19. Abraham Teerlink

Dordrecht 1776 – 1857 Rome

Étude de rochers et de végétation

Originaire de Dordrecht, où il débuta sa formation de peintre, Abraham Teerlink fit partie des jeunes artistes qui, entre 1807 et 1810, obtinrent une bourse pour aller étudier deux ans à Paris, puis deux ans à Rome. Cette bourse fut instaurée par le roi de Hollande, Louis Bonaparte (r. 1806–1810), afin de stimuler le développement des beaux-arts aux Pays-Bas. Bien qu’inspirée du Prix de Rome français, il y avait quelques différences, notamment la possibilité pour les peintres de paysage d’être nommés1. Teerlink appartint à cette dernière catégorie2. Il partit après le 11 juin 1807 à Paris où, contrairement aux autres pensionnaires, il ne semble pas avoir intégré un atelier de maître3.

En France, Teerlink commença à dessiner sur le motif, pratique qu’il continua quand il se rendit en Italie en novembre 1808. Nous connaissons de lui des vues panoramiques de paysages italiens, des études détaillées d’après nature ou encore des paysans italiens et des animaux. Teerlink utilisa volontiers un papier de grand format comme en témoigne cette feuille particulièrement large. Le sujet de ce dessin est une impressionnante paroi rocheuse sur laquelle des arbres poussent vers le vide et semblent tenir de justesse4. En bas à droite, la vue s’ouvre vers un paysage lointain.

Il s’agit sans doute d’une étude faite en plein air. L’artiste commença son esquisse au graphite pour ensuite la compléter partiellement à l’aquarelle, avec des couleurs très prononcées, plus vives que les coloris qu’il emploie habituellement. Ces couleurs et la lumière éclatante évoquent les effets atmosphériques de l’Italie. S’il est difficile de situer cette étude dans l’œuvre de l’artiste – comme d’ailleurs la plupart des dessins de Teerlink, qui sont rarement datés – les traits sûrs, vifs et libres indiquent qu’il doit s’agir d’un dessin réalisé par un artiste accompli. Nous ne savons pas si l’artiste l’utilisa par la suite pour l’un de ses tableaux. Très peu de dessins préparatoires de sa main sont connus5. Toutefois, le motif de parois rocheuses revient régulièrement dans ses vues de cascades et de montagnes italiennes6.

L’œuvre provient des descendants italiens de la veuve de l’artiste, tout comme dix-sept autres dessins que la Fondation Custodia acquit en 19887. Teerlink, ayant trouvé en Italie une clientèle pour ses tableaux représentant la campagne romaine, resta toute sa vie à Rome où il épousa en 1836 l’artiste toscane Anna Muschi (1800 ?–1885 ?) et où il décéda en 18578. Après son décès, son fonds d’atelier passa probablement à sa femme comme l’avait souhaité Teerlink9.

Rhea Sylvia Blok

1Notons également qu’il n’y avait pas de concours mais que les artistes étaient nommés et que les élèves-pensionnaires devaient d’abord intégrer l’atelier d’un maître à Paris. Voir Ellinoor Bergvelt, « De élèves-pensionnaires van Koning Lodewijk Napoleon / Gli élèves-pensionnaires di Re Luigi Napoleone », dans Ellinoor Bergvelt (dir.), Reizen naar Rome. Italië als leerschool voor Nederlandse kunstenaars omstreeks 1800 / Paesaggisti ed altri artisti olandesi a Roma intorno al 1800, cat. exp. Haarlem (Teylers Museum) et Rome (Istituto Olandese di Roma), 1986, p. 45-78.

2Pour Teerlink, voir Bergvelt 1986, op. cit. (note 1), Appendice 1 (sans pagination) ; J. Erkelens et al., Tussen Zonnegoud en kaarslicht. Dordtse meesters 1780-1840, cat. exp. Dordrecht (Dordrechts Museum), 1986, p. 82-87.

3Dans une lettre de Teerlink à Arnoldus Lamme, écrite de Paris le 15 octobre 1807, il informa le fils de son ancien maître qu’il est libre et n’est sous la supervision de personne : « […] ik ben, God dank !, geheel vrij en sta onder niemands opzicht », Amsterdam, Rijksmuseum, inv. RP-D-1992-1-A.Teerlink-1.

4Le dessin a été reproduit en format paysage dans le catalogue de vente Gênes (Wannenes), 21 mars 2018, n° 894. La feuille y est rapprochée du tableau Vue du parc de la Villa Chigi près d’Ariccia de 1822 du Rijksmuseum à Amsterdam (inv. SK-A-4955). Toutefois, le motif du dessin n’est pas présent sur cette toile.

5Ingrid Oud, Michiel Jonker et Marijn Schapelhouman, In de ban van Italië. Tekeningen uit een Amsterdamse verzameling, cat. exp. Amsterdam (Amsterdams Historisch Museum), 1995, n° 59, p. 83. Un rare dessin préparatoire pour un tableau datant de son séjour à Paris est conservé au Rijksmuseum à Amsterdam (inv. RP-T-1989-16). Voir Robert-Jan te Rijdt dans Mària van Berge-Gerbaud et Hans Buijs (dir.), Morceaux Choisis parmi les acquisitions de la Collection Frits Lugt réalisées sous le directorat de Carlos van Hasselt 1970-1994, cat. exp. Paris (Institut Néerlandais), 1994, n° 34.

6Des rochers végétalisés proches sont visibles dans un tableau de 1815 : vente, Amsterdam (Christie’s), 7 novembre 2001, n° 86 ; ou encore dans un tableau avec une vue depuis l’intérieur d’une grotte (autrefois dans la collection du Dr. G. J. Hoogewerff, Rome).

7En 1988, un groupe de dessins d’Abraham Teerlink fut dispersé. Ils avaient été conservés jusqu’à cette date par les descendants italiens de la veuve de l’artiste. Une partie fut acquise par le Rijksmuseum à Amsterdam, une autre partie par la Fondation Custodia et le reste fut vendu par la Galleria Carlo Virgilio de Rome. Voir Te Rijdt 1994, op. cit. (note 5), n° 34. Le dessin publié ici fut acheté en 2020 et faisait partie de vingt-et-un lots de dessins et de tableaux d’artistes divers provenant des héritiers d’Abraham Teerlink : vente, Gênes (Wannenes), 21 mars 2018, nos 879-899. Un tableau de Teerlink acquis par la Fondation Custodia en 2019 y fut également vendu (n° 895 ; désormais inv. 2019-S.56).

8Sur la différence de clientèle entre l’Italie et les Pays-Bas, voir Jenny Reynaerts, Mirror of Reality. 19th-century Painting in the Netherlands, Amsterdam et Bruxelles, 2019, p. 70-74.

9A. H. L. Hensen, « Alexander (Abraham) Teerlink », Mededelingen Koninklijk Nederlands Instituut te Rome, vol. II, 1922 (2e éd. 1932), p. 163-166.