59. Remigius Hogenberg (d’après Hans Bol)

Malines vers 1536 – 1589 Londres

Paysage avec une compagnie s’embarquant dans un bateau de plaisance, vers 1566

Cette scène avec une élégante compagnie s’inscrit dans la tradition des miniatures calendaires illustrant le printemps ou le mois de mai1. Un château de plaisance est élevé au bord de l’étang, avec au milieu un labyrinthe établi sur une île de plan circulaire. Le graveur a traité avec un soin méticuleux les éléments naturels, comme les formations nuageuses et les rides sur l’eau.

Pour l’éditeur Hieronymus Cock (1518–1570), Hans Bol (1534–1593) était destiné à succéder à Pieter Bruegel l’Ancien (1526/1530–1569) et la série d’estampes Paysages et vues de villages de 1562 peut être considérée comme le démarrage de sa carrière couronnée de succès2. De même que les estampes Jeu de l’oie et Paysage avec attaque à main armée d’environ 1564, cette série anticipe la construction de l’espace et la thématique de notre eau-forte3. Si le Paysage avec attaque à main armée porte le monogramme de Bol, son inventeur, ainsi que le monogramme du graveur Remigius Hogenberg4, celui de Bol est absent dans le premier état du présent paysage5. La répartition des rôles entre les deux artistes n’est, de ce fait, pas tout à fait établie.

De toute évidence, les dessins de Bol et les gravures que Hogenberg a lui-même conçues témoignent d’une influence réciproque6. Dans les estampes d’après Bol par d’autres graveurs, comme Le Fils prodigue dilapide son héritage édité par Bartholomeus de Momper (1540–1595/1597), des motifs tels que la femme au luth et le joueur de flûte peuvent être directement reliés à des dessins de Bol7. De telles études ont donc été utilisées pour différents projets d’estampes. C’est ainsi qu’apparaît aussi dans la même planche, presque à l’identique mais en miroir, le couple qui s’avance au premier plan de notre gravure8. Le labyrinthe pourrait cependant être un ajout de Hogenberg, inspiré par le « labyrinthe crétois » qui figure dans l’une des eaux-fortes de la série de douze paysages éditée en 1558 par Cock d’après son frère Matthijs Cock (vers 1505–1548)9.

Cette image idéalisée de « l’amour courtois » trouve son pendant thématique dans le Fils prodigue qui dilapide son héritage, probablement créé durant les mêmes années10. Les deux compositions annoncent nombre d’estampes qui suivront dans la carrière de Bol et eurent une grande influence sur le thème de la « joyeuse compagnie », qui redevint populaire parmi les peintres des Pays-Bas septentrionaux des années 1620 et 163011.

Trois autres épreuves seulement du premier état de notre estampe sont connues12. En 2018, Ger Luijten acquit une autre estampe précoce rare d’après Hans Bol, gravée en 1562 par les frères Johannes (vers 1530–1605) et Lucas van Doetecum (?–1579/1589)13.

Lukas Nonner

1Dans ces miniatures, les «  bateaux de mai  » décorés de branches sont un motif récurrent. Voir Peter van der Coelen et Friso Lammertse (dir.), De ontdekking van het dagelijks leven van Bosch tot Bruegel, cat. exp. Rotterdam (Museum Boijmans Van Beuningen), 2015, p. 256. Voir aussi Wilhelm Hansen, Kalenderminiaturen der Stundenbücher. Mittelalterliches Leben im Jahreslauf, Munich, 1984, p. 80-83.

2Ursula Mielke, avec des contributions de Stefaan Hautekeete, Hans Bol (The New Hollstein Dutch & Flemish Etchings, Engravings and Woodcuts, 1450-1700), Ouderkerk aan den IJssel, 2015, vol. II, n° 216-227. Voir aussi Stefaan Hautekeete, «  Introduction  », ibid., vol. I, p. xxxviii-xlix.

3Sur le Jeu de l’oie, voir ibid., vol. II, n° 197 et vol. I, p. xxxviii, sur le Paysage avec attaque à main armée, voir ibid., vol. II, n° 228 et vol. I, p. xxxviii-xxxix. Dans l’estampe discutée ici, Bol a placé les éléments picturaux de manière plus espacée, de sorte que les parties laissées en blanc donnent à la composition davantage d’amplitude et de clarté.

4Remigius et son frère plus connu, Frans (1535–1590), ont probablement été formés par leur beau-père, le cartographe Hendrik Terbrugghen, connu sous le nom de Pontanus. Remigius a dû être actif à Münster ou près d’Emmerich, mais il émigra en Angleterre après 1570, soit comme réfugié religieux, soit pour des raisons professionnelles. Voir Ursula Mielke, Remigius and Frans Hogenberg (The New Hollstein Dutch & Flemish Etchings, Engravings and Woodcuts, 1450-1700), Ouderkerk aan den IJssel, 2009, «  Introduction  », p. xi-xxii.

5Le deuxième état, édité par Maerten Peeters (vers 1500–1566), mentionne pourtant clairement «  Hans Bol fecit  ». Bol a-t-il jugé sans importance que son nom soit mentionné sur les estampes produites en collaboration avec Remigius Hogenberg  ?

6L’estampe de Hogenberg David et Bethsabée présente des parentés évidentes avec deux dessins de Bol tirés du même sujet, datant d’environ 1568, qui ne sont pas des projets d’estampe  ; voir Mielke 2009, op. cit. (note 4), n° 1, repr. et Stefaan Hautekeete dans Mielke 2015, op. cit. (note 2), vol. I, p. xxxix-xli, et fig. 13, 14 et 15.

7Voir le dessin de Bol avec Le Fils prodigue dilapide son héritage de 1570 à New York, The Metropolitan Museum of Art, inv. 1972.118.4, et la version non datée conservée à Vienne, Albertina, inv. 7908  ; pour l’estampe, voir Stefaan Hautekeete, «  Introduction  », dans Mielke 2015, op. cit. (note 2), vol. I, p. xliii- xlvi, fig. 17, 18, et ibid. n° 66, repr.  ; Anvers, Musée Plantin-Moretus, inv. PK.OP.18142. Aucune étude préparatoire à notre estampe n’est connue.

8Ce couple élégant et «  dansant  » apparaît également dans une gravure de Frans Hogenberg, le frère de Remigius  ; voir Mielke 2009, op. cit. (note 4), n° 11, repr.

9F. W. H. Hollstein, Dutch and Flemish Etchings, Engravings and Woodcuts, c. 1450-1700, vol. IV, Amsterdam 1951, p. 179, n° 21, repr.  ; Joris van Grieken, Ger Luijten et Jan Van der Stock (dir.), Hieronymus Cock. La gravure à la Renaissance, cat. exp. Louvain (M - Museum Leuven), Paris (Fondation Custodia), 2013, n° 94.6. Voir aussi Mielke 2009, op. cit. (note 4), p. xxi.

10Stefaan Hautekeete, «  Introduction  », dans Mielke 2015, op. cit., vol. I, p. xxxix-xlvi, et ibid., n° 66, repr.

11Comme Esaias van de Velde (1587–1630), Frans Hals (1582–1666) et Willem Buytewech (1591/1592–1624)  ; voir Stefaan Hautekeete, ibid., p. xliii- xlvi  ; voir aussi Elmer Kolfin, The Young Gentry at Play. Northern Netherlandish Scenes of Merry Companies, 1610-1645, Leyde, 2005, p. 24, 37-40.

12D’après Mielke 2015, op. cit. (note 2), vol. II, n° 230, les trois autres se trouvent à Amsterdam, Paris (Bibliothèque nationale de France) et Bruxelles. Une copie simplifiée et imprimée en miroir est peut-être de la main du monogrammiste FF  ; voir ibid., repr.

13Inv. 2018-P.92  ; Henk Nalis, avec des contributions de Peter Fuhring, The Van Doetecum Family (The New Hollstein Dutch & Flemish Etchings, Engravings and Woodcuts, 1450-1700), Ouderkerk aan den IJssel, 1998, vol. II, n° 233  ; Mielke 2015, op. cit. (note 2), vol. II, n° 229, repr. Cinq autres épreuves seulement de cette eau-forte sont connues.