Accueil Catalogues en ligne Art sur papier. Acquisitions récentes 17. Cornelis Cort (d’après Frans Floris) Hoorn 1533 – 1578 Rome Déesses et Nymphes pastorales, 1564 La série d’estampes des Déesses et Nymphes pastorales est le fruit d’une collaboration exceptionnelle entre deux artistes très talentueux du XVIe siècle : le graveur Cornelis Cort, originaire de la ville de Hoorn aux Pays-Bas, et le peintre anversois Frans Floris (1519/20-1570). À l’instigation de Hieronymus Cock (1518-1570), le célèbre éditeur anversois pour lequel Floris travaillait depuis un certain temps, les deux hommes ont uni leur savoir-faire vers 15601. Ensemble, ils ont réalisé certaines des estampes les plus innovantes gravées à l’époque à Anvers, dont cette série de huit feuilles représentant des déesses et des nymphes, avec des citations extraites des œuvres d’Ovide et de Virgile. La manière avec laquelle Floris, s’inspirant de statues antiques et les accompagnant de leurs attributs, a su donner forme aux différentes personnifications, a durablement influencé les générations suivantes de graveurs européens2. Une des estampes les plus spectaculaires de la série montre Daphné, un personnage du premier livre des Métamorphoses, à bout de souffle, suppliant le dieu du fleuve Pénée de la sauver des griffes d’Apollon qui, atteint par une flèche d’Éros, ne peut pas réprimer ses ardeurs et la harcèle. Sa prière est entendue et elle est changée en un arbre de laurier juste avant qu’Apollon ne l’attrape. Floris a représenté le moment où le corps de la nymphe commence à se transformer : les premières feuilles poussent de sa tête et ses doigts sont changés en branches. De même que les autres déesses et nymphes de la série d’estampes, l’élégante figure de Daphné pourrait être inspirée des études de statues antiques que Floris a réalisées à Rome vers 1541/423. La complexité des attitudes, les torsions des corps et les épaules aux muscles saillants rappellent les figures de Michel-Ange dans la Chapelle Sixtine, que l’artiste avait également pris soin d’étudier lors de son séjour dans la Ville Éternelle4. Les dessins fournis par Floris à Cort n’ont pas été conservés, mais on peut penser que l’artiste les a réalisés au pinceau, avec des lavis et des rehauts de blanc, suivant une technique similaire à celle utilisée pour le dessin du Toucher destiné à la série des Cinq Sens publiée en 15615. Cort n’avait pas son pareil pour transposer cette manière de dessiner très picturale sur la plaque de cuivre. Dans la série présentement décrite, il traite les formes avec des incisions dont il fait varier l’épaisseur, minutieusement tracées les unes à côté des autres, à différentes distances, en sorte que la ligne gracieuse, le modelé des figures et l’effet de clair-obscur si caractéristiques de la manière de Floris, se trouvent fidèlement restitués. Au contraire des projets d’estampes linéaires de Pieter Breugel l’Ancien (1526/30-1569) et Maarten van Heemskerck (1498-1574), exécutés dans une technique linéaire qui précisait chaque détail, les dessins de Floris laissaient une grande liberté artistique au graveur. Ainsi, Cort ajouta quelques détails de son cru au dessin du Toucher tandis qu’il en incisait les contours au stylet afin de les reporter sur la plaque de cuivre6. Il est possible que Cort soit également l’inventeur des petits paysages figurant à l’arrière-plan de nos estampes. Les sources indiquent en effet que Floris confiait la peinture des paysages de ses tableaux à ses assistants7. Il est donc fort probable que Cort, qui était un paysagiste très habile, ait eu, dans ce domaine aussi, la main libre. MR 1Edward H. Wouk, Frans Floris (The New Hollstein Dutch and Flemish Etchings Engravings and Woodcuts, 1450-1700), 2 vol., Ouderkerk aan den IJssel, 2011, vol. I, p. lviii. 2Ibid., vol. I, pp. lviii. 3Un album démembré contenant des dessins réalisés d’après des sculptures antiques, certains de la main de Floris, est conservé au Kunstmuseum de Bâle, Kupferstichkabinett, Amerbach-Kabinett, inv. U.IV.6 – U.IV. 29 (plume et encre brune, lavis d’encre brune ; environ 210 × 300 mm) ; Carl van de Velde, Frans Floris (1519/20-1570). Leven en werken, 2 vol., Bruxelles, 1975, vol. II, p. 92, 335-364, nos 1-25, 28, vol. II, fig. 106-121, 127 ; http://sammlungonline.kunstmuseumbasel.ch/eMuseumPlus. 4Carl van de Velde compare également le cycle d’eaux-fortes de Léon Davent d’après des projets de Primaticcio ; Van de Velde 1975, op. cit. (note 3), vol. I, p. 82-83. 5Budapest, Szépmüvészeti Múzeum, inv. 1333 (plume et encre gris-brun, rehauts de blanc, sur papier bleu ; contours incisés au stylet ; 204 × 268 mm) ; Van de Velde 1975, op. cit. (note 3), vol. I, p. 378-379, n° 46, vol. II, fig. 145 ; http://www.szepmuveszeti.hu/collection_browser_eng. 6Edward H. Wouk dans Joris van Grieken, Ger Luijten et Jan van der Stock (éd.), Hieronymus Cock. La gravure à la Renaissance, cat. exp., Louvain, M – Museum Leuven, et Paris, Fondation Custodia, 2013, p. 172-173, cat. n° 39. 7Karel van Mander rapporte que Hendrick van Cleve (vers 1525-1590/95), un assistant de Floris, peignait souvent les « achteruyten » (arrière-plans) de ses tableaux ; Hessel Miedema (éd.), Karel van Mander. The Lives of the Illustrious Netherlandish and German Painters, from the First Edition of the Schilder-boeck (1603-04), 6 vol., Doornspijk, 1994-1999, vol. I, p. 181 ; Wouk 2011, op. cit. (note 1), p. lix. Voir aussi sur ce sujet Edward H. Wouk, « Standing before Rome. Frans Floris’s Liberal Arts with Apollo, Minerva and Industry (1550-1551) », Archives et Bibliothèques de Belgique, n° spécial 89, 2010, p. 129-159.
La série d’estampes des Déesses et Nymphes pastorales est le fruit d’une collaboration exceptionnelle entre deux artistes très talentueux du XVIe siècle : le graveur Cornelis Cort, originaire de la ville de Hoorn aux Pays-Bas, et le peintre anversois Frans Floris (1519/20-1570). À l’instigation de Hieronymus Cock (1518-1570), le célèbre éditeur anversois pour lequel Floris travaillait depuis un certain temps, les deux hommes ont uni leur savoir-faire vers 15601. Ensemble, ils ont réalisé certaines des estampes les plus innovantes gravées à l’époque à Anvers, dont cette série de huit feuilles représentant des déesses et des nymphes, avec des citations extraites des œuvres d’Ovide et de Virgile. La manière avec laquelle Floris, s’inspirant de statues antiques et les accompagnant de leurs attributs, a su donner forme aux différentes personnifications, a durablement influencé les générations suivantes de graveurs européens2. Une des estampes les plus spectaculaires de la série montre Daphné, un personnage du premier livre des Métamorphoses, à bout de souffle, suppliant le dieu du fleuve Pénée de la sauver des griffes d’Apollon qui, atteint par une flèche d’Éros, ne peut pas réprimer ses ardeurs et la harcèle. Sa prière est entendue et elle est changée en un arbre de laurier juste avant qu’Apollon ne l’attrape. Floris a représenté le moment où le corps de la nymphe commence à se transformer : les premières feuilles poussent de sa tête et ses doigts sont changés en branches. De même que les autres déesses et nymphes de la série d’estampes, l’élégante figure de Daphné pourrait être inspirée des études de statues antiques que Floris a réalisées à Rome vers 1541/423. La complexité des attitudes, les torsions des corps et les épaules aux muscles saillants rappellent les figures de Michel-Ange dans la Chapelle Sixtine, que l’artiste avait également pris soin d’étudier lors de son séjour dans la Ville Éternelle4. Les dessins fournis par Floris à Cort n’ont pas été conservés, mais on peut penser que l’artiste les a réalisés au pinceau, avec des lavis et des rehauts de blanc, suivant une technique similaire à celle utilisée pour le dessin du Toucher destiné à la série des Cinq Sens publiée en 15615. Cort n’avait pas son pareil pour transposer cette manière de dessiner très picturale sur la plaque de cuivre. Dans la série présentement décrite, il traite les formes avec des incisions dont il fait varier l’épaisseur, minutieusement tracées les unes à côté des autres, à différentes distances, en sorte que la ligne gracieuse, le modelé des figures et l’effet de clair-obscur si caractéristiques de la manière de Floris, se trouvent fidèlement restitués. Au contraire des projets d’estampes linéaires de Pieter Breugel l’Ancien (1526/30-1569) et Maarten van Heemskerck (1498-1574), exécutés dans une technique linéaire qui précisait chaque détail, les dessins de Floris laissaient une grande liberté artistique au graveur. Ainsi, Cort ajouta quelques détails de son cru au dessin du Toucher tandis qu’il en incisait les contours au stylet afin de les reporter sur la plaque de cuivre6. Il est possible que Cort soit également l’inventeur des petits paysages figurant à l’arrière-plan de nos estampes. Les sources indiquent en effet que Floris confiait la peinture des paysages de ses tableaux à ses assistants7. Il est donc fort probable que Cort, qui était un paysagiste très habile, ait eu, dans ce domaine aussi, la main libre. MR 1Edward H. Wouk, Frans Floris (The New Hollstein Dutch and Flemish Etchings Engravings and Woodcuts, 1450-1700), 2 vol., Ouderkerk aan den IJssel, 2011, vol. I, p. lviii. 2Ibid., vol. I, pp. lviii. 3Un album démembré contenant des dessins réalisés d’après des sculptures antiques, certains de la main de Floris, est conservé au Kunstmuseum de Bâle, Kupferstichkabinett, Amerbach-Kabinett, inv. U.IV.6 – U.IV. 29 (plume et encre brune, lavis d’encre brune ; environ 210 × 300 mm) ; Carl van de Velde, Frans Floris (1519/20-1570). Leven en werken, 2 vol., Bruxelles, 1975, vol. II, p. 92, 335-364, nos 1-25, 28, vol. II, fig. 106-121, 127 ; http://sammlungonline.kunstmuseumbasel.ch/eMuseumPlus. 4Carl van de Velde compare également le cycle d’eaux-fortes de Léon Davent d’après des projets de Primaticcio ; Van de Velde 1975, op. cit. (note 3), vol. I, p. 82-83. 5Budapest, Szépmüvészeti Múzeum, inv. 1333 (plume et encre gris-brun, rehauts de blanc, sur papier bleu ; contours incisés au stylet ; 204 × 268 mm) ; Van de Velde 1975, op. cit. (note 3), vol. I, p. 378-379, n° 46, vol. II, fig. 145 ; http://www.szepmuveszeti.hu/collection_browser_eng. 6Edward H. Wouk dans Joris van Grieken, Ger Luijten et Jan van der Stock (éd.), Hieronymus Cock. La gravure à la Renaissance, cat. exp., Louvain, M – Museum Leuven, et Paris, Fondation Custodia, 2013, p. 172-173, cat. n° 39. 7Karel van Mander rapporte que Hendrick van Cleve (vers 1525-1590/95), un assistant de Floris, peignait souvent les « achteruyten » (arrière-plans) de ses tableaux ; Hessel Miedema (éd.), Karel van Mander. The Lives of the Illustrious Netherlandish and German Painters, from the First Edition of the Schilder-boeck (1603-04), 6 vol., Doornspijk, 1994-1999, vol. I, p. 181 ; Wouk 2011, op. cit. (note 1), p. lix. Voir aussi sur ce sujet Edward H. Wouk, « Standing before Rome. Frans Floris’s Liberal Arts with Apollo, Minerva and Industry (1550-1551) », Archives et Bibliothèques de Belgique, n° spécial 89, 2010, p. 129-159.