Accueil Catalogues en ligne Un œil passionné. Douze ans d’acquisitions de Ger Luijten 26. Louis-Jacques Durameau Paris 1733 – 1796 Versailles Femme cousant, assise devant une cheminée Il a été établi que notre dessin fait partie d’un ensemble de compositions du même artiste, Louis-Jacques Durameau, qui évoque de façon gracieuse des scènes de la vie quotidienne1. Marc Sandoz érige presque l’artiste en figure d’avant-garde lorsqu’il affirme que « tout le baroque contenu dans le romantisme se trouve déjà chez Durameau2 ». Alors que ce dessin était attribué à Étienne Aubry (1745–1781), l’ensemble auquel il appartient a été rendu à Durameau par Anne Leclair qui, citant Jacques Mathey3, a relevé sur toutes les feuilles de la série les traits de plume en zig-zag en renfort du lavis à l’arrière-plan, caractéristiques de l’artiste. Elles sont ici visibles dans les parties les plus sombres, au pied de la couturière, au-dessus de la cheminée et dans la partie supérieure droite de la feuille. Durameau doit cet attrait pour le clair-obscur à son admiration pour Rembrandt dont il a pu voir les eaux-fortes chez son ami Claude Watelet (1718–1786). La lueur de la bougie, éclatant faisceau de gouache blanche entouré d’un halo de lavis gris, met en valeur l’aspect chatoyant de la soie de l’habit ainsi que la légèreté du mouchoir brodé, au rendu presque mousseux. L’emploi de rehauts de blanc apporte une finesse supplémentaire au trait à des fins bien différentes : pour éclairer une partie du visage de la dame ou pour que l’on puisse distinguer la blancheur du fil dans la pénombre. Tout concourt à rendre palpable la sérénité d’une veillée, où la figure est représentée, concentrée, les yeux baissés sur son ouvrage. La présence du chien observant le regardeur et le tiroir ouvert de la couturière précisé jusqu’à la marqueterie sont autant de détails qui nous permettent d’approcher au plus près de l’intimité de cette brodeuse du soir. Le talent de dessinateur de Durameau s’exprime dans son rendu des matières, de la dureté de la plaque de marbre sur la couturière au moiré de la robe du modèle. Cette feuille porte dans la partie inférieure gauche la marque de l’industriel Jean Masson, qui a réuni l’un des plus importants ensembles de dessins anciens de son époque. Une inscription peu lisible au verso semble contenir le nom « Marquerite ». Pourrait-il s’agir de Marguerite Le Comte (1719 ?–1786), pastelliste amie de l’artiste ? Cette dernière a été portraiturée avec le même front bombé et le nez très droit sur un portrait de profil en taille-douce conservé aux Beaux-Arts de Paris4. Anaïs Chombar 1Au sujet de l’attribution de cet ensemble à Louis-Jacques Durameau, voir la notice de Nicolas Schwed dans le catalogue Dessins anciens et du XIXe siècle, novembre 2012, n° 14. 2Marc Sandoz, Louis-Jacques Durameau, 1733-1796, Paris, 1980, p. 57. 3Anne Leclair, Louis-Jacques Durameau, 1733-1796, Paris, 2001, p. 13. 4Melchior Peronard (1831–188 ?), d’après Claude-Henri Watelet, Portrait de Marguerite Le Comte, gravure au burin, 208 × 138 mm (coup de planche) ; 311 × 218 mm (feuille), Beaux-Arts de Paris, inv. PC 28444.
Il a été établi que notre dessin fait partie d’un ensemble de compositions du même artiste, Louis-Jacques Durameau, qui évoque de façon gracieuse des scènes de la vie quotidienne1. Marc Sandoz érige presque l’artiste en figure d’avant-garde lorsqu’il affirme que « tout le baroque contenu dans le romantisme se trouve déjà chez Durameau2 ». Alors que ce dessin était attribué à Étienne Aubry (1745–1781), l’ensemble auquel il appartient a été rendu à Durameau par Anne Leclair qui, citant Jacques Mathey3, a relevé sur toutes les feuilles de la série les traits de plume en zig-zag en renfort du lavis à l’arrière-plan, caractéristiques de l’artiste. Elles sont ici visibles dans les parties les plus sombres, au pied de la couturière, au-dessus de la cheminée et dans la partie supérieure droite de la feuille. Durameau doit cet attrait pour le clair-obscur à son admiration pour Rembrandt dont il a pu voir les eaux-fortes chez son ami Claude Watelet (1718–1786). La lueur de la bougie, éclatant faisceau de gouache blanche entouré d’un halo de lavis gris, met en valeur l’aspect chatoyant de la soie de l’habit ainsi que la légèreté du mouchoir brodé, au rendu presque mousseux. L’emploi de rehauts de blanc apporte une finesse supplémentaire au trait à des fins bien différentes : pour éclairer une partie du visage de la dame ou pour que l’on puisse distinguer la blancheur du fil dans la pénombre. Tout concourt à rendre palpable la sérénité d’une veillée, où la figure est représentée, concentrée, les yeux baissés sur son ouvrage. La présence du chien observant le regardeur et le tiroir ouvert de la couturière précisé jusqu’à la marqueterie sont autant de détails qui nous permettent d’approcher au plus près de l’intimité de cette brodeuse du soir. Le talent de dessinateur de Durameau s’exprime dans son rendu des matières, de la dureté de la plaque de marbre sur la couturière au moiré de la robe du modèle. Cette feuille porte dans la partie inférieure gauche la marque de l’industriel Jean Masson, qui a réuni l’un des plus importants ensembles de dessins anciens de son époque. Une inscription peu lisible au verso semble contenir le nom « Marquerite ». Pourrait-il s’agir de Marguerite Le Comte (1719 ?–1786), pastelliste amie de l’artiste ? Cette dernière a été portraiturée avec le même front bombé et le nez très droit sur un portrait de profil en taille-douce conservé aux Beaux-Arts de Paris4. Anaïs Chombar 1Au sujet de l’attribution de cet ensemble à Louis-Jacques Durameau, voir la notice de Nicolas Schwed dans le catalogue Dessins anciens et du XIXe siècle, novembre 2012, n° 14. 2Marc Sandoz, Louis-Jacques Durameau, 1733-1796, Paris, 1980, p. 57. 3Anne Leclair, Louis-Jacques Durameau, 1733-1796, Paris, 2001, p. 13. 4Melchior Peronard (1831–188 ?), d’après Claude-Henri Watelet, Portrait de Marguerite Le Comte, gravure au burin, 208 × 138 mm (coup de planche) ; 311 × 218 mm (feuille), Beaux-Arts de Paris, inv. PC 28444.