Accueil Catalogues en ligne Un œil passionné. Douze ans d’acquisitions de Ger Luijten 149. Henri Fantin-Latour Grenoble 1836 – 1904 Buré Lettre à Otto Scholderer, s.l., automne 1871 En 1864, Henri Fantin-Latour présentait au Salon son Hommage à Delacroix1. Premier portrait de groupe réalisé par l’artiste, ce tableau est le prototype d’un genre pictural qu’il n’a cessé d’explorer au long de sa carrière car il lui donnait l’occasion de mettre en scène l’un de ses thèmes de prédilection : l’articulation complexe entre l’individu et le groupe. Vers 1870-1871, Fantin souhaita de nouveau se confronter au genre en exposant au Salon un tableau-mémorial en hommage à Charles Baudelaire (1821–1867), décédé en 1867. La genèse de ce projet peut être retracée au travers de la correspondance de Fantin et des études de composition qui nous sont parvenues. Depuis 2011, la Fondation Custodia a la chance de conserver l’une d’entre elles, tracée à la plume sur une lettre que Fantin adressa à son grand ami le peintre Otto Scholderer (1834–1902)2 à la fin de l’année 1871. Joignant l’image au texte, dans un exercice intellectuel d’une grande rapidité, l’artiste y détailla le programme iconographique de son tableau ainsi que les problèmes de composition auxquels il se trouvait confronté à ce stade de son élaboration. Il exposa aussi son choix de couleurs, opposant les valeurs sombres – le fond gris, les costumes noirs – et le blanc de la nappe, selon « des combinaisons très cherchées malgré la simplicité ». Fantin ne cachait pas non plus sa jubilation à l’idée de peindre une série de portraits : « rien de si intéressant que cette suite de portraits, cela m’enchante, j’en ferais sur la longueur d’une lieue… ». Au vu de la réponse de Scholderer dans sa lettre du 24 janvier 1872, qui confortait pourtant Fantin dans le choix d’ordonnancement de ses figures, l’on devine le cheminement parcouru par l’artiste pour aboutir à l’œuvre finale présentée au Salon de 1872, Coin de table3, qui n’a qu’une parenté lointaine avec le projet originel d’un hommage à Baudelaire4. Il faut sans doute voir dans deux autres études de composition à la pierre noire5 des étapes intermédiaires vers la composition du Coin de table, ou bien des alternatives envisagées à un stade encore plus précoce du processus créatif, comme le laissent penser les indications de dates sur le premier des deux. En tout état de cause, la séquence chronologique de tels croquis demeure malaisée à reconstituer. Le fonds d’autographes de la Fondation Custodia est particulièrement riche en correspondances concernant Fantin-Latour, avec environ 300 numéros d’inventaire de lettres dont il est l’auteur ou le destinataire. Otto Scholderer y tient la place de correspondant privilégié depuis l’acquisition, en 2011, du fonds de lettres de Fantin-Latour à lui adressées6. Marie-Noëlle Grison 1Huile sur toile, 160 × 250 cm, Paris, musée d’Orsay, inv. RF 1664 ; Isabelle Campin, Geneviève Lacambre et Anne Roquebert, Musée d’Orsay. Catalogue sommaire illustré des peintures, 2 vols., Paris, 1990, vol. I, p. 184. 2Voir également l’Autoportrait d’Otto Scholderer (cat. 81). 3Huile sur toile, 161 × 223,5 cm, Paris, musée d’Orsay, inv. RF 1959 ; Campin et al. 1990, op. cit. (note 1), p. 184. 4Laure Dalon (éd.), Fantin-Latour, à fleur de peau, cat. exp., Paris (Musée du Luxembourg), Grenoble (Musée de Grenoble), 2016-2017, p. 34, n° 57. 5Pierre noire, 214 × 298 mm, Paris, musée du Louvre, inv. RF 12492 recto ; et Old Master, 19th Century and Modern Drawings. A selection from stock. Winter catalogue 2007-2008, cat. exp. Londres (Stephen Ongpin Fine Art), 2007, n° 37. 6Paris, Fondation Custodia, inv. 2011-A.1/142.
En 1864, Henri Fantin-Latour présentait au Salon son Hommage à Delacroix1. Premier portrait de groupe réalisé par l’artiste, ce tableau est le prototype d’un genre pictural qu’il n’a cessé d’explorer au long de sa carrière car il lui donnait l’occasion de mettre en scène l’un de ses thèmes de prédilection : l’articulation complexe entre l’individu et le groupe. Vers 1870-1871, Fantin souhaita de nouveau se confronter au genre en exposant au Salon un tableau-mémorial en hommage à Charles Baudelaire (1821–1867), décédé en 1867. La genèse de ce projet peut être retracée au travers de la correspondance de Fantin et des études de composition qui nous sont parvenues. Depuis 2011, la Fondation Custodia a la chance de conserver l’une d’entre elles, tracée à la plume sur une lettre que Fantin adressa à son grand ami le peintre Otto Scholderer (1834–1902)2 à la fin de l’année 1871. Joignant l’image au texte, dans un exercice intellectuel d’une grande rapidité, l’artiste y détailla le programme iconographique de son tableau ainsi que les problèmes de composition auxquels il se trouvait confronté à ce stade de son élaboration. Il exposa aussi son choix de couleurs, opposant les valeurs sombres – le fond gris, les costumes noirs – et le blanc de la nappe, selon « des combinaisons très cherchées malgré la simplicité ». Fantin ne cachait pas non plus sa jubilation à l’idée de peindre une série de portraits : « rien de si intéressant que cette suite de portraits, cela m’enchante, j’en ferais sur la longueur d’une lieue… ». Au vu de la réponse de Scholderer dans sa lettre du 24 janvier 1872, qui confortait pourtant Fantin dans le choix d’ordonnancement de ses figures, l’on devine le cheminement parcouru par l’artiste pour aboutir à l’œuvre finale présentée au Salon de 1872, Coin de table3, qui n’a qu’une parenté lointaine avec le projet originel d’un hommage à Baudelaire4. Il faut sans doute voir dans deux autres études de composition à la pierre noire5 des étapes intermédiaires vers la composition du Coin de table, ou bien des alternatives envisagées à un stade encore plus précoce du processus créatif, comme le laissent penser les indications de dates sur le premier des deux. En tout état de cause, la séquence chronologique de tels croquis demeure malaisée à reconstituer. Le fonds d’autographes de la Fondation Custodia est particulièrement riche en correspondances concernant Fantin-Latour, avec environ 300 numéros d’inventaire de lettres dont il est l’auteur ou le destinataire. Otto Scholderer y tient la place de correspondant privilégié depuis l’acquisition, en 2011, du fonds de lettres de Fantin-Latour à lui adressées6. Marie-Noëlle Grison 1Huile sur toile, 160 × 250 cm, Paris, musée d’Orsay, inv. RF 1664 ; Isabelle Campin, Geneviève Lacambre et Anne Roquebert, Musée d’Orsay. Catalogue sommaire illustré des peintures, 2 vols., Paris, 1990, vol. I, p. 184. 2Voir également l’Autoportrait d’Otto Scholderer (cat. 81). 3Huile sur toile, 161 × 223,5 cm, Paris, musée d’Orsay, inv. RF 1959 ; Campin et al. 1990, op. cit. (note 1), p. 184. 4Laure Dalon (éd.), Fantin-Latour, à fleur de peau, cat. exp., Paris (Musée du Luxembourg), Grenoble (Musée de Grenoble), 2016-2017, p. 34, n° 57. 5Pierre noire, 214 × 298 mm, Paris, musée du Louvre, inv. RF 12492 recto ; et Old Master, 19th Century and Modern Drawings. A selection from stock. Winter catalogue 2007-2008, cat. exp. Londres (Stephen Ongpin Fine Art), 2007, n° 37. 6Paris, Fondation Custodia, inv. 2011-A.1/142.