5. Jan Frans van Bloemen, dit Orizzonte

Anvers 1662 – 1749 Rome

Vue de Vignanello dans la campagne romaine, vers 1740

Le Flamand Jan Frans van Bloemen, établi à Rome dès 1684, fait partie du cercle des bentvueghels, qui regroupe les artistes nordiques installés dans la Ville Éternelle. Il reçoit de ses camarades le surnom d’Orizzonte pour son habileté à créer des perspectives atmosphériques vaporeuses. Proches du naturalisme de Gaspard Dughet (1615-1675)1, ses compositions connaissent rapidement un grand succès auprès d’une clientèle romaine prestigieuse, dont la famille Ruspoli2.

Notre œuvre, qui ne figurait pas dans la monographie sur l’artiste d’Andrea Busiri Vici de 1974, s’inscrit dans un corpus graphique déjà très réduit. Au sein même de cette production, elle demeure une rareté. Tout d’abord, c’est l’un des seuls dessins conservés pouvant être mis en lien direct avec une composition peinte3. Par ailleurs, contrairement à la plupart des grands paysages dessinés par Van Bloemen – qui sont souvent des vues de fantaisie recomposées à partir d’éléments existants – celui-ci se veut topographiquement exact, invitant à penser qu’il fut esquissé d’après nature. Enfin, c’est aussi l’un des plus grands4. Son échelle monumentale est donnée par ces petites figures, tracées d’une plume légère. La ligne d’horizon, placée très haut, théâtralise le trajet du regard, suivant la route sinueuse qui lie les plans du dessin. La silhouette massive du Castello Ruspoli, dont Van Bloemen accentue la hauteur, culmine sur la droite. Des lavis bruns saturés, appliqués en larges aplats, induisent de forts contrastes lumineux et sculptent les volumes. Ces effets picturaux, la mise au carreau et la règle notée en haut à droite désignent notre dessin comme le stade final du travail de conception, probablement la version que l’artiste a présentée à son commanditaire pour approbation. De fait, le tableau ne présente que quelques ajustements par rapport au dessin : un léger abaissement de la ligne d’horizon, l’ajout d’arbres plus fournis comme repoussoirs au premier plan, et bien sûr le long cortège du prince Ruspoli, quittant son château de Vignanello pour retrouver son palazzo romain.

Frits Lugt manifesta à la fin de sa vie un intérêt grandissant pour les paysagistes italianisants. Ce dessin est le deuxième5 de Jan Frans van Bloemen à entrer dans la collection5. Réalisé aux alentours de 1740, si l’on se base sur la datation approximative du tableau qu’il prépare, il reflète l’art de Van Bloemen parvenu à son sommet. MNG

1Andrea Busiri Vici dans Alberto Maria Ghisalberti (éd.), Dizionario Biografico degli Italiani, 88 vol., Rome 1960-2017, vol. X.

2Pour des exemples de tableaux exécutés pour les Ruspoli, voir Andrea Busiri Vici, Jan Frans van Bloemen « Orizzonte », Rome, 1974, p. 106-107, fig. 112-113.

3En l’occurrence, la Vue de Vignanello avec le cortège du prince Ruspoli, vers 1740, Rome, Palazzo Ruspoli (huile sur toile ; dimensions inconnues de l’auteur) ; ibid., n° 244 et p. 23, fig. 22. L’autre cas étant celui d’un Paysage aux alentours de Marino, Edimbourg, National Gallery of Scotland, inv. D 1734 (plume et encre brune, lavis gris ; 241 × 351 mm) ; ibid., n° 17d ; https://www.nationalgalleries.org/art-and-artists/artists/a.

4Après les deux dessins conservés au musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg, inv. 5864 (graphite et aquarelle ; 420 × 558 mm) et 5865 (plume et aquarelle ; 420 × 560 mm) ; ibid., nos 8d et 9d.

5Le premier est une Vue de Rome avec l’église San Vitale, Paris, Fondation Custodia, inv. 9026 (plume et encre grise, lavis gris ; 226 × 173 mm. Inscrit, en bas à gauche, à l’encre brune : « disegno dal naturale del Sigr Orizont Fiamengo »), acquis par Frits Lugt en 1968 ; ibid., n° 11d.