38. Rembrandt Harmensz. van Rijn

Leyde 1606 – 1669 Amsterdam

Nu masculin, assis et debout («  Het rolwagentje  », Le Trotteur), vers 1646

Dans l’inventaire du collectionneur amstellodamois Valerius Röver (1686-1739), cette eau-forte de Rembrandt est mentionnée sous le titre « Het rolwagentje » (Le Trotteur)1. Pour comprendre ce titre, le spectateur doit regarder au-delà des deux figures masculines, la scène représentée à l’arrière-plan : une femme accroupie encourage un enfant à marcher dans sa direction. Elle agite ses mains pour l’attirer vers elle. Les bras tendus, la fillette ou le garçonnet essaie d’avancer en s’aidant du trotteur. Ce support muni de roulettes est encore utilisé aujourd’hui. Différents dessins de Rembrandt, ainsi que des tableaux de ses contemporains, nous apprennent qu’il existait également à l’époque d’autres outils pour apprendre aux bébés à faire leurs premiers pas : une laisse, par exemple, fixée aux épaules de l’enfant et tenue en main par la mère ou la nourrice2.

Savoir tomber et se relever ne servait pas seulement à apprendre à marcher. La leçon valait – et vaut toujours – pour toute forme d’apprentissage. L’historien de l’art Jan Emmens a noté que l’image de l’enfant se déplaçant avec un trotteur était souvent utilisée, au XVIIe siècle, comme une métaphore des vertus de l’enseignement au sens large3. C’est ce que fait par exemple Joost van den Vondel (1587-1679) dans son traité poétique De Aenleidinge ter Nederduitsche Dichtkunste (Introduction à la poésie néerlandaise, 1650)4. Rembrandt a de toute évidence ajouté la scène du trotteur à l’arrière-plan avec la même intention. Il voulait montrer que la maîtrise du dessin sur le vif – comme ses élèves devaient le faire d’après ce modèle – s’acquiert seulement en s’exerçant.

Il semble que cette eau-forte soit elle-même le produit d’une de ces « séances d’entraînement » dans lesquelles Rembrandt dessinait avec ses élèves. La figure masculine, deux fois représentée, réapparaît en effet dans l’œuvre dessiné de quelques-uns de ses élèves, notamment Samuel van Hoogstraten (1627-1678)5.

MvS

1Inventaire de Valerius Röver de 1731 (Bilbiothèque de l’université d’Amsterdam, inv. II A 17/6).

2Par exemple, Rembrandt Harmensz. van Rijn, Femme apprenant à un enfant à marcher, Nationalmuseum, Stockholm, inv. NMH 2074/1863  ; Pieter de Hooch, Apprendre à un enfant à marcher, Museum der bildenden Künste Leipzig, inv. G 1558.

3J. A. Emmens, Rembrandt en de regels van de kunst, Utrecht, Haentjens Dekker & Gumbert, 1968, p. 154-159.

4«  Wie leerzaem is, late zich de beginsels, die altijt moeielijck vallen, niet verdrieten. De Kleenen leeren zoo aen stoelen en bancken gaen  ; daer na, stouter en steviger geworden, durven ze afsteecken, en behoeven geene ondersteunsels meer : anders vergaept men zich te verwaent aen eige inbeeldingen, en vervalt in grove misslagen, terwijl men wijzer dan zijn leitsman will geacht zijn.  » («  Ceux qui veulent apprendre ne doivent pas être attristés par les principes qui sont toujours difficiles : après être devenus plus audacieux et plus forts, ils osent se démarquer et n’ont plus besoin de soutien, sinon ils perdront leur temps à se livrer à leurs propres vanités, et feront des erreurs grossières, alors qu’ils veulent être considérés plus sages que leur mentor.  »).

5Musée du Louvre, Paris, inv. RF 4713  ; voir Holm Bevers (éd.), Drawings by Rembrandt and his Pupils. Telling the Difference, cat. exp., Los Angeles, Getty Museum, p. 13-19.