58. Anonyme d’après Marten van Cleve

Anvers 1527 – 1581 Anvers

Douze plaisanteries sur les rapports entre les hommes et les femmes

En 2019, Ger Luijten réussit à enrichir le fonds de la Fondation Custodia de la même rare série d’estampes qu’il avait déjà acquise pour le Rijksmuseum d’Amsterdam en 20011. La série fut créée vers 1570 et constitue un excellent exemple de représentations de plaisanteries sexuelles ambiguës, genre courant dans les arts graphiques de l’Europe du Nord au XVIe siècle.

De nombreuses actions ou objets qui figurent dans ces scènes se prêtent facilement à des jeux d’ambiguïtés, comme les actions de pêcher et d’attraper des oiseaux. Dans plusieurs langues, ces verbes (fischen et vögeln en allemand, vissen et vogelen en néerlandais) pouvaient en effet aussi désigner l’acte sexuel2. Des objets tels qu’un pot ou un filet sont des symboles traditionnels pour le sexe féminin dans les beaux-arts ; un oiseau ou une cornemuse pour le sexe masculin. Les explications gravées autour des estampes sont des vers allemands de quatre, parfois deux lignes, pour la plupart des dialogues entre un homme et une femme. Les couples représentés ne sont pas des paysans pauvres, mais plutôt des personnes de la classe moyenne. Les titres sous lesquels les estampes sont connues sont assez neutres : Le Roi boit, La Sécheuse de filets, Les Fabricants de saucisses, Les Joueurs de cornemuse, La Jeunesse perdue, Le Pêcheur impuissant, L’Archer, L’Inspecteur de poules, Le Soldat, La Femme à son ouvrage, Le Pot à étourneau et La Laitière énervée. Le contenu sexuel devient évident grâce à la combinaison du texte et de l’image.

Par le passé, cette série d’estampes a été attribuée comme « Proverbes avec texte allemand » à Crispijn de Passe I (1564–1637), qui travailla à Cologne de 1589 à 1612. Dans son article de 2001, Ger Luijten proposa une meilleure attribution : Marten van Cleve, un peintre d’Anvers spécialisé dans les représentations humoristiques de paysans. Son père était né en Allemagne et les gravures ont apparemment été produites en premier lieu pour le marché allemand. Les plaisanteries grossières et représentations piquantes étaient appréciées non seulement par les gens du peuple, mais aussi par les classes supérieures de la société3. Certaines représentations de la série ont été reproduites par des peintres anonymes des Pays-Bas méridionaux sur des planches ou assiettes ornementales en bois peint, appelées teljoren4. Cette série est étroitement liée à une série de douze médaillons avec des proverbes flamands dans le style de Pieter Bruegel l’Ancien (1526/1530–1569), gravés par Johannes Wierix (1549–vers 1620) et d’autres artistes et pourvus de quatre vers néerlandais dans la bordure5.

Ilja M. Veldman

1Rijksmuseum, Amsterdam, inv. RP-P-2001-1 à RP-P-2001-6.

2Eddy de Jongh, Kwesties van betekenis. Thema en motief in de Nederlandse schilderkunst van de zeventiende eeuw, Leyde, 1995, p. 22-58 ; Eddy de Jongh et Ger Luijten, Mirror of Everyday Life. Genreprints in the Netherlands 1550-1700, cat. exp. Amsterdam (Rijksmuseum), 1997, p. 85-86.

3De Jongh et Luijten 1997, op. cit. (note 2), p. 85. On trouve ces gravures et d’autres du même genre dans l’album intitulé Facéties, c’est à dire, de choses bouffonnes & grotesques de Michel de Marolles (1600–1681) à Paris, Bibliothèque nationale de France (conservé sous le titre Recueil de pièces facétieuses et bouffonnes de 1500 à 1630, inv. RESERVE Tf-1-Fol. et RESERVE Tf-2-Fol.) ; Ger Luijten, « Teljoren in druk : een prentreeks naar Maarten van Cleve met mannen en vrouwen in het rond », Bulletin van het Rijksmuseum, vol. XLIX, n° 2/3, 2001, p. 153.

4Ibid., p. 161-166.

5Louis Lebeer, Beredeneerde catalogus van de prenten naar Pieter Bruegel de Oude, Bruxelles, 1969, p. 158-171, nos 65-76.