Accueil Catalogues en ligne Art sur papier. Acquisitions récentes 43. Gerard van Honthorst Utrecht 1592 – 1656 Utrecht Les Quatre Eléments : L’Eau, le Feu, l’Air et la Terre Ces feuilles d’assez grandes dimensions, qui représentent les quatre éléments, font exception dans l’œuvre du peintre d’histoire et portraitiste hollandais Gerard van Honthorst. À ce jour, on ne connaît de lui aucun autre dessin ovale1. Comme le suggère Gert-Jan van der Sman, ces esquisses étaient sans doute des dessins préparatoires pour des plafonds peints ou des décorations murales2. On imagine parfaitement l’effet illusionniste de ces personnages flottant dans les airs vus à une certaine distance. La personnification de l’Air surtout, avec son écharpe ondoyante et sa chevelure vaporeuse, donne l’impression de surgir de la feuille de papier. Honthorst se montre particulièrement habile dans la création de décors illusionnistes, une spécialité apprise pendant ses années en Italie. Une de ses premières décorations de plafond est le Groupe de musiciens sur un balcon à Los Angeles, daté 16223. Cette peinture innovante marque le début des décorations illusionnistes aux Pays-Bas4. En 1620, Honthorst est de retour aux Pays-Bas, où il devient un artiste en vue parmi les Caravagistes d’Utrecht, très marqués par le peintre baroque italien Caravage (1571-1610). Si ses tableaux se trouvent dans les musées du monde entier, l’œuvre dessiné de Honthorst est relativement restreint – jusqu’à récemment, moins de quarante dessins de sa main étaient connus5. Cependant, un fonds d’atelier, comportant presque autant de dessins de l’artiste – notamment les quatre feuilles discutées ici – est apparu sur le marché de l’art à plusieurs reprises en 20146. Ces dessins avaient été par le passé rassemblés dans un album, qui a été démembré à une date inconnue. On voit encore des traces de la reliure le long du bord droit des dessins actuels. Une numérotation, écrite au graphite par une main moderne, a été inscrite ultérieurement, et ne correspond pas à l’ordre initial de l’album. Il est intéressant de noter que tous les dessins sont de même facture et exécutés sur du papier cartouche brun-grisâtre ; sur certains, les contours ont été incisés avec un stylet, probablement pour copier la composition sur des feuilles « de travail », que l’artiste pouvait mettre au carreau pour le report7. On peut rattacher certains dessins de cet ensemble à des tableaux de l’artiste, datés entre 1628 et 1650. Durant cette période, Honthorst abandonne peu à peu ses compositions caravagesques, et adopte un style classique, moins dramatique, très apprécié dans les cercles de cour et de la noblesse à travers l’Europe. Les figures dans nos dessins tracées avec élégance sont caractéristiques de ce style plus tardif. Les mêmes types de figures – en particulier, les anges aux cheveux bouclés qui volent, les bras tendus – se retrouvent dans une peinture murale de Honthorst, datée 1650, l’Allégorie des noces de Frederik Hendrik et Amalia van Solms dans la Oranjezaal (la Salle d’Orange) au Palais royal Huis ten Bosch à La Haye8. En outre, l’artiste semble avoir été influencé par la série des dieux et déités, représentés dans des encadrements ovales, gravée en clair-obscur par Hendrick Goltzius (1558-1617)9. La figure de Nox, déesse de la Nuit, notamment, est identique à la personnification du Feu dans le dessin de Honthorst10. MR 1Un dessin ovale, présumé d’après Honthorst, se trouve à Hambourg, Hamburger Kunsthalle, inv. 1963-748 (plume et encre noire, lavis gris, rehauts de gouache blanche ; 354 × 275 mm) ; Annemarie Stefes, Niederländische Zeichnungen (Die Sammlungen der Hamburger Kunsthalle, Kupferstichkabinett, vol. I), 1450-1850, 3 vol., Cologne, 2011, vol. I, n° 452, p. 283, repr. ; http://www.hamburger-kunsthalle.de/sammlung-online. Je remercie Annemarie Stefes d’avoir attiré mon attention sur ce dessin. 2Gert Jan van der Sman, « I disegni di Gerrit van Honthorst », dans Gianni Papi, Gherardo delle Notti. Quadri bizzarrissimi e cene allegre, cat. exp., Florence, Galleria degli Uffizi, 2015, p. 116-117. 3Los Angeles, J. Paul Getty Museum, inv. A70.P-34 (huile sur bois ; 309 × 114 cm) ; J. Richard Judson et R.E.O. Ekkard, Gerrit van Honthorst, 1592-1656, Doornspijk, 1999, p. 21, 223-224, n° 286, fig. 171 ; http://www.getty.edu/art/collection. 4J. Richard Judson, « Illusionism and Court Decorations », dans J. Richard Judson, Gerrit van Honthorst. A Discussion on his Position in Dutch Art, La Haye, 1959, p. 106-126. 5Judson et Ekkart 1999, op. cit. (note 3), p. 327-347. 6Vingt-sept dessins se trouvaient à la galerie Saint-Honoré Art Consulting, Paris ; David Bronze, Vingt-sept dessins de Gerrit Van Honthorst (1592-1656), cat. exp., Paris, Saint-Honoré Art Consulting, 2014, n.p. ; six dessins sont entrés dans une collection particulière, Pays-Bas ; deux dessins ont été offerts au Rijksmuseum, Amsterdam, inv. RP-T-2015-52 (plume et encre brune, lavis gris, rehauts de gouache blanche, sur un tracé à la pierre noire ; 366 × 164 mm) et RP-T-2015-51 (plume et encre brune, lavis gris, rehauts de gouache blanche, sur un tracé à la pierre noire ; 192 × 253 mm) ; https://www.rijksmuseum.nl/nl/zoeken ; un dessin fut acheté par le Teylers Museum, Haarlem, inv. KT 2017 030 (pierre noire, plume et encre brune, rehauts de gouache blanche ; 209 × 252 mm) ; https://www.teylersmuseum.nl/nl/collectie/kunst-overzicht ; et un dessin, supposé du même groupe, a été acquis en 2006 par le musée du Louvre, Paris, inv. RF 54429 (plume et encre brune, lavis gris, rehauts de gouache blanche, sur un tracé à la pierre noire ; 250 × 385 mm) ; Emmanuelle Brugerolles et al, Dessiner le Quotidien. La Hollande au siècle d’or, cat. exp., Paris, Musée du Louvre, 2017, p. 94-95, cat. n° 32 ; http://arts-graphiques.louvre.fr. 7Deux dessins mis au carreau de Honthorst, figurant l’Air et le Feu, se trouvent à l’Albertina à Vienne, inv. 8439 et 9440 (pierre noire, lavis brun, rehauts de gouache blanche ; mis au carreau pour le transfert ; environ 352 × 257 mm) ; Otto Benesch, Die Zeichnungen der Niederländischen Schulen des XV. und XVI. Jahrhunderts (Beschreibender Katalog der Handzeichnungen in der graphischen Sammlung Albertina, vol. II), Vienne, 1928, nos 462-463 ; http://sammlungenonline.albertina.at. 8Judson et Ekkart 1999, op. cit. (note 3), n° 173, fig. 92. 9Van der Sman, op. cit. (note 2), p. 117 ; F.W.H. Hollstein, Dutch and Flemish Etchings, Engravings, and Woodcuts, c. 1450-1700, 72 vol. , Amsterdam etc., 1949-2010, vol. VIII, nos 367-372 ; et Marjolein Leesberg, Hendrick Goltzius (The New Hollstein Dutch and Flemish Etchings, Engravings and Woodcuts), 4 vol., Ouderkerk aan den IJssel, 2012, vol. II, nos 294-300, repr. 10Leesberg 2012, op. cit. (note 9), vol. II, n° 7, repr.
Ces feuilles d’assez grandes dimensions, qui représentent les quatre éléments, font exception dans l’œuvre du peintre d’histoire et portraitiste hollandais Gerard van Honthorst. À ce jour, on ne connaît de lui aucun autre dessin ovale1. Comme le suggère Gert-Jan van der Sman, ces esquisses étaient sans doute des dessins préparatoires pour des plafonds peints ou des décorations murales2. On imagine parfaitement l’effet illusionniste de ces personnages flottant dans les airs vus à une certaine distance. La personnification de l’Air surtout, avec son écharpe ondoyante et sa chevelure vaporeuse, donne l’impression de surgir de la feuille de papier. Honthorst se montre particulièrement habile dans la création de décors illusionnistes, une spécialité apprise pendant ses années en Italie. Une de ses premières décorations de plafond est le Groupe de musiciens sur un balcon à Los Angeles, daté 16223. Cette peinture innovante marque le début des décorations illusionnistes aux Pays-Bas4. En 1620, Honthorst est de retour aux Pays-Bas, où il devient un artiste en vue parmi les Caravagistes d’Utrecht, très marqués par le peintre baroque italien Caravage (1571-1610). Si ses tableaux se trouvent dans les musées du monde entier, l’œuvre dessiné de Honthorst est relativement restreint – jusqu’à récemment, moins de quarante dessins de sa main étaient connus5. Cependant, un fonds d’atelier, comportant presque autant de dessins de l’artiste – notamment les quatre feuilles discutées ici – est apparu sur le marché de l’art à plusieurs reprises en 20146. Ces dessins avaient été par le passé rassemblés dans un album, qui a été démembré à une date inconnue. On voit encore des traces de la reliure le long du bord droit des dessins actuels. Une numérotation, écrite au graphite par une main moderne, a été inscrite ultérieurement, et ne correspond pas à l’ordre initial de l’album. Il est intéressant de noter que tous les dessins sont de même facture et exécutés sur du papier cartouche brun-grisâtre ; sur certains, les contours ont été incisés avec un stylet, probablement pour copier la composition sur des feuilles « de travail », que l’artiste pouvait mettre au carreau pour le report7. On peut rattacher certains dessins de cet ensemble à des tableaux de l’artiste, datés entre 1628 et 1650. Durant cette période, Honthorst abandonne peu à peu ses compositions caravagesques, et adopte un style classique, moins dramatique, très apprécié dans les cercles de cour et de la noblesse à travers l’Europe. Les figures dans nos dessins tracées avec élégance sont caractéristiques de ce style plus tardif. Les mêmes types de figures – en particulier, les anges aux cheveux bouclés qui volent, les bras tendus – se retrouvent dans une peinture murale de Honthorst, datée 1650, l’Allégorie des noces de Frederik Hendrik et Amalia van Solms dans la Oranjezaal (la Salle d’Orange) au Palais royal Huis ten Bosch à La Haye8. En outre, l’artiste semble avoir été influencé par la série des dieux et déités, représentés dans des encadrements ovales, gravée en clair-obscur par Hendrick Goltzius (1558-1617)9. La figure de Nox, déesse de la Nuit, notamment, est identique à la personnification du Feu dans le dessin de Honthorst10. MR 1Un dessin ovale, présumé d’après Honthorst, se trouve à Hambourg, Hamburger Kunsthalle, inv. 1963-748 (plume et encre noire, lavis gris, rehauts de gouache blanche ; 354 × 275 mm) ; Annemarie Stefes, Niederländische Zeichnungen (Die Sammlungen der Hamburger Kunsthalle, Kupferstichkabinett, vol. I), 1450-1850, 3 vol., Cologne, 2011, vol. I, n° 452, p. 283, repr. ; http://www.hamburger-kunsthalle.de/sammlung-online. Je remercie Annemarie Stefes d’avoir attiré mon attention sur ce dessin. 2Gert Jan van der Sman, « I disegni di Gerrit van Honthorst », dans Gianni Papi, Gherardo delle Notti. Quadri bizzarrissimi e cene allegre, cat. exp., Florence, Galleria degli Uffizi, 2015, p. 116-117. 3Los Angeles, J. Paul Getty Museum, inv. A70.P-34 (huile sur bois ; 309 × 114 cm) ; J. Richard Judson et R.E.O. Ekkard, Gerrit van Honthorst, 1592-1656, Doornspijk, 1999, p. 21, 223-224, n° 286, fig. 171 ; http://www.getty.edu/art/collection. 4J. Richard Judson, « Illusionism and Court Decorations », dans J. Richard Judson, Gerrit van Honthorst. A Discussion on his Position in Dutch Art, La Haye, 1959, p. 106-126. 5Judson et Ekkart 1999, op. cit. (note 3), p. 327-347. 6Vingt-sept dessins se trouvaient à la galerie Saint-Honoré Art Consulting, Paris ; David Bronze, Vingt-sept dessins de Gerrit Van Honthorst (1592-1656), cat. exp., Paris, Saint-Honoré Art Consulting, 2014, n.p. ; six dessins sont entrés dans une collection particulière, Pays-Bas ; deux dessins ont été offerts au Rijksmuseum, Amsterdam, inv. RP-T-2015-52 (plume et encre brune, lavis gris, rehauts de gouache blanche, sur un tracé à la pierre noire ; 366 × 164 mm) et RP-T-2015-51 (plume et encre brune, lavis gris, rehauts de gouache blanche, sur un tracé à la pierre noire ; 192 × 253 mm) ; https://www.rijksmuseum.nl/nl/zoeken ; un dessin fut acheté par le Teylers Museum, Haarlem, inv. KT 2017 030 (pierre noire, plume et encre brune, rehauts de gouache blanche ; 209 × 252 mm) ; https://www.teylersmuseum.nl/nl/collectie/kunst-overzicht ; et un dessin, supposé du même groupe, a été acquis en 2006 par le musée du Louvre, Paris, inv. RF 54429 (plume et encre brune, lavis gris, rehauts de gouache blanche, sur un tracé à la pierre noire ; 250 × 385 mm) ; Emmanuelle Brugerolles et al, Dessiner le Quotidien. La Hollande au siècle d’or, cat. exp., Paris, Musée du Louvre, 2017, p. 94-95, cat. n° 32 ; http://arts-graphiques.louvre.fr. 7Deux dessins mis au carreau de Honthorst, figurant l’Air et le Feu, se trouvent à l’Albertina à Vienne, inv. 8439 et 9440 (pierre noire, lavis brun, rehauts de gouache blanche ; mis au carreau pour le transfert ; environ 352 × 257 mm) ; Otto Benesch, Die Zeichnungen der Niederländischen Schulen des XV. und XVI. Jahrhunderts (Beschreibender Katalog der Handzeichnungen in der graphischen Sammlung Albertina, vol. II), Vienne, 1928, nos 462-463 ; http://sammlungenonline.albertina.at. 8Judson et Ekkart 1999, op. cit. (note 3), n° 173, fig. 92. 9Van der Sman, op. cit. (note 2), p. 117 ; F.W.H. Hollstein, Dutch and Flemish Etchings, Engravings, and Woodcuts, c. 1450-1700, 72 vol. , Amsterdam etc., 1949-2010, vol. VIII, nos 367-372 ; et Marjolein Leesberg, Hendrick Goltzius (The New Hollstein Dutch and Flemish Etchings, Engravings and Woodcuts), 4 vol., Ouderkerk aan den IJssel, 2012, vol. II, nos 294-300, repr. 10Leesberg 2012, op. cit. (note 9), vol. II, n° 7, repr.