Accueil Catalogues en ligne Un œil passionné. Douze ans d’acquisitions de Ger Luijten 51. Caspar Wolf Muri, Argovie 1735 – 1783 Heidelberg La Cascade de Geltenschuss dans la vallée de Lauenen, vers 1778 D’origine modeste, fils d’un charpentier de Suisse septentrionale, Caspar Wolf devait devenir le paysagiste le plus célèbre du pays au XVIIIe siècle et fit figure de précurseur de la peinture de paysage alpin. Il collabora, au début de sa carrière, au décor du monastère de Muri, près de Zurich. À Paris, où il vécut de 1769 à 1771, il travailla avec Philip James de Loutherbourg (1740–1812) et apprit la technique de la peinture en plein air. C’est entre 1773 et 1779 qu’il créa son œuvre majeure à la demande de l’influent éditeur bernois Abraham Wagner (1734–1782) : un cycle comptant près de 200 peintures à l’huile consacrées aux Alpes suisses, destinées à être publiées sous forme de gravures en couleurs1. Cette publication avait pour but d’offrir aux lecteurs une nouvelle conception du paysage alpin grâce à des images d’une précision et d’une splendeur inégalées jusqu’alors. Pour rédiger les textes, Wagner engagea le théologien et philosophe naturel bernois Jacob Samuel Wyttenbach (1748–1830). L’ensemble des tableaux créés par Wolf pour ce projet pouvait être visité dans une pièce de la maison privée de l’éditeur à Berne, le « cabinet de Wagner ». Très marqué par l’esprit des Lumières, l’artiste travaillait lui-même en montagne, s’informant sur la glaciologie et la géologie, et faisant sur le motif des études préparatoires à l’huile très poussées. L’œuvre présentée ici fait partie d’une paire de deux esquisses préparant une peinture figurant la cascade de Geltenschuss, aujourd’hui conservée à Winterthur2. Peinte à l’huile sur papier, dans une couche picturale mince, elle offre une vue rapprochée de la chute d’eau et des parois rocheuses, partie qui correspond à la moitié supérieure du tableau fini. Le souci d’exactitude de Wolf était tel qu’il lui arrivait souvent de ramener un tableau à l’endroit où il avait été peint en plein air pour y apporter les corrections nécessaires. Il s’intéressa particulièrement à la représentation des roches, des grottes et de l’eau sous toutes ses formes – lacs, cascades ou glaciers – souvent au détriment du ciel, réduit, comme ici, à un simple éclat entrevu en haut à droite de l’image. Un musée Caspar Wolf fut inauguré en 2019 sur le site de l’ancien monastère de Muri, ou l’artiste fit ses débuts artistiques. Curieusement, les images créées par Wolf servent aujourd’hui de sources iconographiques pour la recherche sur les fluctuations glaciaires et les changements climatiques3. Alice-Anne Tod 1Vues remarquables des montagnes de la Suisse avec leur description, Berne, 1776, avec de nombreuses et variées éditions postérieures. 2Avec La Cascade de Geltenbach dans la vallée de Lauenen avec un pont de glace, vers 1778, huile sur papier, contrecollé sur carton, 27,8 × 19,7 cm, ancienne collection Asbjørn Lunde, inv. L1227, toutes deux préparatoires pour Le Geltenschuss dans la vallée de Lauenen avec un pont de neige, vers 1778, huile sur toile, 82 × 54 cm, Winterthur, Kunst Museum Winterthur, Reinhart am Stadtgarten, inv. OR 481 ; voir Christopher Riopelle et Sarah Herring, Forests, Rocks, Torrents : Norwegian and Swiss Landscape Paintings from the Lunde Collection, cat. exp. Londres (National Gallery), 2011, p. 56-57. 3Par exemple : Samuel U. Nussbaumer et Heinz J. Zumbühl. « L’iconographie des fluctuations glaciaires dans les Alpes occidentales et centrales au 18e siècle », Dix-huitième siècle, vol. LIV, n° 1, 2022, p. 63-81.
D’origine modeste, fils d’un charpentier de Suisse septentrionale, Caspar Wolf devait devenir le paysagiste le plus célèbre du pays au XVIIIe siècle et fit figure de précurseur de la peinture de paysage alpin. Il collabora, au début de sa carrière, au décor du monastère de Muri, près de Zurich. À Paris, où il vécut de 1769 à 1771, il travailla avec Philip James de Loutherbourg (1740–1812) et apprit la technique de la peinture en plein air. C’est entre 1773 et 1779 qu’il créa son œuvre majeure à la demande de l’influent éditeur bernois Abraham Wagner (1734–1782) : un cycle comptant près de 200 peintures à l’huile consacrées aux Alpes suisses, destinées à être publiées sous forme de gravures en couleurs1. Cette publication avait pour but d’offrir aux lecteurs une nouvelle conception du paysage alpin grâce à des images d’une précision et d’une splendeur inégalées jusqu’alors. Pour rédiger les textes, Wagner engagea le théologien et philosophe naturel bernois Jacob Samuel Wyttenbach (1748–1830). L’ensemble des tableaux créés par Wolf pour ce projet pouvait être visité dans une pièce de la maison privée de l’éditeur à Berne, le « cabinet de Wagner ». Très marqué par l’esprit des Lumières, l’artiste travaillait lui-même en montagne, s’informant sur la glaciologie et la géologie, et faisant sur le motif des études préparatoires à l’huile très poussées. L’œuvre présentée ici fait partie d’une paire de deux esquisses préparant une peinture figurant la cascade de Geltenschuss, aujourd’hui conservée à Winterthur2. Peinte à l’huile sur papier, dans une couche picturale mince, elle offre une vue rapprochée de la chute d’eau et des parois rocheuses, partie qui correspond à la moitié supérieure du tableau fini. Le souci d’exactitude de Wolf était tel qu’il lui arrivait souvent de ramener un tableau à l’endroit où il avait été peint en plein air pour y apporter les corrections nécessaires. Il s’intéressa particulièrement à la représentation des roches, des grottes et de l’eau sous toutes ses formes – lacs, cascades ou glaciers – souvent au détriment du ciel, réduit, comme ici, à un simple éclat entrevu en haut à droite de l’image. Un musée Caspar Wolf fut inauguré en 2019 sur le site de l’ancien monastère de Muri, ou l’artiste fit ses débuts artistiques. Curieusement, les images créées par Wolf servent aujourd’hui de sources iconographiques pour la recherche sur les fluctuations glaciaires et les changements climatiques3. Alice-Anne Tod 1Vues remarquables des montagnes de la Suisse avec leur description, Berne, 1776, avec de nombreuses et variées éditions postérieures. 2Avec La Cascade de Geltenbach dans la vallée de Lauenen avec un pont de glace, vers 1778, huile sur papier, contrecollé sur carton, 27,8 × 19,7 cm, ancienne collection Asbjørn Lunde, inv. L1227, toutes deux préparatoires pour Le Geltenschuss dans la vallée de Lauenen avec un pont de neige, vers 1778, huile sur toile, 82 × 54 cm, Winterthur, Kunst Museum Winterthur, Reinhart am Stadtgarten, inv. OR 481 ; voir Christopher Riopelle et Sarah Herring, Forests, Rocks, Torrents : Norwegian and Swiss Landscape Paintings from the Lunde Collection, cat. exp. Londres (National Gallery), 2011, p. 56-57. 3Par exemple : Samuel U. Nussbaumer et Heinz J. Zumbühl. « L’iconographie des fluctuations glaciaires dans les Alpes occidentales et centrales au 18e siècle », Dix-huitième siècle, vol. LIV, n° 1, 2022, p. 63-81.