Accueil Catalogues en ligne Un œil passionné. Douze ans d’acquisitions de Ger Luijten 35. Camille Corot Paris 1796 – 1875 Ville-d’Avray Un faubourg de ville (Rochefort-sur-Mer, Charente), 1851 Au cœur de l’été 1851, après avoir parcouru la Bretagne et la Normandie, Camille Corot fit la découverte des paysages de La Rochelle et ses environs accompagné par deux amis qu’il estimait beaucoup : le dénommé Brizard1, avec qui il avait sillonné l’Italie lors de son troisième et dernier voyage en 1843, et le peintre Philippe Comairas (1803–1875) originaire de cette région de la Charente2. Les paysages peints par Corot à travers la France se ressentent comme étant souvent subordonnés à l’architecture, à la construction des villes et de leurs abords3. Alors que dans plusieurs de ses études rapportées de La Rochelle et ses alentours Corot aima décliner l’image des mâts de bateaux qui se rencontrent et se confondent dans leur mouvement incessant, ici c’est vraisemblablement la Tour des signaux, l’un des monuments historiques de Rochefort-sur-Mer, qui attire le regard vers le ciel. Un repère à travers la ville, vestige d’une première église bâtie au début du XVIIIe siècle, rapidement devenue trop petite et déplacée dans l’actuelle église Saint-Louis. Autre élément architectural caractéristique, les remparts de la ville de Rochefort – édifiés au XVIIe siècle et détruits en 1925 – permettent au peintre de définir à la fois la composition de l’œuvre et le mouvement d’ensemble des silhouettes et de l’air qui les entoure. Comme pour les deux autres paysages situés de source sure à Rochefort4, Corot adopta un point de vue volontairement en contrebas et en contre-plongée par rapport aux remparts de la ville qui occupent à chaque fois plus de la moitié de la hauteur de la composition. Ici, cette architecture défensive, qui traverse presque le tableau en une bande horizontale, est un aplat de peinture à la fois imposant et lumineux ainsi qu’une valeur de couleur très puissante dans l’harmonie de l’œuvre. Dans ce paysage où le ciel bleu est le seul horizon, la lumière et ses contrastes ne cessent d’être au cœur de la peinture de Corot et de la réflexion sur son art5. La composition est ponctuée, de gauche à droite, par des touches de noir qui risqueraient d’attirer le regard de manière trop insistante, et pourtant, par leur véracité, par leur réalisme si sensible, elles s’accordent très bien avec la gamme de l’ensemble. Ce paysage est une succession de formes géométriques enchevêtrées, liées par la touche de Corot, qui compose essentiellement avec des triangles, des rectangles et rend tout cela harmonieux. Cette audace, que le peintre justifierait certainement par la simple observation et le rendu le plus sincère qui soit, devient sous son pinceau un parti pris pictural très fort. Antoine Cortes 1La Fondation Custodia conserve trois lettres du peintre et dessinateur Edme Jean Pigal (1798–1872) adressées à ce même Brizard, apparemment ami du paysagiste Louis-Auguste Lapito (1803–1874), qui cependant échappe, pour l’instant, aux chercheurs : inv. 2009-A.743, 2009-A.744 et 2009-A.745. Rien n’indique par ailleurs que Brizard était artiste. 2Vincent Pomarède (dir.), Corot 1796–1875, cat. exp. Paris (Galeries nationales du Grand Palais), Ottawa (Musée des Beaux-Arts du Canada), New York (The Metropolitan Museum of Art), 1996-1997, n° 96. 3Josine Eikelenboom Smits, « Le rôle de l’architecture dans les paysages de Corot », dans Chiara Stefani, Vincent Pomarède et Gérard de Wallens (dir.), Corot, un artiste et son temps (actes de colloque, Paris, musée du Louvre et Rome, Académie de France, 1996), Paris, 1998, p. 229-246. 4Le premier, huile sur toile, Winterthur, collection Oskar Reinhart « Am Römerholz », inv. 1923.6, publié dans Mariantonia Reinhard-Felice (dir.), Sammlung Oskar Reinhart “Am Römerholz”, Winterthur. Gesamtkatalog, Bâle, 2003, n° 76, p. 332-333 ; le second, localisation actuelle inconnue. Les deux paysages ont fait partie de la collection Gentien et sont reproduits dans le catalogue de la vente de 1923 : Catalogue des tableaux modernes, objets divers, vitrines, composant la collection de M. Maurice Gentien, vente, Paris (galerie Georges Petit), 3-4 décembre 1923, nos 18 et 23. 5Choisissant cette œuvre de Corot pour illustrer la carte de vœux de la Fondation Custodia en janvier 2014, Ger Luijten avait écrit ces quelques lignes que nous citons en hommage : « Au plus dur de l’hiver, quand le vent âpre, mordant, siffle à nos oreilles et que le paysage ne nous apparaît plus qu’en grisaille, rêver du plus fort de l’été en admirant la Vue de Rochefort-sur-Mer de Corot, peinte en juillet 1851 ».
Au cœur de l’été 1851, après avoir parcouru la Bretagne et la Normandie, Camille Corot fit la découverte des paysages de La Rochelle et ses environs accompagné par deux amis qu’il estimait beaucoup : le dénommé Brizard1, avec qui il avait sillonné l’Italie lors de son troisième et dernier voyage en 1843, et le peintre Philippe Comairas (1803–1875) originaire de cette région de la Charente2. Les paysages peints par Corot à travers la France se ressentent comme étant souvent subordonnés à l’architecture, à la construction des villes et de leurs abords3. Alors que dans plusieurs de ses études rapportées de La Rochelle et ses alentours Corot aima décliner l’image des mâts de bateaux qui se rencontrent et se confondent dans leur mouvement incessant, ici c’est vraisemblablement la Tour des signaux, l’un des monuments historiques de Rochefort-sur-Mer, qui attire le regard vers le ciel. Un repère à travers la ville, vestige d’une première église bâtie au début du XVIIIe siècle, rapidement devenue trop petite et déplacée dans l’actuelle église Saint-Louis. Autre élément architectural caractéristique, les remparts de la ville de Rochefort – édifiés au XVIIe siècle et détruits en 1925 – permettent au peintre de définir à la fois la composition de l’œuvre et le mouvement d’ensemble des silhouettes et de l’air qui les entoure. Comme pour les deux autres paysages situés de source sure à Rochefort4, Corot adopta un point de vue volontairement en contrebas et en contre-plongée par rapport aux remparts de la ville qui occupent à chaque fois plus de la moitié de la hauteur de la composition. Ici, cette architecture défensive, qui traverse presque le tableau en une bande horizontale, est un aplat de peinture à la fois imposant et lumineux ainsi qu’une valeur de couleur très puissante dans l’harmonie de l’œuvre. Dans ce paysage où le ciel bleu est le seul horizon, la lumière et ses contrastes ne cessent d’être au cœur de la peinture de Corot et de la réflexion sur son art5. La composition est ponctuée, de gauche à droite, par des touches de noir qui risqueraient d’attirer le regard de manière trop insistante, et pourtant, par leur véracité, par leur réalisme si sensible, elles s’accordent très bien avec la gamme de l’ensemble. Ce paysage est une succession de formes géométriques enchevêtrées, liées par la touche de Corot, qui compose essentiellement avec des triangles, des rectangles et rend tout cela harmonieux. Cette audace, que le peintre justifierait certainement par la simple observation et le rendu le plus sincère qui soit, devient sous son pinceau un parti pris pictural très fort. Antoine Cortes 1La Fondation Custodia conserve trois lettres du peintre et dessinateur Edme Jean Pigal (1798–1872) adressées à ce même Brizard, apparemment ami du paysagiste Louis-Auguste Lapito (1803–1874), qui cependant échappe, pour l’instant, aux chercheurs : inv. 2009-A.743, 2009-A.744 et 2009-A.745. Rien n’indique par ailleurs que Brizard était artiste. 2Vincent Pomarède (dir.), Corot 1796–1875, cat. exp. Paris (Galeries nationales du Grand Palais), Ottawa (Musée des Beaux-Arts du Canada), New York (The Metropolitan Museum of Art), 1996-1997, n° 96. 3Josine Eikelenboom Smits, « Le rôle de l’architecture dans les paysages de Corot », dans Chiara Stefani, Vincent Pomarède et Gérard de Wallens (dir.), Corot, un artiste et son temps (actes de colloque, Paris, musée du Louvre et Rome, Académie de France, 1996), Paris, 1998, p. 229-246. 4Le premier, huile sur toile, Winterthur, collection Oskar Reinhart « Am Römerholz », inv. 1923.6, publié dans Mariantonia Reinhard-Felice (dir.), Sammlung Oskar Reinhart “Am Römerholz”, Winterthur. Gesamtkatalog, Bâle, 2003, n° 76, p. 332-333 ; le second, localisation actuelle inconnue. Les deux paysages ont fait partie de la collection Gentien et sont reproduits dans le catalogue de la vente de 1923 : Catalogue des tableaux modernes, objets divers, vitrines, composant la collection de M. Maurice Gentien, vente, Paris (galerie Georges Petit), 3-4 décembre 1923, nos 18 et 23. 5Choisissant cette œuvre de Corot pour illustrer la carte de vœux de la Fondation Custodia en janvier 2014, Ger Luijten avait écrit ces quelques lignes que nous citons en hommage : « Au plus dur de l’hiver, quand le vent âpre, mordant, siffle à nos oreilles et que le paysage ne nous apparaît plus qu’en grisaille, rêver du plus fort de l’été en admirant la Vue de Rochefort-sur-Mer de Corot, peinte en juillet 1851 ».