61. Adam Pijnacker, attribué à

Schiedam 1620/22 – 1673 Amsterdam

Vue d’une cascade

Lorsque ce dessin est entré dans la collection de la Fondation Custodia, il était attribué à Johannes Jansz. Collaert (1621/22 – après 1678), un paysagiste d’Amsterdam relativement peu connu. Parmi les rares dessins préservés de sa main, on note une grande Vue de Tivoli avec une cascade conservée à Hambourg1. Le motif, le format vertical de la feuille et l’emploi de la pointe du pinceau et de l’encre grise sur une esquisse à la pierre noire sont autant de points communs avec notre dessin. Mais les deux feuilles divergent par l’exécution et le style. Collaert se servait de hachures courtes, assez machinales, pour rendre le feuillage, tandis que dans la Vue d’une cascade les arbres et les arbustes sont évoqués avec des points et des traits subtils, appliqués en plusieurs couches afin de créer une profondeur. Par la suite, Peter Schatborn a proposé une attribution au paysagiste hollandais Jan Worst (actif de 1645 à 1686)2. On peut comparer la Vue d’une cascade à une feuille conservée à Amsterdam, qui présente une Cascade à Tivoli avec un dessinateur au recto, et une Grande cascade à Tivoli au verso3. La présence de lavis gris de différentes nuances sur les rochers et le traitement de l’eau bouillonnante de la cascade par touches délicates, et contrastant avec les parties en réserve du papier, sont des caractéristiques communes aux trois dessins. Cependant, l’esquisse sous-jacente à la pierre noire bien visible, les hachures inégales et les traits de contour maladroits, rendus au pinceau, sont absents de la feuille de la Fondation Custodia.

Grâce à une recherche récente d’Annemarie Stefes, nous pouvons aujourd’hui, rattacher notre dessin à l’œuvre d’Adam Pijnacker (1620/22-1673), un paysagiste hollandais de Schiedam4. Stefes affirme que la Vue d’une cascade est liée à une peinture signée, à Berlin5, représentant elle aussi le motif d’une cascade. Si l’artiste n’a pas copié exactement le dessin, on trouve dans les deux œuvres un détail comparable et frappant : une avancée rocheuse en forme de cœur. De plus, le schéma d’ensemble de la composition – un fort alignement diagonal accentué par un grand repoussoir – se retrouve également dans d’autres œuvres de Pijnacker6.

Le tableau de Berlin a sans doute été exécuté lorsque Pijnacker se trouvait à la cour de Brandebourg en 1654/55, à la suite d’un probable séjour en Italie à la fin des années 1640. Si notre feuille est antérieure au tableau, elle serait l’un des premiers dessins connus de Pijnacker7. Ceci pourrait expliquer la différence de style par rapport aux dessins généralement acceptés de l’artiste, datés du début des années 16608. Ces feuilles achevées, destinées à être vendues directement aux collectionneurs, affichent un dessin plus stylisé : des troncs aux contours bien définis et presque anguleux ; un feuillage suggéré par de courtes touches et de petites zones hachurées à la pierre noire. La facture de notre Vue d’une cascade est plus subtile et l’esquisse sous-jacente à la pierre noire est pratiquement absente. Selon Stefes, la manière de la présente feuille la rapproche de deux autres conservées à la Hamburger Kunsthalle, attribuées récemment à Pijnacker, qu’on estime également avoir été exécutées au cours des années que l’artiste a passées à Rome9. MR

1Hambourg, Hamburger Kunsthalle, inv. 21807 (pointe du pinceau et encre grise, avec lavis gris, sur une esquisse à la pierre noire ; 544 × 415 mm. Signé et daté, en bas à droite, à l’encre brune : « Jan Collaert t’ Tivo … / 1646 ») ; James D. Burke, « A Drawing by Johannes Collaert », Master Drawings, XIV, 1976, n° 4, p. 384-386, fig. 6 ; et Annemarie Stefes, Niederländische Zeichnungen 1450-1850 (Die Sammlungen der Hamburger Kunsthalle, vol. III), 3 vol., Cologne, 2011, vol. I, n° 212, p. 168, repr.

2Communication orale de Peter Schatborn, 2016.

3Amsterdam, Rijksmuseum, inv. RP-T-1954-156 (pointe du pinceau et lavis gris, sur une esquisse à la pierre noire ; 245 × 345 mm) ; Peter Schatborn, « Two Drawings of Tivoli by Jan Worst », Master Drawings, LIII, 2015, n° 4, p. 467-470, fig. 2-3 ; https://www.rijksmuseum.nl/nl/zoeken.

4Courriel d’Annemarie Stefes, 27 septembre 2017. La nouvelle attribution a également été confirmée par Peter Schatborn dans un courriel à l’auteur, 6 octobre 2017.

5Berlin, Staatliche Museen zu Berlin, Gemäldegalerie, inv. GG 897 (huile sur toile ; 20,7 × 17,5 cm. Signé et daté, en bas à gauche, « APynacker 1754 [AP en ligature] ») ; Laurie B. Harwood, Adam Pynacker (c. 1620-1673), Doornspijk, 1988, n° 35, repr.

6Cf. ibid., nos 36 et 44.

7Le plus ancien dessin daté de Pijnacker est une feuille datée 1662 à Melbourne, National Gallery of Victoria, Felton Bequest, inv. 1278.25.2-3 (pointe du pinceau et encre grise, lavis gris, sur une esquisse à la pierre noire ; 271 × 196 mm. Signé et daté, en bas à gauche : « AP 1662 [AP en ligature] ») ; Peter Schatborn, Drawn to Warmth : 17th-century Dutch artists in Italy, cat. exp., Amsterdam, Rijksmuseum, 2001, p. 180, fig. C.

8Cf. ibid. p. 178-182, fig. A et D.

9Hambourg, Hamburger Kunsthalle, inv. 1963-573 (pointe du pinceau et encre grise, lavis gris et blanc opaque, sur une esquisse au graphite ; 251 × 382 mm) ; et 21809 (pointe du pinceau et encre grise, lavis gris, sur une esquisse au graphite ; 363 × 298 mm) ; Stefes 2011, op. cit. (note 2), vol. III, p. 448-449, nos 834 et 835.

10Plusieurs parties le long de la pliure ont été retouchées par une main plus tardive au pinceau et à l’encre grise.