125. Charles Donker

Dès 1973, la Fondation Custodia commença à collectionner le travail du dessinateur et aquafortiste hollandais Charles Donker¹. Afin de réunir une sélection représentative de son œuvre gravé, un large ensemble de 354 eaux-fortes fut acquis au fil des ans², dont une partie a été exposée en 2021, avec des dessins et aquarelles³. Crabe dans une boîte – un don de Peter Schatborn – est venu rejoindre la collection en 2015. L’estampe montre l’intérêt que Donker a toujours porté à la nature. Jeune, l’artiste manquait souvent l’école, préférant se promener dans les prés autour de sa ville natale, Utrecht, avec son carnet de croquis et son matériel à dessin. Il continua à représenter la nature tout au long de sa carrière, voyageant non seulement aux Pays-Bas, mais également en France, Angleterre, Espagne, Pologne, Israël et au Pérou.

Les animaux – plus souvent morts que vifs – constituent une catégorie particulière dans l’œuvre de l’artiste. Ils sont généralement représentés sur un fond blanc avec une indication minimale de leur habitat naturel ou même aucune⁴. Crabe dans une boîte fait exception⁵. La surface entière de la plaque a été utilisée pour produire l’image saisissante d’un crabe mort, couché à l’envers, au fond de son cercueil. L’artiste s’est mis au défi avec la perspective raccourcie et la structure complexe de l’exosquelette du crabe, rendu de façon éloquente par des traits minces et des hachures subtiles dans plusieurs tons de gris.

Selon Jan Piet Filedt Kok, le coup de maître de l’artiste tient justement à cet ajout autour du crabe d’une boîte – en réalité un tiroir d’un cabinet d’apothicaire. Ce serait elle qui confère à l’œuvre son pouvoir de fascination, alors même qu’il estime qu’il s’agit d’une arrière-pensée puisqu’elle n’apparaît qu’à partir du second état⁶. La boîte donne en effet au crabe une présence presque oppressante⁷. Pour Ger Luijten, ce sens du cadrage est caractéristique de l’œuvre de Charles Donker⁸. Toute sa vie, il a gravé des morceaux de nature, paysages comme natures mortes, selon des cadrages soigneusement choisis.

Avant de se destiner à la gravure, Donker reçut une formation en art monumental à l’Académie des beaux-arts de Bois-le-Duc. Il en a gardé un goût pour la planéité décorative, pour le rythme, ainsi qu’un sens aigu de la structure des surfaces, allant quelquefois jusqu’à l’abstraction⁹. Au début des années 1970, son travail, qui tendait parfois vers le décoratif voire le surréalisme, devint plus naturaliste. Cette nature morte inhabituelle réalisée en 1971 se trouve à la fin de cette évolution : réaliste dans son exécution mais aux accents surréalistes, elle a très vite été considérée comme un véritable chef-d’œuvre¹⁰.

Marleen Ram et Juliette Parmentier-Courreau