Accueil Catalogues en ligne Art sur papier. Acquisitions récentes 67. Cornelis Schut Anvers 1598 – 1655 Anvers Déploration Avec l’apparition récente de plus de cent trente dessins jusqu’alors inconnus, l’œuvre dessiné de Cornelis Schut a pratiquement doublé du jour au lendemain1. L’essentiel de ce groupe de feuilles – selon toute vraisemblance, une partie du fonds d’atelier du peintre resté intact pendant plus de trois cents ans – a été mis en vente en décembre 2010 à Paris. À cette occasion, la Fondation Custodia a fait l’acquisition de vingt-trois dessins, parmi lesquels cette Déploration, partie d’une série de cinq études pour le même sujet, toutes de format à peu près identique. Elles sont préparatoires au tableau incorporé dans l’épitaphe du marchand anversois Adriaen van Ginderdeuren (mort en 1647), toujours situé à son emplacement original, contre un pilier de l’église Saint-Jacques à Anvers2. Un document datant de juin 1648 nous apprend que la toile a été commandée à Schut par la famille du défunt peu de temps après sa mort, au mois d’avril de l’année précédente. Ainsi, cette petite série compte parmi les feuilles assez rares de l’artiste que l’on peut dater avec une certaine précision3. Schut avait l’habitude d’explorer les différentes possibilités de composition pour un sujet dans de multiples dessins aux techniques et stades d’achèvement variables. Contrairement à ses illustres contemporains Peter Paul Rubens (1577-1640) et Anthony van Dyck (1599-1641), il commençait souvent par tracer des lignes d’encadrement sur une feuille plus grande avant d’ébaucher sa composition. À plusieurs reprises, il numérotait les versions ainsi réalisées4. Des cinq esquisses, deux n’ont pas dépassé le stade de croquis, une troisième a été redessinée à la plume et les deux dernières ont été élaborées abondamment à la plume et au pinceau. De cette paire, notre feuille dut avoir la préférence de l’artiste car elle a été pourvue d’une mise au carreau pour guider le transfert de la composition sur la toile. Le tableau reprend assez fidèlement la disposition des personnages de ce dessin, sauf la tête de la Sainte Vierge qui, à la différence de l’esquisse où elle avait déjà été corrigée par de vigoureux traits de plume, est tournée vers le spectateur, les yeux levés vers le ciel. Dans le document de juin 1648, un membre de la famille de Van Ginderdeuren fit appel à un témoin, présent lors de l’établissement du contrat pour l’épitaphe, qui déclara que Schut avait promis de remplacer le tableau par un autre s’il déplaisait à son commanditaire. On ignore si l’artiste a dû remettre son ouvrage sur le métier et si la peinture qu’on peut aujourd’hui admirer à Anvers a pris la place d’un tableau initialement rejeté, mais aucun dessin suggérant une autre version n’est connu – à moins qu’il ne faille le chercher parmi les autres feuilles de la série de cinq. Après la mort de Rubens et Van Dyck en 1640 et 1641, Schut, qui en 1631 après un séjour de près de dix ans en Italie, est de nouveau mentionné dans les registres de sa ville natale, était incontestablement un des maîtres les plus demandés pour les commandes religieuses à Anvers5. Son immense toile réalisée en 1647 pour le plafond de la tour-lanterne de la cathédrale d’Anvers le montre bien6. Étonnamment, très peu de ses dessins peuvent être mis en rapport avec ces œuvres souvent monumentales. En plus des quatre études préparatoires à la Descente de croix avec Saint-François conservée au Grand Curtius de Liège et probablement datée de 1645 ou après7, les cinq feuilles destinées à la Déploration jettent donc un éclairage précieux sur la façon de dessiner de Schut dans les dernières années de sa carrière. HB 1Sur Schut dessinateur, voir Hans Vlieghe, « Enkele getekende modelli door Cornelis Schut », Gentse bijdragen tot de kunstgeschiedenis en de oudheidkunde, XXII, 1969-1972, p. 183-197 ; R.-H. d’Hulst, « Enkele tekeningen van Cornelis Schut », Nederlands kunsthistorisch jaarboek, XXIII, 1972, p. 303-316 ; Ida Gertrude Wilmers, The Paintings of Cornelis Schut the Elder (1597-1655), thèse de doctorat non publiée, Columbia University, New York, 1991, p. 574-603 (« Catalogue of drawings ») ; Ida Gertrude Wilmers, Cornelis Schut (1597-1655). A Flemish Painter of the High Baroque (Pictura Nova. Studies in 16th and 17th Century Flemish Painting and Drawing), Turnhout, 1996, passim. Un document daté de 1664 dresse, neuf ans après la mort de l’artiste, l’inventaire de ses plaques de cuivre et de son œuvre graphique et fait état de près de 2000 dessins, répartis en lots ; Erik Duverger, Antwerpse kunstinventarissen uit de zeventiende eeuw (Fontes historiæ artis Neerlandicæ, I), 14 vol., Bruxelles, 1984-2009, vol. VIII, n° 2555. 2Anvers, Église Saint-Jacques (huile sur toile ; 130 × 99 cm) ; Wilmers 1996, op. cit. (note 1), n° et pl. A76 ; pour la commande, voir aussi Peter van den Brink, « Tussen Rubens en Rembrandt. Jacob Adriaensz. Backer als portret- en historieschilder in Amsterdam », Kroniek van het Rembrandthuis, 2016, p. 5-34. 3Il s’agit d’une déclaration faite devant notaire le 16 juin 1648 par un certain Marino de Voocht ; Duverger 1984-2009, op. cit. (note 1), vol. V, n° 1514 ; Van den Brink 2016, op. cit. (note 2). 4Dans notre série, on note les numéros 1, 3, 4 et 6 ; les numéros 2 et 5 manquent et le numéro 1 a été attribué deux fois. On ne peut donc pas exclure que la série dans sa forme actuelle est incomplète. 5Pour la biographie de l’artiste, voir Wilmers 1996, op. cit. (note 1), notamment le chapitre 2, p. 12-23. 6Ibid., n° et pl. A78. 7Liège, Grand Curtius (huile sur toile ; 450 × 280 cm) ; ibid., n° et pl. A75 ; et Hans Vlieghe dans Hans Vlieghe et Bruno Del Marmol, La Descente de Croix de C. Schut (1597-1655). L’œuvre et sa restauration, cat. exp., Liège, Musée d’Art religieux et d’Art mosan, 1993, p. 10. Le tableau, originaire de l’église Sainte-Foy de Liège, a selon toute vraisemblance été commandé pour l’église du couvent des Capucins à Spa, dont la construction a commencé en 1645. Aux dessins signalés par Vlieghe à Paris, Musée du Louvre, inv. 20.444 (plume et encre brune, lavis brun, 274 × 185 mm) ; et Londres, British Museum, inv. 5214-283 (plume et encre brune, lavis brun, sur traces d’une esquisse à la pierre noire ; 298 × 198 mm) ; ibid., fig. 3-4 ; on peut ajouter deux projets (et trois fragments d’un troisième ?) qui ont fait partie de la vente parisienne de 2010, nos 48 et 64 bis.
Avec l’apparition récente de plus de cent trente dessins jusqu’alors inconnus, l’œuvre dessiné de Cornelis Schut a pratiquement doublé du jour au lendemain1. L’essentiel de ce groupe de feuilles – selon toute vraisemblance, une partie du fonds d’atelier du peintre resté intact pendant plus de trois cents ans – a été mis en vente en décembre 2010 à Paris. À cette occasion, la Fondation Custodia a fait l’acquisition de vingt-trois dessins, parmi lesquels cette Déploration, partie d’une série de cinq études pour le même sujet, toutes de format à peu près identique. Elles sont préparatoires au tableau incorporé dans l’épitaphe du marchand anversois Adriaen van Ginderdeuren (mort en 1647), toujours situé à son emplacement original, contre un pilier de l’église Saint-Jacques à Anvers2. Un document datant de juin 1648 nous apprend que la toile a été commandée à Schut par la famille du défunt peu de temps après sa mort, au mois d’avril de l’année précédente. Ainsi, cette petite série compte parmi les feuilles assez rares de l’artiste que l’on peut dater avec une certaine précision3. Schut avait l’habitude d’explorer les différentes possibilités de composition pour un sujet dans de multiples dessins aux techniques et stades d’achèvement variables. Contrairement à ses illustres contemporains Peter Paul Rubens (1577-1640) et Anthony van Dyck (1599-1641), il commençait souvent par tracer des lignes d’encadrement sur une feuille plus grande avant d’ébaucher sa composition. À plusieurs reprises, il numérotait les versions ainsi réalisées4. Des cinq esquisses, deux n’ont pas dépassé le stade de croquis, une troisième a été redessinée à la plume et les deux dernières ont été élaborées abondamment à la plume et au pinceau. De cette paire, notre feuille dut avoir la préférence de l’artiste car elle a été pourvue d’une mise au carreau pour guider le transfert de la composition sur la toile. Le tableau reprend assez fidèlement la disposition des personnages de ce dessin, sauf la tête de la Sainte Vierge qui, à la différence de l’esquisse où elle avait déjà été corrigée par de vigoureux traits de plume, est tournée vers le spectateur, les yeux levés vers le ciel. Dans le document de juin 1648, un membre de la famille de Van Ginderdeuren fit appel à un témoin, présent lors de l’établissement du contrat pour l’épitaphe, qui déclara que Schut avait promis de remplacer le tableau par un autre s’il déplaisait à son commanditaire. On ignore si l’artiste a dû remettre son ouvrage sur le métier et si la peinture qu’on peut aujourd’hui admirer à Anvers a pris la place d’un tableau initialement rejeté, mais aucun dessin suggérant une autre version n’est connu – à moins qu’il ne faille le chercher parmi les autres feuilles de la série de cinq. Après la mort de Rubens et Van Dyck en 1640 et 1641, Schut, qui en 1631 après un séjour de près de dix ans en Italie, est de nouveau mentionné dans les registres de sa ville natale, était incontestablement un des maîtres les plus demandés pour les commandes religieuses à Anvers5. Son immense toile réalisée en 1647 pour le plafond de la tour-lanterne de la cathédrale d’Anvers le montre bien6. Étonnamment, très peu de ses dessins peuvent être mis en rapport avec ces œuvres souvent monumentales. En plus des quatre études préparatoires à la Descente de croix avec Saint-François conservée au Grand Curtius de Liège et probablement datée de 1645 ou après7, les cinq feuilles destinées à la Déploration jettent donc un éclairage précieux sur la façon de dessiner de Schut dans les dernières années de sa carrière. HB 1Sur Schut dessinateur, voir Hans Vlieghe, « Enkele getekende modelli door Cornelis Schut », Gentse bijdragen tot de kunstgeschiedenis en de oudheidkunde, XXII, 1969-1972, p. 183-197 ; R.-H. d’Hulst, « Enkele tekeningen van Cornelis Schut », Nederlands kunsthistorisch jaarboek, XXIII, 1972, p. 303-316 ; Ida Gertrude Wilmers, The Paintings of Cornelis Schut the Elder (1597-1655), thèse de doctorat non publiée, Columbia University, New York, 1991, p. 574-603 (« Catalogue of drawings ») ; Ida Gertrude Wilmers, Cornelis Schut (1597-1655). A Flemish Painter of the High Baroque (Pictura Nova. Studies in 16th and 17th Century Flemish Painting and Drawing), Turnhout, 1996, passim. Un document daté de 1664 dresse, neuf ans après la mort de l’artiste, l’inventaire de ses plaques de cuivre et de son œuvre graphique et fait état de près de 2000 dessins, répartis en lots ; Erik Duverger, Antwerpse kunstinventarissen uit de zeventiende eeuw (Fontes historiæ artis Neerlandicæ, I), 14 vol., Bruxelles, 1984-2009, vol. VIII, n° 2555. 2Anvers, Église Saint-Jacques (huile sur toile ; 130 × 99 cm) ; Wilmers 1996, op. cit. (note 1), n° et pl. A76 ; pour la commande, voir aussi Peter van den Brink, « Tussen Rubens en Rembrandt. Jacob Adriaensz. Backer als portret- en historieschilder in Amsterdam », Kroniek van het Rembrandthuis, 2016, p. 5-34. 3Il s’agit d’une déclaration faite devant notaire le 16 juin 1648 par un certain Marino de Voocht ; Duverger 1984-2009, op. cit. (note 1), vol. V, n° 1514 ; Van den Brink 2016, op. cit. (note 2). 4Dans notre série, on note les numéros 1, 3, 4 et 6 ; les numéros 2 et 5 manquent et le numéro 1 a été attribué deux fois. On ne peut donc pas exclure que la série dans sa forme actuelle est incomplète. 5Pour la biographie de l’artiste, voir Wilmers 1996, op. cit. (note 1), notamment le chapitre 2, p. 12-23. 6Ibid., n° et pl. A78. 7Liège, Grand Curtius (huile sur toile ; 450 × 280 cm) ; ibid., n° et pl. A75 ; et Hans Vlieghe dans Hans Vlieghe et Bruno Del Marmol, La Descente de Croix de C. Schut (1597-1655). L’œuvre et sa restauration, cat. exp., Liège, Musée d’Art religieux et d’Art mosan, 1993, p. 10. Le tableau, originaire de l’église Sainte-Foy de Liège, a selon toute vraisemblance été commandé pour l’église du couvent des Capucins à Spa, dont la construction a commencé en 1645. Aux dessins signalés par Vlieghe à Paris, Musée du Louvre, inv. 20.444 (plume et encre brune, lavis brun, 274 × 185 mm) ; et Londres, British Museum, inv. 5214-283 (plume et encre brune, lavis brun, sur traces d’une esquisse à la pierre noire ; 298 × 198 mm) ; ibid., fig. 3-4 ; on peut ajouter deux projets (et trois fragments d’un troisième ?) qui ont fait partie de la vente parisienne de 2010, nos 48 et 64 bis.