Accueil Catalogues en ligne Un œil passionné. Douze ans d’acquisitions de Ger Luijten 66. Wenceslaus Hollar Prague 1607 – 1677 Londres Trocha nacrier (trochus niloticus), vers 1646 D’une série de quarante-sept coquillages répartis sur trente-neuf feuilles, la Fondation Custodia possédait déjà une Volute armée, acquise en 19631. Ce Trocha nacrier appartient lui aussi à cette suite aussi peu répandue qu’énigmatique réalisée par Wenceslaus Hollar autour des années 1646. L’absence de tout document d’archives renseignant sur une éventuelle commande, de lettre d’estampe mentionnant une date, un imprimeur ou même l’auteur, joint à la rareté, pour l’époque, des spécimens représentés, ont fait se questionner les historiens de l’art2. Des questions d’autant plus prégnantes, que, très vite, ces estampes connurent une réception prolifique : soupçonnées d’avoir insufflé à Rembrandt van Rijn (1606–1669) l’idée de graver lui aussi un coquillage, le Conus marmoreus, elles sont, surtout, réutilisées par les plus prestigieuses publications scientifiques de l’époque3. On en retrouve ainsi certains exemplaires tant dans les Ricreatione dell’occhio e della mente nell’osservazione delle chiocciole […] de Filippo Buonanni (1638–1725), parues à Rome en 1681 (cat. 135) que dans l’Historiæ conchyliorum publiée entre 1685 et 1688 de Martin Lister (1639–1712) ou encore dans le D’Amboinsche rariteitkamer de Georg Everhard Rumphius (1627–1702), publié à Amsterdam en 17054. De fait, la très grande qualité des reproductions a conduit nombre d’experts à voir dans cette série un projet d’illustration finalement abandonné, sur commande du collectionneur Jan Volkertsz (1578–1651)5. Autre argument en faveur de cette hypothèse, le fait que Hollar ait veillé à restituer les coquillages dans le bon sens d’enroulement, sans ombre portée, sur un fond entièrement vierge, certains spécimens étant même reproduits par deux fois, selon des angles ou des côtés différents, trahissant ce faisant une volonté manifeste d’en dévoiler toutes les particularités physiques6. Ce Trocha nacrier ne déroge guère à cette règle, la trompeuse simplicité géométrique du cône rescellant en réalité une grande complexité de formes. Aux anneaux générés par l’enroulement de la coquille, s’ajoute la savante alternance de blanc et de noir créée par d’oscillantes rayures marbrant aussi bien la surface plane de la base que la rondeur régressive du cône. Une experte répartition de vives hachures parallèles s’opposant à un entrelacs disparate de tailles et contretailles permet à Hollar d’emporter ce défi graphique haut la main. Aude Prigot 1Wenceslaus Hollar, Volute armée (melo amphora), eau-forte et burin, Paris, Fondation Custodia, inv. 8067 ; Mària van Berge-Gerbaud, Wenzel Hollar 1607-1677 : dessins, gravures, cuivres, cat. exp., Paris (Institut Néerlandais), 1979, n° 182. Simon Turner, dans le New Hollstein German, dénombre trente-neuf planches, tandis que le Royal Collection Trust en dénombre quarante-et-une ; Simon Turner, Wenceslaus Hollar (The New Hollstein German Engravings, Etchings and Woodcuts 1400-1700), Ouderkerk aan den IJssel, 2010, vol. IV, nos 1273-1311. 2Richard Pennington, A Descriptive Catalogue of the Etched Work of Wenceslaus Hollar 1607-1677, Cambridge, 1982, p. XXXI ; Richard T. Godfrey, Wenceslaus Hollar : A Bohemian Artist in England, New Haven et Londres, 1994, p. 128. Les coquillages sont tous originaires de zones extra-européennes. Voir le site du Royal Collection Trust (lien cité note 1). 3Erik Hinterding et Jaco Rutgers, The New Hollstein Dutch & Flemish Etchings, Engravings and Woodcuts 1450-1700, Ouderkerk aan den IJssel, 2013, vol. text II, p. 172, n° 247, et vol. plates III, p. 3-4, n° 247 ; Stephanie S. Dickey, « Shells, Prints and the Discerning Eye », dans Marisa Anne Basse, Anne Goldgar, Hanneke Grootenboer et al., Conchophilia : Shells, Art and Curiosity in Early-Modern Europe, Princeton, 2021, p. 172. 4Turner 2011, op. cit. (note 1), p. 307 ; Florence Pieters et Robert Moolenbeek, « Rare schelpen en schaaldieren. Raadsels rond de illustraties bij D’Amboinsche rariteitkamer van Georgius Everhardus Rumphius », Jaarboek van het Nederlands Genootschap van Bibliofielen, vol. XII, 2004, p. 111-136. 5Karin Leonhard et Maria-Theresia Leuker, « Who commisioned Hollar’s shells ? », Simiolus. Netherlands Quarterly for the History of Art, vol. XXXVII, n° 3/4, 2013-2014, p. 227-239. 6Nombre d’auteurs et surtout de conchyliologues notent en effet qu’en raison du processus naturel d’inversion dans la production d’estampes, certains coquillages reproduits en gravure à l’époque sont représentés inversés, dans le mauvais sens d’enroulement. Sur ce sujet, voir Pieters et Moolenbeek 2004, op. cit. (note 4), p. 115.
D’une série de quarante-sept coquillages répartis sur trente-neuf feuilles, la Fondation Custodia possédait déjà une Volute armée, acquise en 19631. Ce Trocha nacrier appartient lui aussi à cette suite aussi peu répandue qu’énigmatique réalisée par Wenceslaus Hollar autour des années 1646. L’absence de tout document d’archives renseignant sur une éventuelle commande, de lettre d’estampe mentionnant une date, un imprimeur ou même l’auteur, joint à la rareté, pour l’époque, des spécimens représentés, ont fait se questionner les historiens de l’art2. Des questions d’autant plus prégnantes, que, très vite, ces estampes connurent une réception prolifique : soupçonnées d’avoir insufflé à Rembrandt van Rijn (1606–1669) l’idée de graver lui aussi un coquillage, le Conus marmoreus, elles sont, surtout, réutilisées par les plus prestigieuses publications scientifiques de l’époque3. On en retrouve ainsi certains exemplaires tant dans les Ricreatione dell’occhio e della mente nell’osservazione delle chiocciole […] de Filippo Buonanni (1638–1725), parues à Rome en 1681 (cat. 135) que dans l’Historiæ conchyliorum publiée entre 1685 et 1688 de Martin Lister (1639–1712) ou encore dans le D’Amboinsche rariteitkamer de Georg Everhard Rumphius (1627–1702), publié à Amsterdam en 17054. De fait, la très grande qualité des reproductions a conduit nombre d’experts à voir dans cette série un projet d’illustration finalement abandonné, sur commande du collectionneur Jan Volkertsz (1578–1651)5. Autre argument en faveur de cette hypothèse, le fait que Hollar ait veillé à restituer les coquillages dans le bon sens d’enroulement, sans ombre portée, sur un fond entièrement vierge, certains spécimens étant même reproduits par deux fois, selon des angles ou des côtés différents, trahissant ce faisant une volonté manifeste d’en dévoiler toutes les particularités physiques6. Ce Trocha nacrier ne déroge guère à cette règle, la trompeuse simplicité géométrique du cône rescellant en réalité une grande complexité de formes. Aux anneaux générés par l’enroulement de la coquille, s’ajoute la savante alternance de blanc et de noir créée par d’oscillantes rayures marbrant aussi bien la surface plane de la base que la rondeur régressive du cône. Une experte répartition de vives hachures parallèles s’opposant à un entrelacs disparate de tailles et contretailles permet à Hollar d’emporter ce défi graphique haut la main. Aude Prigot 1Wenceslaus Hollar, Volute armée (melo amphora), eau-forte et burin, Paris, Fondation Custodia, inv. 8067 ; Mària van Berge-Gerbaud, Wenzel Hollar 1607-1677 : dessins, gravures, cuivres, cat. exp., Paris (Institut Néerlandais), 1979, n° 182. Simon Turner, dans le New Hollstein German, dénombre trente-neuf planches, tandis que le Royal Collection Trust en dénombre quarante-et-une ; Simon Turner, Wenceslaus Hollar (The New Hollstein German Engravings, Etchings and Woodcuts 1400-1700), Ouderkerk aan den IJssel, 2010, vol. IV, nos 1273-1311. 2Richard Pennington, A Descriptive Catalogue of the Etched Work of Wenceslaus Hollar 1607-1677, Cambridge, 1982, p. XXXI ; Richard T. Godfrey, Wenceslaus Hollar : A Bohemian Artist in England, New Haven et Londres, 1994, p. 128. Les coquillages sont tous originaires de zones extra-européennes. Voir le site du Royal Collection Trust (lien cité note 1). 3Erik Hinterding et Jaco Rutgers, The New Hollstein Dutch & Flemish Etchings, Engravings and Woodcuts 1450-1700, Ouderkerk aan den IJssel, 2013, vol. text II, p. 172, n° 247, et vol. plates III, p. 3-4, n° 247 ; Stephanie S. Dickey, « Shells, Prints and the Discerning Eye », dans Marisa Anne Basse, Anne Goldgar, Hanneke Grootenboer et al., Conchophilia : Shells, Art and Curiosity in Early-Modern Europe, Princeton, 2021, p. 172. 4Turner 2011, op. cit. (note 1), p. 307 ; Florence Pieters et Robert Moolenbeek, « Rare schelpen en schaaldieren. Raadsels rond de illustraties bij D’Amboinsche rariteitkamer van Georgius Everhardus Rumphius », Jaarboek van het Nederlands Genootschap van Bibliofielen, vol. XII, 2004, p. 111-136. 5Karin Leonhard et Maria-Theresia Leuker, « Who commisioned Hollar’s shells ? », Simiolus. Netherlands Quarterly for the History of Art, vol. XXXVII, n° 3/4, 2013-2014, p. 227-239. 6Nombre d’auteurs et surtout de conchyliologues notent en effet qu’en raison du processus naturel d’inversion dans la production d’estampes, certains coquillages reproduits en gravure à l’époque sont représentés inversés, dans le mauvais sens d’enroulement. Sur ce sujet, voir Pieters et Moolenbeek 2004, op. cit. (note 4), p. 115.