Accueil Catalogues en ligne Un œil passionné. Douze ans d’acquisitions de Ger Luijten 39. Martinus Christian Wesseltoft Rørbye Drammen 1803 – 1848 Copenhague Couloir du monastère des Capucins à Palerme, 1840 L’artiste danois Martinus Rørbye (1803–1848) entreprit en 1839 son deuxième voyage italien. En septembre de cette année-là, il avait épousé Rose Frederikke Schiøtt (1810–1859) et dès octobre, le couple était arrivé en Italie pour leur voyage de noces. Après avoir passé sept mois à Rome, ils se rendirent dans le sud du pays, à Naples, puis à Palerme pour un séjour du 26 août au 7 octobre 18401. Considéré comme l’un des meilleurs élèves de Christoffer Wilhelm Eckersberg (1783–1853) à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Copenhague, Martinus Rørbye appartenait à une génération d’artistes qui orientaient leurs pinceaux davantage vers le monde réel que vers des sujets bibliques ou historiques. À Palerme, il esquissa la vie urbaine sicilienne sur les places, au bord de la baie. Mais la foule le dérangeait2. Il préférait les ambiances paisibles. Le peintre trouva alors refuge dans les catacombes du couvent des Capucins. Durant son premier voyage en Italie (1834-1837), Rørbye avait déjà peint des moines dans leur environnement abbatial. Ici, ce sujet est interprété d’une façon différente. La peinture représente la fameuse allée des morts, où des corps et des squelettes dans leurs habits sont suspendus aux murs ou allongés dans des niches. Ce cimetière souterrain présenté par l’artiste comme un lieu caché, hors des sentiers battus, faisait en réalité déjà partie des destinations touristiques. Plus tard au cours du siècle, Guy de Maupassant (1850–1893) rapporta des souvenirs effroyables de sa visite3. Pour Rørbye, l’aspect historique et le caractère sinistre de l’endroit restèrent d’un intérêt secondaire. C’est le dialogue entre la lumière et l’obscurité qu’il mit au cœur de son étude. Le peintre se positionna face au large escalier en pierre qui descendait vers la crypte. Ainsi, le spectateur perçoit la scène à travers des yeux qui se sont habitués à la pénombre. L’artiste attire le regard sur le centre où le soleil traverse les fenêtres et donne vie à l’intérieur morbide. Cette lumière crée un événement dans le tableau où le maître conçoit la peinture, pour reprendre l’expression de Goethe, à travers « les actes et les souffrances » de la lumière4. Le caractère détaillé de l’esquisse laisse penser qu’elle fut terminée dans l’atelier et signée à ce moment. Elle se démarque dans l’œuvre de Martinus Rørbye. Elle démontre par ailleurs le regard révolutionnaire de l’artiste danois face au genre traditionnel de la peinture réalisée lors de voyages durant le premier tiers du XIXe siècle5. Olga Furman 1Dyveke Helsted, Eva Henschen, Bjarne Jornæs et al., Martinus Rorbye 1803-1848, cat. exp. Copenhague (Thorvaldsens Museum), 1981, p. 14. 2Dans ses notes de voyage en Italie, Rørbye mentionna qu’il était entouré d’une foule de gens pendant le travail en plein air ; ibid., p. 126, n° 88. 3Guy de Maupassant visita les catacombes et publia ses descriptions dans un carnet de voyage En Sicile en 1886, intégré ensuite en 1890 dans le volume de La Vie errante, réédité plusieurs fois, dont dernièrement par Arvensa Editions en 2019. 4Johann Wolfgang Goethe, Traité des couleurs, Paris, 2000, p. 79. 5Karina Lykke Grand, « The Image of Travelling. Travel Paintings and Writings by the Danish Golden Age Painter Martinus Rørbye », RIHA Journal, 0146, 1er février 2017.
L’artiste danois Martinus Rørbye (1803–1848) entreprit en 1839 son deuxième voyage italien. En septembre de cette année-là, il avait épousé Rose Frederikke Schiøtt (1810–1859) et dès octobre, le couple était arrivé en Italie pour leur voyage de noces. Après avoir passé sept mois à Rome, ils se rendirent dans le sud du pays, à Naples, puis à Palerme pour un séjour du 26 août au 7 octobre 18401. Considéré comme l’un des meilleurs élèves de Christoffer Wilhelm Eckersberg (1783–1853) à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Copenhague, Martinus Rørbye appartenait à une génération d’artistes qui orientaient leurs pinceaux davantage vers le monde réel que vers des sujets bibliques ou historiques. À Palerme, il esquissa la vie urbaine sicilienne sur les places, au bord de la baie. Mais la foule le dérangeait2. Il préférait les ambiances paisibles. Le peintre trouva alors refuge dans les catacombes du couvent des Capucins. Durant son premier voyage en Italie (1834-1837), Rørbye avait déjà peint des moines dans leur environnement abbatial. Ici, ce sujet est interprété d’une façon différente. La peinture représente la fameuse allée des morts, où des corps et des squelettes dans leurs habits sont suspendus aux murs ou allongés dans des niches. Ce cimetière souterrain présenté par l’artiste comme un lieu caché, hors des sentiers battus, faisait en réalité déjà partie des destinations touristiques. Plus tard au cours du siècle, Guy de Maupassant (1850–1893) rapporta des souvenirs effroyables de sa visite3. Pour Rørbye, l’aspect historique et le caractère sinistre de l’endroit restèrent d’un intérêt secondaire. C’est le dialogue entre la lumière et l’obscurité qu’il mit au cœur de son étude. Le peintre se positionna face au large escalier en pierre qui descendait vers la crypte. Ainsi, le spectateur perçoit la scène à travers des yeux qui se sont habitués à la pénombre. L’artiste attire le regard sur le centre où le soleil traverse les fenêtres et donne vie à l’intérieur morbide. Cette lumière crée un événement dans le tableau où le maître conçoit la peinture, pour reprendre l’expression de Goethe, à travers « les actes et les souffrances » de la lumière4. Le caractère détaillé de l’esquisse laisse penser qu’elle fut terminée dans l’atelier et signée à ce moment. Elle se démarque dans l’œuvre de Martinus Rørbye. Elle démontre par ailleurs le regard révolutionnaire de l’artiste danois face au genre traditionnel de la peinture réalisée lors de voyages durant le premier tiers du XIXe siècle5. Olga Furman 1Dyveke Helsted, Eva Henschen, Bjarne Jornæs et al., Martinus Rorbye 1803-1848, cat. exp. Copenhague (Thorvaldsens Museum), 1981, p. 14. 2Dans ses notes de voyage en Italie, Rørbye mentionna qu’il était entouré d’une foule de gens pendant le travail en plein air ; ibid., p. 126, n° 88. 3Guy de Maupassant visita les catacombes et publia ses descriptions dans un carnet de voyage En Sicile en 1886, intégré ensuite en 1890 dans le volume de La Vie errante, réédité plusieurs fois, dont dernièrement par Arvensa Editions en 2019. 4Johann Wolfgang Goethe, Traité des couleurs, Paris, 2000, p. 79. 5Karina Lykke Grand, « The Image of Travelling. Travel Paintings and Writings by the Danish Golden Age Painter Martinus Rørbye », RIHA Journal, 0146, 1er février 2017.