la série Pantano I, Pannekoek nous emmène dans le sud de l’Espagne, au bord d’un lac noyé dans la brume. Il y démontre sa maîtrise de la technique de la pointe sèche. La pointe de l’aiguille crée de minuscules barbes dans la plaque de zinc, qui retiennent l’encre dans les premiers tirages, créant des lignes intenses et veloutées qui s’estompent progressivement avec les tirages ultérieurs. L’essuyage contrôlé de la plaque par l’artiste crée un jeu subtil de variations de tons, qui comporte une part de hasard.

Une inscription en espagnol sur la première des trois épreuves présentées ici rend hommage à sa muse Suzanna. Le procédé d’imprimer une même plaque avec différentes couleurs d’encre présente des analogies avec l’œuvre d’Hercules Segers (vers 1589/1590–vers 1633/1640), lointain prédécesseur admiré, où les frontières conventionnelles entre gravure, dessin et peinture semblent suspendues. Les diverses variations de ton et d’encre confèrent à ces estampes des qualités distinctives qui rappellent des monotypes.

La production gravée de Frans Pannekoek dépasse l’approche purement naturaliste. Elle incarne sa fascination pour la nature et ses merveilles. Pannekoek parvient à capturer l’essence des choses : ici, la brume qui plane au-dessus du plan d’eau, révélant ainsi la beauté de la vie et de la mort. À 87 ans, Frans Pannekoek continue de réaliser des eaux-fortes, penché sur la presse en observateur de ses propres créations, afin de découvrir l’effet de l’encre sur le papier. Comme il le dit lui-même avec justesse : « Toujours à l’envers, c’est toujours la surprise ! »

Willemijn Stammis

1Carlos van Hasselt a commencé à acheter des œuvres de Pannekoek à titre personnel en 1970 après avoir vu l’exposition de l’artiste à l’Institut Néerlandais à Paris (sans catalogue). Lorsqu’il prit sa retraite en 1994, il fit don de l’ensemble de sa collection à la Fondation Custodia à condition que les achats se poursuivent. Son successeur Mària van Berge-Gerbaud a enrichi la collection et organisé en 2010-2011 une rétrospective de l’œuvre de Pannekoek au Museum Het d’Amsterdam et à l’Institut Néerlandais, accompagnée du catalogue Frans Pannekoek. Estampes et dessins de Peter Schatborn (Paris, 2011). Ger Luijten a acquis des estampes anciennes manquantes et une large sélection de nouvelles œuvres de l’artiste en 2011, 2016 et 2017.

2Disponible en ligne sur le site du RKD : Jan Piet Filedt Kok et Willemijn Stammis, RKD Studies. Frans Pannekoek – graphic art 1959-2017, dernière mise à jour 2022.

3Paris, Fondation Custodia, inv. 2017-P.12/15.

4Dont une montrant une vue de la vallée depuis la maison de l’artiste, et deux séries d’un plan d’eau voisin  ; Paris, Fondation Custodia, inv. 2018-P.9/22, 2018-P.24/31 et 2018-P.34/41.