148. Édouard Manet

Paris 1832 – 1883 Paris

Recueil de lettres à Félix Bracquemond

Édouard Manet et le graveur Félix Bracquemond (1833-1914) se rencontrèrent probablement vers 1860. Ils firent tous deux partie des fondateurs de la Société des Aquafortistes en 1862 et exposèrent au Salon des Refusés l’année suivante. En 1864, ils figurèrent côte à côte dans l’Hommage à Delacroix d’Henri Fantin-Latour1. On peut se faire une idée de leurs rapports et de leur fréquentation à partir de la quarantaine de lettres que Manet adressa à son confrère – celles de Bracquemond ayant disparues – durant les deux décennies de leur amitié. Reliées en recueil par un collectionneur non identifié dans un ordre arbitraire, elles n’étaient connues qu’à travers une publication partielle de neuf des lettres en 1923. Après leur acquisition par la Fondation Custodia, elles ont fait l’objet d’une édition complète et critique par Jean-Paul Bouillon en 20202.

La correspondance, rarement datée, est composée pour la plupart de brefs messages, rendez-vous ou invitations. Plusieurs concernent le portrait de Manet que Bracquemond avait prévu d’exposer au Salon de 1864 mais qui resterait inachevé3. D’autres se rapportent à des estampes qui sont à considérer comme des projets communs : l’eau-forte de Bracquemond d’après la Jeune femme couchée en costume espagnol de Manet de 18624, ou le Portrait de Manet par Bracquemond et l’eau-forte de Manet d’après sa propre Olympia5, ces deux derniers destinés au pamphlet publié par Émile Zola à l’occasion de l’exposition personnelle de Manet en 18676. Pour ces propres essais dans les arts graphiques, Manet dut fortement s’appuyer sur Bracquemond pour des procédés techniques, comme la pose de lavis d’aquatinte ou le procédé de l’eau forte à la plume inventé par ce dernier. Ainsi, dans une de ces lettres, il fit appel à Bracquemond pour la morsure d’une planche : « comme c’est une chose que je ne voudrais pas manquer j’ai besoin de vos lumières7 ».

« Nos discussions sur le grand art me manquent, et puis il n’y a pas de café de Bade ici », écrit Manet lors de l’une de ses absences de Paris, laissant transparaître quelque chose de leur rapports habituels8. Leurs affinités, et aussi leurs convictions communes, se révèlent de façon éloquente dans deux longues lettres que Manet adressa à Bracquemond en 1871 depuis Arcachon, où il attendait la fin de la Commune, et dans lesquelles il s’exprime vis à vis de son ami avec une rare franchise sur la situation politique de la France9. En 1880 encore, Manet, en cure à Bellevue dans la banlieue parisienne, envoie à Bracquemond deux de ses célèbres lettres aquarellées, réservées à ses amis les plus intimes, qui ont malheureusement été séparées de l’ensemble depuis longtemps10.

Hans Buijs

1Paris, musée d’Orsay, inv. RF 1664.

2Jean-Paul Bouillon, Manet to Bracquemond. Newly Discovered Letters to an Artist and Friend, Paris et Londres, 2020.

3Pastel et crayons de couleurs, découpé à droite et en bas, 77,5 × 56,5 cm dans son état actuel  ; vente, Paris (Artcurial), 30 avril 2024, no 99  ; Bouillon 2020, op. cit. (note 2), p. 6-17, frontispice et fig. 6, 7, 8, et lettres 1, 2, 4, 11, 13.

4New Haven, Yale University Art Gallery, inv. 1961.18.33. Bouillon 2020, op. cit. (note 2), p. 20-22, lettres 6, 7, 12. Pour l’eau-forte, voir ibid., fig. 18.

5Paris, musée d’Orsay, inv. RF 644.

6Bouillon 2020, op. cit. (note 2), p. 33-38, lettre 22. Pour les deux estampes, voir ibid., fig. 29 et 32.

7Ibid., p. 38 et n° 29.

8Ibid., n° 9.

9Ibid., p. 49-50 et n°s 32-33.

10Ibid., p. 59-67 et n°s 43 et 44, fig. 50 et 51.