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124. Gérard de Palézieux

124. Gérard de Palézieux

Vevey 1919 – 2012 Veyras

Nature morte au soupirail, 1982

« Le mot structure est un mot-clé dans l’univers graphique de Palézieux1. » C’est ainsi que Ger Luijten décrivait l’œuvre de Gérard de Palézieux, peintre et graveur suisse, à l’occasion de l’exposition célébrant le centenaire de la naissance de l’artiste, organisée en 2019 conjointement par la Fondation Custodia à Paris et la Fondation William Cuendet & Atelier de Saint-Prex à Vevey2. Ses compositions sont construites par des hachures ou des touches – selon le médium choisi –, des formes, des lignes et des surfaces : les éléments graphiques priment sur les motifs.

Artiste complet, Palézieux s’illustra de façon brillante dans la peinture et le dessin3. Son œuvre gravé est particulièrement remarquable et il a donné lieu à la publication d’un catalogue raisonné en cinq volumes, répertoriant près de 1200 gravures4. Autodidacte5, Palézieux avait lui-même tenu un catalogue manuscrit des estampes qu’il produisait, qui fut à l’origine de la version publiée6. S’il excella surtout en tant qu’aquafortiste, il s’essaya aussi aux techniques de l’aquatinte et du vernis mou. Il aimait toucher à tout7.

Lui-même collectionneur d’estampes de maîtres anciens et de confrères qu’il admirait, Palézieux désirait comprendre les créations des autres artistes : pour n’en citer que quelques-uns, Canaletto (1697–1768), Hercules Segers (1589/1590–1633/1640), Claude Lorrain (vers 1604–1682), Jacques Villon (1875–1963) et surtout Giorgio Morandi (1890–1964), dont il étudia minutieusement l’œuvre. Il fit connaissance avec Morandi à l’occasion d’un séjour à Florence en 19398. Il découvrit alors les natures mortes de ce peintre méditatif et solitaire. Elles répondaient à sa propre sensibilité. Outre l’amitié qui se forma entre eux, cette rencontre fut décisive pour sa manière de graver et l’influença très longtemps9.

Les motifs choisis par Palézieux se retrouvent tout au long de sa vie : ce sont essentiellement des paysages et des natures mortes, des sujets dont la figure humaine est le plus souvent absente. Palézieux fut répétitif sans se répéter. Il reprit généralement les mêmes éléments dans ses natures mortes, agencés quelque peu différemment, créant une atmosphère mélancolique. Dans cette Nature morte au soupirail, des objets placés sur une table se laissent deviner en contre-jour – un broc, un compotier garni de fruits, un vase – le tout rendu par de fines hachures croisées très précises10. Le jeu d’ombres et de lumières est particulièrement saisissant dans cette gravure : le soupirail dans le coin droit – laissé en réserve – jette un rai de lumière sur la partie gauche de la composition, la succession des traits créant des noirs de plus en plus profonds11. Comme fréquemment chez l’artiste, le temps est ici suspendu, dans une poésie du silence qui lui est propre.

Juliette Parmentier-Courreau

1Ger Luijten, « Palézieux à la lumière de ses maîtres », dans Ger Luijten et Florian Rodari (dir.), Palézieux. Œuvres sur papier, cat. exp. Paris (Fondation Custodia), Vevey (Musée Jenisch Vevey, en collaboration avec la Fondation William Cuendet & Atelier de Saint-Prex), 2019-2020, vol. IV, Essais et témoignages, p. 10.

2Cette dernière, instituée légataire universelle de l’œuvre de Palézieux par l’artiste, créée notamment à son initiative (il a d’ailleurs régulièrement prêté des gravures anciennes de sa collection, pour ensuite léguer entièrement celle-ci à l’institution) a à cœur de rendre hommage à l’artiste et de mettre en valeur sa production.

3Voir Yves Bonnefoy et Florian Rodari, Palézieux, Genève, 1994.

4François et Olivier Daulte (dir.), L’Œuvre gravé de Palézieux, 5 vols., Lausanne et Paris, 1976-2006. Ce catalogue répertorie exactement 1194 estampes, réalisées jusqu’en 2005.

5Selon Florian Rodari, Palézieux acquit les principes de l’eau-forte par lui-même ; Rodari dans Luijten et Rodari 2019-2020, op. cit. (note 1), vol. IV, p. 24.

6Ed de Heer dans Daulte 1976-2006, op. cit. (note 4), vol. V, p. 9.

7Il accompagna souvent de ses travaux (gravures, lavis ou dessins) un tirage limité de livres publiés sur son œuvre, et édita même plusieurs ouvrages de bibliophilie, notamment avec ses amis les écrivains et poètes Philippe Jaccottet (1925–2021) et Maurice Chappaz (1916–2009). Voir par exemple Maurice Chappaz, Vocation des fleuves, illustré par Gérard de Palézieux, [Saint-Clément-de-Rivière], 2003 ; ou Philippe Jaccottet, Pour Maurice Chappaz, illustré par Gérard de Palézieux, [Saint-Clément-de-Rivière], 2006.

8Une erreur administrative lui permit de demeurer à l’Académie de Florence, où il s’initia à l’art de la Renaissance et fréquenta l’atelier des frères Sanzio (1911–2001) et Goffredo (1913–2012) Trovarelli ; Florian Rodari dans Luijten et Rodari 2019-2020, op. cit. (note 1), vol. IV, p. 76 ; Rodari dans Bonnefoy et Rodari 1994, op. cit. (note 3), p. 76, 82-90.

9« Comme il le raconta plus tard, il lui fallut des années pour se débarrasser du vocabulaire graphique de Morandi, ses hachures parallèles et son sens de l’espace. » ; Ger Luijten dans Luijten et Rodari 2019-2020, op. cit. (note 1), vol. IV, p. 9. Voir aussi Florian Rodari « Palézieux, un art à l’épreuve du temps », ibid., p. 23.

10Palézieux reprit d’ailleurs le motif de notre eau-forte : en 1991 d’abord, inversé, dans Le Soupirail, eau-forte, 100 × 92 mm (Daulte 1976-2006, op. cit. (note 4), vol IV, n° D 667), puis en 1998, dans Nature morte aux trois objets à contre-jour, aquatinte, 130 × 115 mm (ibid., vol. IV, n° D 902).

11La formule générale est celle que Palézieux utilisa presque toujours dans ses natures mortes : « la représentation et le groupement des objets dans un espace donné, la distribution de la lumière et des ombres, le rendu de l’atmosphère, celui de la lumière du soleil – cette lumière qui donne vie à la représentation. » ; Ed de Heer dans Daulte 1976-2006, op. cit. (note 4), p. 5-6.