Accueil Catalogues en ligne Un œil passionné. Douze ans d’acquisitions de Ger Luijten 146. Jean-Auguste-Dominique Ingres Montauban 1780 – 1867 Paris Lettre à Luigi Calamatta, s.l.n.d. [août 1839] Jean-Auguste-Dominique Ingres entretint une relation très étroite avec le graveur Luigi Calamatta (1802–1869), dont cette lettre se fait l’écho. S’adressant à son « plus sincère et dévoué ami », il alternait entre échange de nouvelles, considérations matrimoniales et développements au sujet de différents projets artistiques comme le portrait gravé que Calamatta réalisa d’après un autoportrait de son maître. L’artiste italien possédait en effet ce dessin, aujourd’hui conservé au musée du Louvre1, qui lui avait été envoyé par Ingres, dans le but de le graver2. Il semble, à la lecture de cette lettre, que Madeleine Chapelle (1782–1849), l’épouse du peintre, ait conçu quelque réticence concernant le don de cette œuvre à son graveur mais Ingres expliquait à son correspondant qu’ils étaient tous deux satisfaits du résultat3. Il propagea l’excellente réputation de portraitiste de Calamatta en ajoutant : « ce portrait est admiré au possible par moi d’abord et par tous, qui me le demande [sic] de tous côtés ». L’artiste italien était en effet un portraitiste fécond, son œuvre gravé au burin comportant une majorité de portraits, ce dont attestent les catalogues établis par Louis Alvin (1806–1887) en 18824 et Vittorio Corbucci en 18865 et qui mentionnent tous deux ce portrait gravé6. Cette lettre aborde différents sujets, dont les difficultés qui se posèrent aux artistes pour la gravure de L’Apothéose d’Homère7. Ce projet n’aboutit pas mais aurait dû constituer, selon les mots du peintre, la « plus belle gravure du siècle ». La missive renvoie également à l’émergence de la notion de célébrité que ce soit en mentionnant les modalités de la diffusion de l’image d’un artiste célèbre par la gravure ou par l’évocation du pianiste virtuose Franz Liszt (1811–1886) et de sa compagne Marie d’Agoult (1805–1876). Le musicien était alors au sommet de sa popularité, ayant entrepris cette même année 1838 une vaste tournée européenne qui suscita l’enthousiasme et la ferveur du public8. Ingres sembla lui aussi conquis par ses dons et sa personnalité : « je suis enchanté, ravi, non seulement de son admirabillissime [sic] talent mais aussi comme homme très bon, très aimable, très instruit, plein d’esprit ». Anaïs Chombar 1Jean-Auguste-Dominique Ingres, Autoportrait d’Ingres à mi-corps, 1835, mine de plomb sur papier, 299 × 219 mm, Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, inv. RF 9 recto. 2Voir Louis-Antoine Prat, Ingres, Paris, 2004, n° 34, p. 85-86. 3« à la vue du portrait admirablement gravé que vous avez fait de son Ingres, elle s’est un peu calmée sur la propriété du dessin, et vous remercie de tout son cœur ». 4Louis Alvin, « Notice sur Louis Calamatta, graveur : suivie du catalogue de l’œuvre du maître », Annuaire de l’Académie royale de Belgique, 48e année, Bruxelles, 1882, p. 234, n° 17. 5Vittorio Corbucci, Luigi Calamatta, incisore ; studio con note, documenti inediti ed elenco delle sue stampe disegnate ed incise, Civitavecchia, 1886, p. 182, n° 24. 6On peut citer parmi les différents exemplaires de ce portrait gravé conservé dans les collections publiques, celui du Musée de la Vie romantique à Paris : Autoportrait d’Ingres à mi-corps, 1839, burin, 625 × 490 mm, inv. 2002.13. 7Jean-Auguste-Dominique Ingres, Homère déifié, dit aussi L’Apothéose d’Homère, 1827, huile sur toile, 386 × 512 cm, Paris, musée du Louvre, inv. 5417. 8Au sujet de la popularité de Franz Liszt, voir Antoine Lilti, Figures publiques. L’invention de la célébrité. 1750-1850, Paris, 2014, p. 320.
Jean-Auguste-Dominique Ingres entretint une relation très étroite avec le graveur Luigi Calamatta (1802–1869), dont cette lettre se fait l’écho. S’adressant à son « plus sincère et dévoué ami », il alternait entre échange de nouvelles, considérations matrimoniales et développements au sujet de différents projets artistiques comme le portrait gravé que Calamatta réalisa d’après un autoportrait de son maître. L’artiste italien possédait en effet ce dessin, aujourd’hui conservé au musée du Louvre1, qui lui avait été envoyé par Ingres, dans le but de le graver2. Il semble, à la lecture de cette lettre, que Madeleine Chapelle (1782–1849), l’épouse du peintre, ait conçu quelque réticence concernant le don de cette œuvre à son graveur mais Ingres expliquait à son correspondant qu’ils étaient tous deux satisfaits du résultat3. Il propagea l’excellente réputation de portraitiste de Calamatta en ajoutant : « ce portrait est admiré au possible par moi d’abord et par tous, qui me le demande [sic] de tous côtés ». L’artiste italien était en effet un portraitiste fécond, son œuvre gravé au burin comportant une majorité de portraits, ce dont attestent les catalogues établis par Louis Alvin (1806–1887) en 18824 et Vittorio Corbucci en 18865 et qui mentionnent tous deux ce portrait gravé6. Cette lettre aborde différents sujets, dont les difficultés qui se posèrent aux artistes pour la gravure de L’Apothéose d’Homère7. Ce projet n’aboutit pas mais aurait dû constituer, selon les mots du peintre, la « plus belle gravure du siècle ». La missive renvoie également à l’émergence de la notion de célébrité que ce soit en mentionnant les modalités de la diffusion de l’image d’un artiste célèbre par la gravure ou par l’évocation du pianiste virtuose Franz Liszt (1811–1886) et de sa compagne Marie d’Agoult (1805–1876). Le musicien était alors au sommet de sa popularité, ayant entrepris cette même année 1838 une vaste tournée européenne qui suscita l’enthousiasme et la ferveur du public8. Ingres sembla lui aussi conquis par ses dons et sa personnalité : « je suis enchanté, ravi, non seulement de son admirabillissime [sic] talent mais aussi comme homme très bon, très aimable, très instruit, plein d’esprit ». Anaïs Chombar 1Jean-Auguste-Dominique Ingres, Autoportrait d’Ingres à mi-corps, 1835, mine de plomb sur papier, 299 × 219 mm, Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, inv. RF 9 recto. 2Voir Louis-Antoine Prat, Ingres, Paris, 2004, n° 34, p. 85-86. 3« à la vue du portrait admirablement gravé que vous avez fait de son Ingres, elle s’est un peu calmée sur la propriété du dessin, et vous remercie de tout son cœur ». 4Louis Alvin, « Notice sur Louis Calamatta, graveur : suivie du catalogue de l’œuvre du maître », Annuaire de l’Académie royale de Belgique, 48e année, Bruxelles, 1882, p. 234, n° 17. 5Vittorio Corbucci, Luigi Calamatta, incisore ; studio con note, documenti inediti ed elenco delle sue stampe disegnate ed incise, Civitavecchia, 1886, p. 182, n° 24. 6On peut citer parmi les différents exemplaires de ce portrait gravé conservé dans les collections publiques, celui du Musée de la Vie romantique à Paris : Autoportrait d’Ingres à mi-corps, 1839, burin, 625 × 490 mm, inv. 2002.13. 7Jean-Auguste-Dominique Ingres, Homère déifié, dit aussi L’Apothéose d’Homère, 1827, huile sur toile, 386 × 512 cm, Paris, musée du Louvre, inv. 5417. 8Au sujet de la popularité de Franz Liszt, voir Antoine Lilti, Figures publiques. L’invention de la célébrité. 1750-1850, Paris, 2014, p. 320.