Accueil Catalogues en ligne Enfants du Siècle d’or 2. Anonyme, Pays-Bas, Frise occidentale Portrait de Grietge Maertensdochter, 1629 La famille à laquelle appartiennent les armoiries peintes en haut à gauche du tableau n’a certes pas encore pu être identifiée mais nous savons comment s’appelait l’enfant qui a posé pour ce portrait grâce à l’inscription dans le coin supérieur droit. Il est très rare de trouver le nom du modèle inscrit au recto d’un tableau au XVIIe siècle. « Marguerite Fille de Martin » pourrait-on traduire Grietge Maertens Dochter. Il s’agit donc d’une fillette, ce que n’indique pas son vêtement qui, à l’époque, aurait tout aussi bien pu être porté par un garçon (voir ainsi le portrait cat. 1). Le fond sombre, le sol dallé en damier et la représentation en pied sont caractéristiques de nombreux portraits de jeunes enfants produits dans les Pays-Bas du Nord comme du Sud dans ces premières décennies du XVIIe siècle. Il en est de même des cerises que tient la fillette et qui remplissent son panier. Une symbolique particulière ayant trait à la progéniture leur était sans doute attachée, mais elle ne nous est aujourd’hui plus connue1. En revanche, les fruits en général sont, dans les portraits, les attributs par excellence des enfants et de la fertilité du mariage2. À moins que ces cerises ne servent à la fois d’effet de réel et de tour pictural. Leur jus sucré et leur petite taille devaient en faire l’un des mets favoris des enfants à une époque, où, ne l’oublions pas, le sucre était une denrée coûteuse et les bonbons peu courants. Mais nous avons peut-être ici aussi tout simplement à faire avec un choix pictural : le rouge vif de ces petits fruits apporte en effet quelques accents de couleurs à ces portraits d’enfants et s’accorde généralement avec d’autres détails du costume. Dans le cas présent, il s’agit du collier en perles de corail rouge qui répond au vermillon des cerises. Ce type de bijou était souvent porté par les enfants en bas âge, dans les tableaux comme dans la réalité. On attribuait en effet au corail rouge diverses vertus curatives3 ; on trouve ainsi dans le traité du botaniste flamand Dodonaeus (1517-1585), que les perles de corail attachées au cou des jeunes enfants préviendraient les convulsions et la nervosité4. Un autre motif récurrent dans les portraits d’enfants du Siècle d’or sont les précieux hochets que les petits modèles tiennent à la main ou portent, comme ici, accroché à la taille par une chaîne. Le hochet de Grietge, auquel sont fixées trois clochettes, est en argent et moins coûteux que d’autres modèles où se mêlaient aussi l’or ou le vermeil et des pierres semi-précieuses (voir le cat. 1). Le pendentif attaché au collier de corail est un second hochet : la petite corne en argent à laquelle sont suspendus une étoile, une demi-lune et un troisième symbole (caché derrière la cerise, sans doute un soleil), est peut-être un sifflet comme le suggèrent certains exemplaires conservés5. La petite Grietge tient dans sa main droite un boffer, friandise qui semble beaucoup intéresser le chien à ses pieds6. La présence de cet animal domestique est également une constante dans les portraits ou les représentations d’enfants aux XVIe et XVIIe siècles. Le chien que l’on dresse était alors souvent comparé à l’enfant que l’on éduque7 et ce rapprochement était dépourvu du sens péjoratif que l’on pourrait aujourd’hui lui prêter. Rudi Ekkart, le grand spécialiste de l’art du portrait des Pays-Bas, s’est penché sur ce tableau et n’a pu lui attribuer d’auteur mais il place sa production dans la province de Frise occidentale. Le petit chien est en effet une reprise de ceux peints par l’artiste d’Enkhuizen Jan Claesz. (1565/1575-1618/1619) dans plusieurs de ses portraits et les armoiries sont caractéristiques de cette région du Nord des Pays-Bas8. CT 1Rudi Ekkart dans Kinderen op hun mooist. Het kinderportret in de Nederlanden 1500-1700, cat. exp., Haarlem, Frans Hals Museum, Anvers, Musée royal des beaux-arts, 2000, sous n° 11, p. 112 ; dans l’iconographie chrétienne, la cerise était considérée comme l’un des fruits du Paradis, voir ibid., sous n° 7, p. 100. 2Ibid., sous n° 8, p. 102 et n° 66, p. 242. 3On trouve de nos jours la croyance que le corail rouge favoriserait la pousse des dents des jeunes enfants. Il suffit pour cela de consulter Internet. 4Rembertus Dodonaeus (Dodoens), Cruydt-Boeck, Anvers, 1554 : « Dat bollekens van corael aen snoerkens geregen, aen den hals van jonge kinderen gehangen, hun stuypkens ende ongerustigheyt verhoeden » ; cité dans Kinderen op hun mooist, op. cit., sous n° 8, p. 102. Ce traité fut traduit en français par Charles de l’Écluse (le célèbre Clusius [1526-1609]) dès 1557 et connu de nombreuses rééditions jusqu’au XVIIe siècle. Voir aussi Les Portraits de Frans Hals. Une réunion de famille, cat. exp., Toledo (Ohio), The Toledo Museum of Art, Bruxelles, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Paris, Fondation Custodia, 2018-2019, p. 53, note 41. 5Voir Rinkelbel en rammelaar, cat. exp., Amsterdam, museum Willet-Holthuysen, 1957 ; le hochet en argent du n° 34 est très proche dans sa forme et date précisément de 1629, mais il ne pouvait servir de sifflet ; en revanche, le n° 68 présentant une forme similaire est bien un sifflet ; il date toutefois du XVIIIe siècle. 6Le boffer (ou poffer) était fait de farine, levure, œufs, raisins secs, épices, sucre et lait ; ils étaient rissolés à la poêle. Voir Judith Leyster. Schilderes in een mannenwereld, cat. exp., Haarlem, Frans Hals Museum, 1993, p. 140. 7Jan Baptist Bedaux, The Reality of Symbols, La Haye, 1990, p. 112-122. 8Ekkart 2010, p. 19-20, p. 20.
La famille à laquelle appartiennent les armoiries peintes en haut à gauche du tableau n’a certes pas encore pu être identifiée mais nous savons comment s’appelait l’enfant qui a posé pour ce portrait grâce à l’inscription dans le coin supérieur droit. Il est très rare de trouver le nom du modèle inscrit au recto d’un tableau au XVIIe siècle. « Marguerite Fille de Martin » pourrait-on traduire Grietge Maertens Dochter. Il s’agit donc d’une fillette, ce que n’indique pas son vêtement qui, à l’époque, aurait tout aussi bien pu être porté par un garçon (voir ainsi le portrait cat. 1). Le fond sombre, le sol dallé en damier et la représentation en pied sont caractéristiques de nombreux portraits de jeunes enfants produits dans les Pays-Bas du Nord comme du Sud dans ces premières décennies du XVIIe siècle. Il en est de même des cerises que tient la fillette et qui remplissent son panier. Une symbolique particulière ayant trait à la progéniture leur était sans doute attachée, mais elle ne nous est aujourd’hui plus connue1. En revanche, les fruits en général sont, dans les portraits, les attributs par excellence des enfants et de la fertilité du mariage2. À moins que ces cerises ne servent à la fois d’effet de réel et de tour pictural. Leur jus sucré et leur petite taille devaient en faire l’un des mets favoris des enfants à une époque, où, ne l’oublions pas, le sucre était une denrée coûteuse et les bonbons peu courants. Mais nous avons peut-être ici aussi tout simplement à faire avec un choix pictural : le rouge vif de ces petits fruits apporte en effet quelques accents de couleurs à ces portraits d’enfants et s’accorde généralement avec d’autres détails du costume. Dans le cas présent, il s’agit du collier en perles de corail rouge qui répond au vermillon des cerises. Ce type de bijou était souvent porté par les enfants en bas âge, dans les tableaux comme dans la réalité. On attribuait en effet au corail rouge diverses vertus curatives3 ; on trouve ainsi dans le traité du botaniste flamand Dodonaeus (1517-1585), que les perles de corail attachées au cou des jeunes enfants préviendraient les convulsions et la nervosité4. Un autre motif récurrent dans les portraits d’enfants du Siècle d’or sont les précieux hochets que les petits modèles tiennent à la main ou portent, comme ici, accroché à la taille par une chaîne. Le hochet de Grietge, auquel sont fixées trois clochettes, est en argent et moins coûteux que d’autres modèles où se mêlaient aussi l’or ou le vermeil et des pierres semi-précieuses (voir le cat. 1). Le pendentif attaché au collier de corail est un second hochet : la petite corne en argent à laquelle sont suspendus une étoile, une demi-lune et un troisième symbole (caché derrière la cerise, sans doute un soleil), est peut-être un sifflet comme le suggèrent certains exemplaires conservés5. La petite Grietge tient dans sa main droite un boffer, friandise qui semble beaucoup intéresser le chien à ses pieds6. La présence de cet animal domestique est également une constante dans les portraits ou les représentations d’enfants aux XVIe et XVIIe siècles. Le chien que l’on dresse était alors souvent comparé à l’enfant que l’on éduque7 et ce rapprochement était dépourvu du sens péjoratif que l’on pourrait aujourd’hui lui prêter. Rudi Ekkart, le grand spécialiste de l’art du portrait des Pays-Bas, s’est penché sur ce tableau et n’a pu lui attribuer d’auteur mais il place sa production dans la province de Frise occidentale. Le petit chien est en effet une reprise de ceux peints par l’artiste d’Enkhuizen Jan Claesz. (1565/1575-1618/1619) dans plusieurs de ses portraits et les armoiries sont caractéristiques de cette région du Nord des Pays-Bas8. CT 1Rudi Ekkart dans Kinderen op hun mooist. Het kinderportret in de Nederlanden 1500-1700, cat. exp., Haarlem, Frans Hals Museum, Anvers, Musée royal des beaux-arts, 2000, sous n° 11, p. 112 ; dans l’iconographie chrétienne, la cerise était considérée comme l’un des fruits du Paradis, voir ibid., sous n° 7, p. 100. 2Ibid., sous n° 8, p. 102 et n° 66, p. 242. 3On trouve de nos jours la croyance que le corail rouge favoriserait la pousse des dents des jeunes enfants. Il suffit pour cela de consulter Internet. 4Rembertus Dodonaeus (Dodoens), Cruydt-Boeck, Anvers, 1554 : « Dat bollekens van corael aen snoerkens geregen, aen den hals van jonge kinderen gehangen, hun stuypkens ende ongerustigheyt verhoeden » ; cité dans Kinderen op hun mooist, op. cit., sous n° 8, p. 102. Ce traité fut traduit en français par Charles de l’Écluse (le célèbre Clusius [1526-1609]) dès 1557 et connu de nombreuses rééditions jusqu’au XVIIe siècle. Voir aussi Les Portraits de Frans Hals. Une réunion de famille, cat. exp., Toledo (Ohio), The Toledo Museum of Art, Bruxelles, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Paris, Fondation Custodia, 2018-2019, p. 53, note 41. 5Voir Rinkelbel en rammelaar, cat. exp., Amsterdam, museum Willet-Holthuysen, 1957 ; le hochet en argent du n° 34 est très proche dans sa forme et date précisément de 1629, mais il ne pouvait servir de sifflet ; en revanche, le n° 68 présentant une forme similaire est bien un sifflet ; il date toutefois du XVIIIe siècle. 6Le boffer (ou poffer) était fait de farine, levure, œufs, raisins secs, épices, sucre et lait ; ils étaient rissolés à la poêle. Voir Judith Leyster. Schilderes in een mannenwereld, cat. exp., Haarlem, Frans Hals Museum, 1993, p. 140. 7Jan Baptist Bedaux, The Reality of Symbols, La Haye, 1990, p. 112-122. 8Ekkart 2010, p. 19-20, p. 20.