47. Peter Vilhelm Ilsted

Sakskøbing 1861 – 1933 Copenhague

Lille Rekonvalescent  La Petite convalescente  »), 1913

Le peintre danois Peter Ilsted fut un graveur très talentueux1. Après ses études à l’Académie des Beaux-Arts de Copenhague entre 1878 et 1883, il se spécialise dans les tableaux de scènes de genre et les portraits2. En 1891, sa sœur Ida (1869-1949) épouse le peintre Vilhelm Hammershøi (1864-1916), dont l’œuvre a beaucoup influencé le travail d’Ilsted. Même si Ilsted utilise, lui, des couleurs plus soutenues et que ses vues d’intérieurs sont moins austères, on retrouve en effet chez les deux artistes les mêmes intérieurs épurés dans des tons monochromes, avec, souvent, une figure de dos.

Plus conventionnel dans ses peintures que ne l’était Hammershøi, Ilsted se montre en revanche plus novateur dans ses œuvres graphiques. Il pratique d’abord, à partir des années 1880, l’eau-forte, probablement inspiré par les estampes hollandaises du XVIIe siècle, notamment par Rembrandt, qu’il collectionnait3. Après 1906, Ilsted expérimente diversement la manière noire, technique peu utilisée à l’aube du XXe siècle au Danemark. Il a d’ailleurs étudié les manières noires anglaises et les a même collectionnées4.

Ilsted a souvent imprimé ses manières noires en couleurs à la poupée. C’est un procédé qui consiste à encrer manuellement différentes surfaces de la plaque à l’aide d’un chiffon afin de pouvoir utiliser plusieurs couleurs. Il s’agit d’une opération minutieuse car il faut éviter que les couleurs ne se mélangent ; en outre cette opération doit être répétée pour chaque passage sous la presse. Ces impressions colorées tout à fait singulières étaient très recherchées à son époque. Ici, l’artiste a représenté une de ses filles, alitée, en train de lire. On voit l’enfant par une porte entrouverte qui cadre la scène à gauche et à droite5. Le titre, Lille Rekonvalescent, signifie que la fillette est convalescente6. Avec ses tons bruns, gris et noirs aux nuances harmonieuses, Ilsted a créé une atmosphère intime. On ne distingue qu’une petite partie de l’intérieur et la lampe, dont on perçoit la lumière, n’est pas visible. Ce cadrage serré est inhabituel pour l’artiste qui, d’habitude, réalise des vues d’intérieurs plus larges. D’ailleurs, le tableau avec le même motif d’après lequel Ilsted a exécuté cette estampe montre plus amplement l’intérieur ici représenté : on n’y voit pas seulement un tableau accroché au-dessus de la fillette, mais aussi la porte à gauche sur laquelle une ombre est projeté, ainsi que le mur à droite7. RSB

1Pour ses estampes voir Fortegnelse over Peter Ilsteds grafiske Arbejder, Copenhague, 1924  ; Peter Dankvart Olufsen et al., Peter Ilsted, Maleren, grafikeren, mennesket, avec une introduction d’Aksel Jørgensen, Copenhague s.d. (contient une liste des estampes)  ; Jørgen Sthyr, Dansk Graphik 1800-1910, Copenhague, 1949, p. 214  ; Frances Carey, Modern Scandinavian Prints, Londres, 1997, p. 78-81.

2Pour Ilsted voir Peter Ilsted, 1861-1933 : Paintings & Prints, cat. exp., Londres, Bury Street Gallery, 1988  ; Jens Peter Munk, «  Peter Ilsted  », dans Weilbach Dansk Kunstnerleksikon, quatrième édition, 1994 (dictionnaire biographique en ligne  ; https://www.kulturarv.dk/kid/VisWeilbach.do?kunstnerId=103&wsektion=alle)  ; Theodore B. Donson, Peter Ilsted (1861-1933), Sunshine and Silent Rooms, New York, 1990  ; H. Repetzky, «  Ilsted, Peter  », dans Allgemeines Künstlerlexikon. Die Bildenden Künstler aller Zeiten und Völker, vol. 76, Berlin et Boston, 2013, p. 226-227.

3Londres 1988, op. cit. (note 2)  ; et Carey 1997, op. cit. (note 1) p. 78.

4Ibid.

5Londres 1988, op. cit. (note 2), cat. no 19a.

6Titre donné dans Copenhague 1924, op. cit. (note 1), Mezzotints opus, n° 24. D’après la publication, l’estampe a été éditée à 40 exemplaires imprimés en couleurs et numérotés (ce tirage porte le n° 28).

7Localisation inconnue, Interiør med kunstnerens datter  Intérieur avec la fille de l’artiste  »), daté 1910 (huile sur panneau  ; 29 × 33,2 cm)  ; vente, Londres (Christie’s), 26 juin 2007, n° 21, repr. Tableau et estampe sont dans la même direction (Ilsted utilisait un miroir pour les estampes qu’il faisait d’après ses tableaux)  ; Olufsen et al., op. cit. (note 1), p. 31-34.