Accueil Catalogues en ligne Un œil passionné. Douze ans d’acquisitions de Ger Luijten 24. Nicolas Delobel Paris 1693 – 1763 Paris Vue de l’île de San Bartolomeo, 1729 Nicolas Delobel, élève de Louis de Boullogne (1654–1733), remporta le second Grand Prix en 1717 mais ne se rendit à Rome qu’en 17231. Il travailla à des copies de tableaux2, quelques travaux de décoration de l’Académie3 et peignit des portraits4. Rentré en France5, agréé le 26 janvier 1732 et reçu à l’Académie Royale en 1734, il essaya de se distinguer principalement comme peintre d’allégories et d’histoire6. Sa carrière ne fut pas couronnée de succès7. Le grand amateur Pierre-Jean Mariette (1694–1774) dans son Abecedario qualifia d’« assez pauvre peintre » celui qui « prétendait pourtant aux grandes machines ». Cependant Mariette ajoutait que ce qu’il avait vu de mieux de Delobel « sont des veues de Rome qu’il avoit dessiné sur le lieu et dont il avoit un grand nombre dans ses portefeuilles »8. Lui-même en conservait deux dans ses cartons9. Suivant les recommandations de Nicolas Vleughels (1668–1773)10, qui avait succédé à Charles Poerson à la tête de l’Académie de Rome, Delobel s’exerça à la pratique en plein air en compagnie de Charles Joseph Natoire (1700–1777) et Étienne Jeaurat (1699–1789)11. Ce sont ces vues réalisées in situ par les pensionnaires de l’Académie de France à Rome principalement dessinées au crayon noir, à la plume et à l’encre puis rehaussées de lavis, d’aquarelle et parfois de gouache, qui sont recherchées par les connaisseurs12. Il est d’ailleurs parfois difficile de distinguer la main de leurs auteurs13. Nous ne savons pas sous quel nom le marquis de Chennevières conservait ce dessin réapparu en 1989 dans le commerce de l’art sous le nom d’Étienne Jeaurat. Sa réattribution a été effectuée lors de sa publication dans le catalogue de Flavia Ormond en 2001, en comparaison avec la Vue de la Domus Augustana à l’angle sud-est du Palatin, datée 1724, provenant de la collection Mariette, alors nouvellement entrée au musée du Louvre14. Deux autres feuilles sont attribuées sans réserve à Delobel : la Vue prise du cloître de San Bartolomeo all’Isola, datée 1728, entrée en 1956 dans les collections du Rijksmuseum d’Amsterdam15 et la Vue des ruines des bains antiques à Rome, de la collection Horvitz à Boston16, toutes deux annotées et portant le nom de leur auteur17. Ces feuilles révèlent une observation précise de la nature et l’intérêt pour les monuments du passé suscité lors de promenades effectuées à Rome et ses environs. On constate que l’enseignement de Nicolas Vleughels, « amoureux des belles vueues18 » a été compris par Nicolas Delobel qui a su ressentir le merveilleux qui émanait de chacun de ces sites. Laurence Lhinares 1Anatole de Montaiglon, Correspondance des directeurs de l’Académie de France à Rome avec les surintendants des bâtiments, 1887-1912, 18 vols., Paris, 1887, vol. VI, n° 2546, lettre du 5 octobre 1723 annonçant l’arrivée des trois élèves « Natoire, de Lobel et Desrisé ». 2Ibid., 1887, vol. VII, notamment n° 2832 et n° 2864. Delobel avait la charge de copier Bacchus et Ariane du Titien. 3Ibid., 1887, vol. VII, n° 3065. Il y est mentionné qu’il est le fils d’un tapissier. 4Ibid., 1887, vol. VII, n° 3078 ; n° 3095 ; n° 3120 ; n° 3127. 5Ibid., 1888, vol. VIII, n° 3334. 6Lire Hélène Adhémar, « Autour de quelques œuvres inédites de Delobel », Gazette des beaux-arts, 1957, p. 175-182 ; François Marandet, « Nicolas Delobel, “peintre d’allégories” : six nouveaux témoignages », Les Cahiers d’histoire de l’art, Études, vol. XIV, 2016, p. 26-33 ; François Marandet, « Une peinture mythologique par Nicolas Delobel (1693-1763) au musée du Havre », Revue du Louvre. La Revue des musées de France, Études, 2003, p. 67-70. 7Hélène Adhémar rapporte (Adhémar 1957, op. cit. (note 6), p. 182, note 29) deux critiques assez sévères sur l’artiste. 8Abecedario de P.J. Mariette et autres notes inédites de cet amateur sur les arts et les artistes, publiés par Philippe de Chennevières-Pointel et Anatole de Montaiglon, Paris, 1853-1854, vol. II, p. 85. 9Vente, Paris, 15 novembre 1775 et jours suivants, n° 1278 : « Lobel (Nicolas de), Deux ruines de l’ancienne Rome, dessinées à la plume & au bistre, & colorées ». 10Montaiglon 1887-1912, op. cit. (note 1), 1887, vol. VII, n° 2818, lettre de Poerson à d’Antin : « […] les élèves de la peinture, qui ne perdent point de temps, sont allés estudier d’après nature des beaux restes de l’antiquité, à Tivoli et Frascati, avec M. Vleughels, lequel est amoureux des veuës de ce pays ; sont allés ensemble les Srs Natoire, de Lobel et Joras, […] ». 11On lira avec profit l’article de Martin Eidelberg, « Le paysagisme et l’Académie de France à Rome », dans Martin Eidelberg, Rêveries italiennes. Watteau et les paysagistes français au XVIIIe siècle, cat. exp. Valenciennes (Musée des Beaux-Arts), 2015-2016, p. 144-156. 12Outre Mariette et le sculpteur Philippe Cayeux, qui possédait plus de trente-deux dessins de « De Lobelle » (sa vente, Paris, 11 décembre 1769, nos 290-295), on citera par exemple Antonio Cesare de Poggi, vente, Londres (Phillips), 22 avril 1801 et jours suivants, partie du n° 49. 13Le dessin Vue côtière d’une ville au bord d’un lac, à la pierre noire, rehauts de blanc, sur papier bleu, 293 × 498 mm, Cambridge, Harvard Art Museums / Fogg Museum, inv. 1953.90, anciennement donné à Natoire, est désormais attribué à Delobel. 14Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, inv. RF51727, plume et encre brune, lavis gris et lavis brun, rehauts d’aquarelle, 250 × 403 mm ; ce dessin est probablement passé en vente à Leipzig (Artaria et Fontaine), le 18 août 1856 et jours suivants, n° 2574 : « Ruines du Palais des Empereurs à Rome. Dessin en couleur de la collection Mariette H. 9 p. 7 l. – L. 14 p. 10 l. ». 15Amsterdam, Rijksmuseum, inv. RP-T-1956-57, plume et encre brune, lavis gris et rehauts d’aquarelle, 222 × 236 mm. 16Boston, The Horvitz Collection, inv. D-F-1159, crayon noir, lavis gris et rehauts de gouache blanche, 260 × 383 mm. 17Voici une courte liste de feuilles aujourd’hui classées sous le nom de Delobel : New York, Metropolitan Museum of Art, inv. 2017.159, Vue des Cascades de Tivoli, crayon noir, sanguine, plume et encre brune, lavis brun, aquarelle, rehauts de gouache, 337 × 228 mm (Marandet 2016, op. cit. (note 6), p. 32, note 11, s’interroge sur les différences stylistiques entre ce dessin et celui du Louvre). Vente, New York (Christie’s), 25 janvier 2005, n° 9, Vue de maisons et de bâtiments sur une colline avec des pins parasols, à Rome, crayon noir, plume et encre brune, lavis brun et rehauts de gouache, 241 × 387 mm. Vente, Florence (Gonnelli Casa d’Aste), 13 décembre 2014, n° 662, Vue du mur de la Porte de Saint-Jean-de-Latran, pierre noire, plume et encre brune, lavis, 251 × 343 mm. Vente, Paris (Ader), 11 juin 2021, n° 22, Terrasse arborée vis-à-vis de Sainte-Anastasie-sur-Palatin, à Rome, crayon, plume et encre, lavis, gouache, 265 × 370 mm (proche du dessin signalé par Stephen Ongpin dans son catalogue de 2018, n° 39, note 2, Vue des bords du Tibre vis-à-vis de San Bartolomeo, crayon, plume et encre, lavis brun, rehauts de blanc, sur papier bleu, 382 × 257 mm). Vente, Paris (Beaussant-Lefèvre et associés), 11 février 2022, n° 346, Paysage d’Italie avec un pont en ruine, plume et encre brune, lavis gris, rehauts de gouache sur papier bleu, 250 × 395 mm. 18Montaiglon 1887-1912, op. cit. (note 1), 1887, vol. VII, p. 84.
Nicolas Delobel, élève de Louis de Boullogne (1654–1733), remporta le second Grand Prix en 1717 mais ne se rendit à Rome qu’en 17231. Il travailla à des copies de tableaux2, quelques travaux de décoration de l’Académie3 et peignit des portraits4. Rentré en France5, agréé le 26 janvier 1732 et reçu à l’Académie Royale en 1734, il essaya de se distinguer principalement comme peintre d’allégories et d’histoire6. Sa carrière ne fut pas couronnée de succès7. Le grand amateur Pierre-Jean Mariette (1694–1774) dans son Abecedario qualifia d’« assez pauvre peintre » celui qui « prétendait pourtant aux grandes machines ». Cependant Mariette ajoutait que ce qu’il avait vu de mieux de Delobel « sont des veues de Rome qu’il avoit dessiné sur le lieu et dont il avoit un grand nombre dans ses portefeuilles »8. Lui-même en conservait deux dans ses cartons9. Suivant les recommandations de Nicolas Vleughels (1668–1773)10, qui avait succédé à Charles Poerson à la tête de l’Académie de Rome, Delobel s’exerça à la pratique en plein air en compagnie de Charles Joseph Natoire (1700–1777) et Étienne Jeaurat (1699–1789)11. Ce sont ces vues réalisées in situ par les pensionnaires de l’Académie de France à Rome principalement dessinées au crayon noir, à la plume et à l’encre puis rehaussées de lavis, d’aquarelle et parfois de gouache, qui sont recherchées par les connaisseurs12. Il est d’ailleurs parfois difficile de distinguer la main de leurs auteurs13. Nous ne savons pas sous quel nom le marquis de Chennevières conservait ce dessin réapparu en 1989 dans le commerce de l’art sous le nom d’Étienne Jeaurat. Sa réattribution a été effectuée lors de sa publication dans le catalogue de Flavia Ormond en 2001, en comparaison avec la Vue de la Domus Augustana à l’angle sud-est du Palatin, datée 1724, provenant de la collection Mariette, alors nouvellement entrée au musée du Louvre14. Deux autres feuilles sont attribuées sans réserve à Delobel : la Vue prise du cloître de San Bartolomeo all’Isola, datée 1728, entrée en 1956 dans les collections du Rijksmuseum d’Amsterdam15 et la Vue des ruines des bains antiques à Rome, de la collection Horvitz à Boston16, toutes deux annotées et portant le nom de leur auteur17. Ces feuilles révèlent une observation précise de la nature et l’intérêt pour les monuments du passé suscité lors de promenades effectuées à Rome et ses environs. On constate que l’enseignement de Nicolas Vleughels, « amoureux des belles vueues18 » a été compris par Nicolas Delobel qui a su ressentir le merveilleux qui émanait de chacun de ces sites. Laurence Lhinares 1Anatole de Montaiglon, Correspondance des directeurs de l’Académie de France à Rome avec les surintendants des bâtiments, 1887-1912, 18 vols., Paris, 1887, vol. VI, n° 2546, lettre du 5 octobre 1723 annonçant l’arrivée des trois élèves « Natoire, de Lobel et Desrisé ». 2Ibid., 1887, vol. VII, notamment n° 2832 et n° 2864. Delobel avait la charge de copier Bacchus et Ariane du Titien. 3Ibid., 1887, vol. VII, n° 3065. Il y est mentionné qu’il est le fils d’un tapissier. 4Ibid., 1887, vol. VII, n° 3078 ; n° 3095 ; n° 3120 ; n° 3127. 5Ibid., 1888, vol. VIII, n° 3334. 6Lire Hélène Adhémar, « Autour de quelques œuvres inédites de Delobel », Gazette des beaux-arts, 1957, p. 175-182 ; François Marandet, « Nicolas Delobel, “peintre d’allégories” : six nouveaux témoignages », Les Cahiers d’histoire de l’art, Études, vol. XIV, 2016, p. 26-33 ; François Marandet, « Une peinture mythologique par Nicolas Delobel (1693-1763) au musée du Havre », Revue du Louvre. La Revue des musées de France, Études, 2003, p. 67-70. 7Hélène Adhémar rapporte (Adhémar 1957, op. cit. (note 6), p. 182, note 29) deux critiques assez sévères sur l’artiste. 8Abecedario de P.J. Mariette et autres notes inédites de cet amateur sur les arts et les artistes, publiés par Philippe de Chennevières-Pointel et Anatole de Montaiglon, Paris, 1853-1854, vol. II, p. 85. 9Vente, Paris, 15 novembre 1775 et jours suivants, n° 1278 : « Lobel (Nicolas de), Deux ruines de l’ancienne Rome, dessinées à la plume & au bistre, & colorées ». 10Montaiglon 1887-1912, op. cit. (note 1), 1887, vol. VII, n° 2818, lettre de Poerson à d’Antin : « […] les élèves de la peinture, qui ne perdent point de temps, sont allés estudier d’après nature des beaux restes de l’antiquité, à Tivoli et Frascati, avec M. Vleughels, lequel est amoureux des veuës de ce pays ; sont allés ensemble les Srs Natoire, de Lobel et Joras, […] ». 11On lira avec profit l’article de Martin Eidelberg, « Le paysagisme et l’Académie de France à Rome », dans Martin Eidelberg, Rêveries italiennes. Watteau et les paysagistes français au XVIIIe siècle, cat. exp. Valenciennes (Musée des Beaux-Arts), 2015-2016, p. 144-156. 12Outre Mariette et le sculpteur Philippe Cayeux, qui possédait plus de trente-deux dessins de « De Lobelle » (sa vente, Paris, 11 décembre 1769, nos 290-295), on citera par exemple Antonio Cesare de Poggi, vente, Londres (Phillips), 22 avril 1801 et jours suivants, partie du n° 49. 13Le dessin Vue côtière d’une ville au bord d’un lac, à la pierre noire, rehauts de blanc, sur papier bleu, 293 × 498 mm, Cambridge, Harvard Art Museums / Fogg Museum, inv. 1953.90, anciennement donné à Natoire, est désormais attribué à Delobel. 14Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, inv. RF51727, plume et encre brune, lavis gris et lavis brun, rehauts d’aquarelle, 250 × 403 mm ; ce dessin est probablement passé en vente à Leipzig (Artaria et Fontaine), le 18 août 1856 et jours suivants, n° 2574 : « Ruines du Palais des Empereurs à Rome. Dessin en couleur de la collection Mariette H. 9 p. 7 l. – L. 14 p. 10 l. ». 15Amsterdam, Rijksmuseum, inv. RP-T-1956-57, plume et encre brune, lavis gris et rehauts d’aquarelle, 222 × 236 mm. 16Boston, The Horvitz Collection, inv. D-F-1159, crayon noir, lavis gris et rehauts de gouache blanche, 260 × 383 mm. 17Voici une courte liste de feuilles aujourd’hui classées sous le nom de Delobel : New York, Metropolitan Museum of Art, inv. 2017.159, Vue des Cascades de Tivoli, crayon noir, sanguine, plume et encre brune, lavis brun, aquarelle, rehauts de gouache, 337 × 228 mm (Marandet 2016, op. cit. (note 6), p. 32, note 11, s’interroge sur les différences stylistiques entre ce dessin et celui du Louvre). Vente, New York (Christie’s), 25 janvier 2005, n° 9, Vue de maisons et de bâtiments sur une colline avec des pins parasols, à Rome, crayon noir, plume et encre brune, lavis brun et rehauts de gouache, 241 × 387 mm. Vente, Florence (Gonnelli Casa d’Aste), 13 décembre 2014, n° 662, Vue du mur de la Porte de Saint-Jean-de-Latran, pierre noire, plume et encre brune, lavis, 251 × 343 mm. Vente, Paris (Ader), 11 juin 2021, n° 22, Terrasse arborée vis-à-vis de Sainte-Anastasie-sur-Palatin, à Rome, crayon, plume et encre, lavis, gouache, 265 × 370 mm (proche du dessin signalé par Stephen Ongpin dans son catalogue de 2018, n° 39, note 2, Vue des bords du Tibre vis-à-vis de San Bartolomeo, crayon, plume et encre, lavis brun, rehauts de blanc, sur papier bleu, 382 × 257 mm). Vente, Paris (Beaussant-Lefèvre et associés), 11 février 2022, n° 346, Paysage d’Italie avec un pont en ruine, plume et encre brune, lavis gris, rehauts de gouache sur papier bleu, 250 × 395 mm. 18Montaiglon 1887-1912, op. cit. (note 1), 1887, vol. VII, p. 84.