52. Joaquín Sorolla y Bastida

Valence 1863 – 1923 Cercedilla

La Plage de Valence, vers 1901

« Voyez-vous, tous mes tableaux pourraient s’appeler sans inconvénient plage de Valence, car ce qui m’attire et me séduit toujours et par-dessus tout, c’est le bord de mer dans ce pays…1 ». Ces propos tenus par Joaquín Sorolla, rapportés par un journaliste lors d’un entretien dans son atelier madrilène, datent de 1906, une année capitale pour le peintre.

Sorolla, originaire de Valence et formé à l’école des artisans de la ville, était l’une des figures principales de l’école moderne espagnole et une personnalité reconnue grâce à ses envois à de prestigieuses manifestations artistiques internationales. La virtuosité de sa technique, l’influence de Vélasquez (1599–1660) étudié avec admiration au musée du Prado, la connaissance et la compréhension des nouvelles tendances artistiques de son époque avaient séduit de nombreux amateurs en Europe.

Le public parisien avait découvert Sorolla lors sa première participation au Salon en 1893 avec Le Baiser à la relique2 puis admiré en 1895 le Retour de la Pêche : halage de la barque sitôt acquis par l’État français pour le musée du Luxembourg3. Ses autres vues de la plage de Valence, aux effets du matin4, soleil couchant ou soleil du soir5, présentées au Salon ou encore son grand prix à l’Exposition universelle de 1900 avaient préparé le succès de sa première exposition individuelle à Paris en 1906 à la galerie Georges Petit6. Les visiteurs vinrent admirer la modernité de ses compositions, le naturalisme des scènes décrites, son observation minutieuse de la nature, son sens de la couleur et ses recherches sur la lumière. Sa force novatrice résidait dans cette facilité à traduire les effets changeants de la lumière et à en capter les différentes déclinaisons.

Parfaite illustration de ces qualités, cette étude, qui présente bien la plage de Valence, sous un ciel de tempête7, figurait probablement parmi ces quatre-cent-quatre-vingt-quinze croquis, dessins, études et esquisses présentés en 19068. Elle avait certainement fait partie des recherches picturales en plein air de l’artiste en vue de son tableau Jour gris sur la plage de Valence daté 19019. Cette œuvre s’impose par sa simplicité. Une barque à la coque calfatée et un pont orangé animent la partie droite de la composition. Au sable ocre et dense du rivage répondent les bleus violacés du ciel séparés par l’horizon qui se confond avec les flots. Cette huile sur toile reste avant tout une étude atmosphérique dans laquelle Sorolla travailla les modulations de la lumière irradiante. On comprend que la plage de Valence ait été le lieu de toutes ses recherches.

Laurence Lhinares

1M. Hutin, « En Espagne. Ateliers d’artistes. Joaquin Sorolla », Journal des Artistes, 7 avril 1906, p. 5117.

2Bilbao, Museo de Bellas Artes, inv. 69/228.

3Paris, musée d’Orsay, inv. RF 948 ; acquis en 1895 auprès de l’artiste au Salon des Artistes français pour 6000 francs.

4Salon des Artistes français, 1902, nos 1515 et 1516.

5Salon des Artistes français, 1902, nos 1742 et 1741.

6Lire Véronique Gerard Powell, « Sorolla et le marché de l’art parisien : l’exposition particulière de la galerie Georges Petit (1906) » dans Blanca Pons-Sorolla et María López Fernández (dir.), Sorolla, un peintre espagnol à Paris, cat. exp. Munich (Kunsthalle der Hypo-Kulturstiftung), Giverny (Musée des impressionnismes), Madrid (Museo Sorolla), 2016-2017, p. 81-89.

7Bernardino de Pantorba, La vida y la obra de Joaquin Sorolla. Estudio biografico y critico, Madrid, 1970, p. 158, n° 808, Cielo de tempestad (Valencia), 27 × 48 cm, série I, n° 40.

8Les titres peu précis du catalogue de 1906 ne nous incitent pas à vouloir faire correspondre un numéro à notre œuvre.

9Huile sur toile, 64 × 96 cm, collection particulière ; succession Sorolla, série K, n° 21. Voir Pons-Sorolla et López Fernández 2016-2017, op. cit. (note 6), p. 120, n° 12.