55. Andrea Meldolla, dit il Schiavone

Zara, Croatie vers 1510 – 1563 Venise

Saint Paul, vers 1545-1550

Andrea Meldolla, issu d’une famille d’origine émilienne, naquit à Zara (Zadar) sur la côte dalmate, alors sous juridiction vénitienne. Vers 1530, il se trouvait à Venise, où on le surnommait il Schiavone, c’est à dire « le Slave ». Sa formation artistique reste inconnue et il est possible qu’il fût essentiellement autodidacte. L’influence des estampes d’après Parmigianino (1503–1540) trahissent son profond intérêt pour cet artiste, mais il se montra également sensible aux Lombards tel Pordenone (vers 1484–1539), ainsi qu’aux gravures du Siennois Domenico Beccafumi (1486–1551).

Le style très individuel, voire excentrique de Schiavone – qu’on a voulu considérer comme le seul vrai maniériste vénitien – fusionna une empreinte émilienne avec une solide connaissance de l’art vénitien des années 1530-1535 ; les tableaux de sa maturité seraient une source importante pour la génération de Tintoret (1518–1594) et des Bassano. Mais c’est surtout dans le domaine de l’eau-forte que son activité marqua profondément l’évolution de la gravure en Italie, transformant ce qui était un processus largement reproductif vers une forme d’expression autonome1.

Ce Saint Paul fait partie d’une série de treize eaux-fortes représentant le Christ et les apôtres2, reprenant un thème que l’artiste avait traité quelques années auparavant dans une première série de plus petit format, fortement inspirée par Parmigianino3. Dans la nouvelle série, plus ambitieuse du point de vue technique et généralement datée vers 1545-1550, les figures des saints sont devenues plus robustes, et les drapés plus volumineux, tant que les effets lumineux produisent des formes imposantes qui ne sont pas sans rappeler les grands Apôtres gravés sur bois de Beccafumi4. Schiavone joua sur le contraste entre cette monumentalité de la figure et la délicatesse du dessin, visant un effet presqu’évanescent qui est encore renforcé, dans ce tirage de l’estampe, par la manipulation du ton de surface de la plaque. Le jeu d’ombres et de lumières sur les vêtements du saint est rendu avec une subtilité remarquable.

Carel van Tuyll van Serooskerken

1Voir Francesca Di Gioia, «  Questioni di metodo nelle acqueforti di Schiavone  », dans Chiara Callegari et Vincenzo Mancini (dir.), Schiavone. Pittura, incisione, disegno nella Venezia del cinquecento, Venise, 2018, p. 27-35  ; Achim Gnann (dir.), Andrea Meldolla Schiavone : Printmaking Genius of Mannerism, cat. exp. Osijek (Muzej likovnih umjetnosti), 2023.

2Adam von Bartsch, Le Peintre graveur, Vienne, 1818, vol. XVI, nos 38-50. Bartsch avait incorrectement identifié l’apôtre de notre estampe comme saint Thomas. Son erreur a été corrigée par Lili Fröhlich-Bum, «  Andrea Meldolla, genannt Schiavone  », Jahrbuch der Kunsthistorischen Sammlungen des Allerhöchsten Kaiserhauses, 1916, vol. XXXI, p. 160. Il s’agit en effet de saint Paul, dont l’attribut est une épée.

3Bartsch, op. cit. (note 2), nos 24-37.

4Bartsch, op. cit. (note 2), Vienne, 1811, vol. XII, nos 13, 14, 15. Francis L. Richardson, Andrea Schiavone, Oxford, 1980, p. 87, propose une date vers 1548-1550 pour cette série, date qu’Achim Gnann préfère anticiper vers 1544-1548  ; voir Gnann 2023, op. cit. (note 1), p. 195.