3. Hendrick Gijsmans

Malines 1544 – 1611/1612 Francfort-sur-le-Main

Vue de la ville d’Huy, vers 1567

Depuis une colline au sud-ouest, ce dessin offre une vue à vol d’oiseau de la ville de Huy sur la Meuse, qui serpente à travers le paysage. Il restitue le paysage avec une précision topographique, mais aussi un grand sens de la nature, comme en témoigne le bosquet dessiné d’une main libre derrière lequel la ville se découvre.

Son auteur est un artiste voyageur anciennement connu sous le pseudonyme « Anonyme Fabriczy », du nom de l’ingénieur et historien de l’art hongrois Cornelius von Fabriczy (1839–1910), qui fut le premier à publier un article consacré à l’essentiel de son œuvre, une cinquantaine de dessins conservés à Stuttgart1. À l’origine, ces feuilles faisaient sans doute partie d’un carnet de croquis mais, dès le XVIIe siècle, elles ont été intégrées, avec des dessins d’autres artistes, dans ce que l’on appelle le « grosser Sammelband » des ducs de Wurtemberg, qui a fini par rejoindre les collections de la Staatsgalerie de Stuttgart2.

Tous les dessins sont exécutés à la plume et à l’encre et représentent des paysages, des vues de villes et de villages que l’artiste a tracées au cours d’un voyage à Rome entrepris depuis les Pays-Bas. Une part notable montre des vues de Lyon et autres sites de la vallée du Rhône. L’artiste a également dessiné des cités italiennes, telles Milan et Rome et, avant ou après son voyage, des villes du sud des Pays-Bas – comme dans notre feuille.

Récemment, le maître inconnu a été identifié par Stijn Alsteens comme étant le peintre d’origine malinoise Hendrick Gijsmans3. La découverte d’un dessin signé offrant une vue de Saint-Vallier sur le Rhône, acquis par le musée du Louvre à Paris en 2013, a rendu possible l’attribution à celui-ci de la quasi-totalité des dessins de l’« Anonyme Fabriczy »4. Le dessin de la Fondation Custodia, le deuxième à porter une signature, confirme encore cette identification.

Le dessin du Louvre peut de surcroît être daté car il porte la dédicace au « mareschal Damville », qui n’est autre que Henri Ier de Montmorency (1534–1614), gouverneur du Languedoc et comte de Damville. Montmorency ayant été nommé maréchal en 1567, cette désignation signifie un terminus post quem pour le dessin5. On peut donc supposer que les autres feuilles du voyage franco-italien, et peut-être aussi les vues néerlandaises, telle la Vue de la ville de Huy, ont été réalisées vers la même année ou antérieurement.

À Stuttgart se trouvent des versions presque identiques des deux vues de Saint-Vallier et de Huy6. Tandis que l’on peut considérer l’ensemble de Stuttgart comme un carnet de voyage visuel, les versions signées sont peut-être des répliques que Gijsmans a pu présenter à d’éventuels commanditaires, tel Montmorency7.

Lukas Nonner

1Cornelius de Fabriczy, « Il libro di schizzi di un pitttore olandese nel museo di Stuttgart », Archivio storico dell’arte, vol. VI, 1893, p. 106-126. Hormis quelques feuilles séparées à Berlin, Leipzig, Budapest et Paris, le groupe de Stuttgart (Kupferstichkabinett, Staatsgalerie) comprend l’ensemble de l’œuvre connu de l’artiste.

2Gunther Thiem, Staatsgalerie Stuttgart – Graphische Sammlung, Stuttgart, 1984, p. 13.

3Stijn Alsteens, « Anonyme Fabriczy [Hendrik Gijsmans (1540-1560 – 1611-1612) ?] », dans Ludmila Virassamynaïken (dir.), Lyon Renaissance. Arts et Humanisme, cat. exp. Lyon (musée des Beaux-Arts), 2015-2016, n° 202-206.

4Sur le dessinateur, voir aussi Stijn Alsteens et Hans Buijs (dir.), Paysages de France dessinés par Lambert Doomer et les artistes hollandais et flamands des XVIe et XVIIe siècles, cat. exp. Paris (Institut Néerlandais), Amsterdam (Museum Het Rembrandthuis), 2008, p. 221-226.

5Olivia Savatier Sjöholm, « Hendrik Gijsmans, Saint-Vallier depuis le levant », Revue des Musées de France, 2015, n° 2, p. 59-60.

6Heinrich Theodor Musper, « Der Anonymus Fabriczy », Jahrbuch der Preuszischen Kunstsammlungen, vol. LVII, 1936, p. 239, fig. 2.

7Teréz Gerszi a émis l’idée que les dessins ont pu servir de « recueil topographique » ; « Landschaftszeichnungen aus der Nachfolge Pieter Bruegels », Jahrbuch der Berliner Museen-Jahrbuch der Preußischen Kunstsammlungen, nouvelle série, vol. VII, 1965, p. 92-121.