40. Frederik Sødring

Aalborg 1809 – 1862 Hellerup

L’Abbaye d’Alpirsbach près de Freudenstadt (Forêt-Noire), fin des années 1830

Sødring entra à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Copenhague en 1825. Il y eut pour condisciple Christen Købke (1810–1848), avec qui il devait par la suite partager un atelier. Profondément influencé par le paysage romantique allemand et par l’œuvre de Johan Christian Dahl (1788–1857), Sødring fit ses débuts à Charlottenborg en 1828 en présentant deux copies d’après le maître norvégien1. Lors de leur mariage, son épouse lui apporta une dot considérable qu’il utilisa pour créer une bourse au sein de l’Académie de Copenhague2 ainsi qu’un fonds destiné à venir en aide aux paysagistes âgés et à leurs veuves.

Ses voyages ne le portèrent jamais au sud des Alpes, mais il visita la Suède et la Norvège, et se rendit en Allemagne en 1836-1838. Il passa l’essentiel de son séjour dans le pays à Munich et effectua également plusieurs excursions pour aller peindre sur les berges du Rhin. Cette vue du monastère bénédictin d’Alpirsbach fut probablement exécutée au cours de l’une de ces sorties. Consacré en 1095, le site n’a que peu changé au fil des siècles.

Dans une composition caractéristique de son approche3, Sødring aborde son motif sous un angle informel et insolite. Usant d’une palette restreinte de rouges et de bruns, il a méticuleusement restitué la variété des matériaux et des textures de cette cour délabrée. Le détail de la mousse sur le seuil de la double porte grise, en bas à droite, ajoute une couleur complémentaire à la composition. Briques, pierres, rondins de bois, planches et poutres – la scène en devient presque une nature morte de matériaux de construction et de chauffage. Un appentis de fortune est restitué avec grand soin, la lumière pénétrant par les ouvertures de son toit. Les vitres du bâtiment sont brisées, mais l’édifice semble pourtant habité, des chaussettes sont mises à sécher sur le rebord d’une fenêtre et un petit personnage se profile au deuxième étage.

L’œil passionné de Ger Luijten, mis à l’honneur avec cette exposition, fut captivé par l’œil attentif du peintre. Dans son texte pour le catalogue de l’exposition Sur le motif. Peindre en plein air, il attire l’attention sur un détail curieux : « la négligence de l’artisan chargé d’appliquer la peinture grise sur la porte cintrée à deux battants située sur la droite – le peintre d’art use de son propre médium pour mettre en lumière les erreurs du peintre en bâtiment4 ». C’est une chose à laquelle un artiste n’aurait peut-être pas pensé s’il avait peint le monastère depuis son atelier à partir d’un rapide croquis.

Alice-Anne Tod

1Sigurd Müller, « Sødring, Frederik Hansen, 1809-62 », Dansk biografisk Lexikon, 1903, p. 34.

2Den Sødringske Opmuntringspræmie.

3Voir, par exemple, les deux tableaux conservés à Copenhague, Statens Museum for Kunst : L’arrière-cour du château de Charlottenborg, 1828, huile sur toile, 26,5 × 28,2 cm, inv. KMS 7442, et Vue de Marmorpladsen avec les ruines de l’église inachevée Frederikskirke, 1835, huile sur toile, 77,5 × 98 cm, inv. KMS263.

4Ger Luijten, « Toits, fenêtres, cours et ruines », dans Ger Luijten, Mary Morton et Jane Munro (dir.), Sur le motif. Peindre en plein air 1780-1870, cat. exp. Washington (National Gallery of Art), Paris (Fondation Custodia), Cambridge (Fitzwilliam Museum), 2020-2022, p. 189.