Accueil Catalogues en ligne Un œil passionné. Douze ans d’acquisitions de Ger Luijten 153. Ernst Ludwig Kirchner Aschaffenburg 1880 – 1938 Frauenkirch Lettre à Maria Schmidt-Hell, Berlin-Wilmersdorf, 25 septembre 1912 Maria Hell (1888–1978) était l’épouse de Paul Ferdinand Schmidt (1878–1955), critique d’art et conservateur, alors attaché aux Städtische Kunstsammlungen de Magdebourg1. Dès 1908, Schmidt soutint les artistes de « Die Brücke », dont son épouse et lui collectionnaient également les œuvres. Dans cette lettre, l’artiste annonce qu’il vient de réaliser, avec Erich Heckel (1883–1970), l’affiche pour l’exposition du groupe en janvier 1913, l’année suivante, au « Neue Kunstsalon » de Munich, galerie d’avant-garde éphémère créée par le mari de Maria avec Max Dietzel. Ce fut l’avant-dernière exposition de « Die Brücke », dissoute quelques mois après. L’affiche telle que nous la connaissons, une gravure sur bois sur papier bleu signée par les deux artistes, ne correspond que dans les grandes lignes à l’esquisse énergique de la troisième page de la lettre : la femme nue en pied y a été remplacée par une demi-figure2. Maria Hell devait être elle-même active dans le domaine artistique car, au début de la lettre, Kirchner lui assure qu’il accepterait volontiers son invitation à faire des esquisses pour ses tissus. Le sujet avait déjà été abordé dans une lettre datant de quelques semaines auparavant, l’une des sept adressées à Maria Hell que nous connaissons3. L’artiste y revient de manière beaucoup plus approfondie dans la dernière lettre de la série, datée du 9 mars 1920, après un long silence réciproque. Kirchner, affaibli depuis sa dépression nerveuse de 1915, vit désormais retiré en Suisse mais se montre disposé à répondre aux questions de Hell, qui avait divorcé entre-temps. Il expose amplement ses idées sur les tapis et leur rôle essentiel dans la création d’un environnement pour l’art. En ce qui concerne les tissages de Hell, il lui conseille de ne pas partir d’un dessin préconçu mais de laisser ses créations naître spontanément sous ses mains, par bandes successives et à partir d’une gamme de couleurs préétablie. L’intérêt et les idées de Kirchner pour les arts textiles se concrétisèrent à partir de 1922 lors de sa collaboration avec l’artiste tisseuse Lise Gujer (1893–1967). Sa correspondance avec Maria Hell montre que cette forme d’art occupait son esprit depuis bien plus longtemps4. Hans Buijs 1Voir l’article « Paul Ferdinand Schmidt » dans l’encyclopédie en ligne Wikipédia. 2Gravure sur bois, 855 × 620 mm ; Annemarie et Wolf-Dieter Hube, E.L. Kirchner. Das graphische Werk, Munich, 1967, vol. I, n° 717, vol. II, p. 101, repr. Des exemplaires se trouvent dans la Kunstbibliothek, Berlin (inv. 14005608), le Kupferstich-Kabinett des Staatliche Kunstsammlungen à Dresde (inv. A 1919-499), et à la Staatsgalerie Stuttgart (inv. A 1959/2132). L’exemplaire unique du premier état, où les deux signatures manquent encore, était dans la collection Hermann Gerlinger à Moritzburg, Halle, vendue chez Ketterer Kunst à Munich, le 10 décembre 2022, n° 428. L’affiche avait été dessinée par Kirchner, Heckel s’était occupé du lettrage. 3Lettre du 2 septembre 1912 ; Hans Delfs (éd.), Ernst Ludwig Kirchner. Der gesammte Briefwechsel. « Die absolute Wahrheit, so wie ich sie fühle », Zurich, 2010, vol. I, no 167. Pour les autres lettres, voir ibid., n°s 120, 132, 153, 158, 167, 169 (la lettre discutée ici), 874, toutes publiées en extraits. La série formait un seul lot à la vente de Berlin (J. A. Stargardt), 1-2 avril 2008, n° 588, avant d’être dispersée par la galerie Kotte Autographs, Rosshaupten. 4Voir Beat Stutzer et al., Bildteppiche von Ernst Ludwig Kirchner und Lise Gujer. Ein Werkkatalog der Entwürfe (Schriften zur Bündner Kunstsammlung, 3), cat. exp. Coire (Bündner Kunstmuseum Chur), 2009.
Maria Hell (1888–1978) était l’épouse de Paul Ferdinand Schmidt (1878–1955), critique d’art et conservateur, alors attaché aux Städtische Kunstsammlungen de Magdebourg1. Dès 1908, Schmidt soutint les artistes de « Die Brücke », dont son épouse et lui collectionnaient également les œuvres. Dans cette lettre, l’artiste annonce qu’il vient de réaliser, avec Erich Heckel (1883–1970), l’affiche pour l’exposition du groupe en janvier 1913, l’année suivante, au « Neue Kunstsalon » de Munich, galerie d’avant-garde éphémère créée par le mari de Maria avec Max Dietzel. Ce fut l’avant-dernière exposition de « Die Brücke », dissoute quelques mois après. L’affiche telle que nous la connaissons, une gravure sur bois sur papier bleu signée par les deux artistes, ne correspond que dans les grandes lignes à l’esquisse énergique de la troisième page de la lettre : la femme nue en pied y a été remplacée par une demi-figure2. Maria Hell devait être elle-même active dans le domaine artistique car, au début de la lettre, Kirchner lui assure qu’il accepterait volontiers son invitation à faire des esquisses pour ses tissus. Le sujet avait déjà été abordé dans une lettre datant de quelques semaines auparavant, l’une des sept adressées à Maria Hell que nous connaissons3. L’artiste y revient de manière beaucoup plus approfondie dans la dernière lettre de la série, datée du 9 mars 1920, après un long silence réciproque. Kirchner, affaibli depuis sa dépression nerveuse de 1915, vit désormais retiré en Suisse mais se montre disposé à répondre aux questions de Hell, qui avait divorcé entre-temps. Il expose amplement ses idées sur les tapis et leur rôle essentiel dans la création d’un environnement pour l’art. En ce qui concerne les tissages de Hell, il lui conseille de ne pas partir d’un dessin préconçu mais de laisser ses créations naître spontanément sous ses mains, par bandes successives et à partir d’une gamme de couleurs préétablie. L’intérêt et les idées de Kirchner pour les arts textiles se concrétisèrent à partir de 1922 lors de sa collaboration avec l’artiste tisseuse Lise Gujer (1893–1967). Sa correspondance avec Maria Hell montre que cette forme d’art occupait son esprit depuis bien plus longtemps4. Hans Buijs 1Voir l’article « Paul Ferdinand Schmidt » dans l’encyclopédie en ligne Wikipédia. 2Gravure sur bois, 855 × 620 mm ; Annemarie et Wolf-Dieter Hube, E.L. Kirchner. Das graphische Werk, Munich, 1967, vol. I, n° 717, vol. II, p. 101, repr. Des exemplaires se trouvent dans la Kunstbibliothek, Berlin (inv. 14005608), le Kupferstich-Kabinett des Staatliche Kunstsammlungen à Dresde (inv. A 1919-499), et à la Staatsgalerie Stuttgart (inv. A 1959/2132). L’exemplaire unique du premier état, où les deux signatures manquent encore, était dans la collection Hermann Gerlinger à Moritzburg, Halle, vendue chez Ketterer Kunst à Munich, le 10 décembre 2022, n° 428. L’affiche avait été dessinée par Kirchner, Heckel s’était occupé du lettrage. 3Lettre du 2 septembre 1912 ; Hans Delfs (éd.), Ernst Ludwig Kirchner. Der gesammte Briefwechsel. « Die absolute Wahrheit, so wie ich sie fühle », Zurich, 2010, vol. I, no 167. Pour les autres lettres, voir ibid., n°s 120, 132, 153, 158, 167, 169 (la lettre discutée ici), 874, toutes publiées en extraits. La série formait un seul lot à la vente de Berlin (J. A. Stargardt), 1-2 avril 2008, n° 588, avant d’être dispersée par la galerie Kotte Autographs, Rosshaupten. 4Voir Beat Stutzer et al., Bildteppiche von Ernst Ludwig Kirchner und Lise Gujer. Ein Werkkatalog der Entwürfe (Schriften zur Bündner Kunstsammlung, 3), cat. exp. Coire (Bündner Kunstmuseum Chur), 2009.