67. Rembrandt Harmensz. van Rijn

Leyde 1606 – 1669 Amsterdam

La Circoncision, vers 1625

Il est toujours émouvant de contempler l’œuvre inaugurale d’un grand maître. De fait, voici la première estampe réalisée par un virtuose incontesté en la matière, Rembrandt. Il s’agit qui plus est du troisième et dernier état, soit celui qui est supposé être le plus parfait sinon le plus achevé. Or, cette Circoncision, publiée par l’éditeur haarlemois Jan Pietersz. Berendrecht (1590–1655), ne cesse de surprendre. Les nuances des ombres profondes et la souplesse délicate du tracé de l’échoppe prompte à masquer la rudesse du vernis déchiré, pourtant symptomatiques de l’artiste, laissent ici la place à des lignes franches et heurtées. Un style à ce point différent du reste du corpus que certains auteurs retirèrent cette eau-forte de leur catalogue raisonné de l’œuvre de Rembrandt1. Le nom de Lievens (1607–1674) fut même évoqué à plusieurs reprises2. Et Erik Hinterding de souligner que la mention « Rembrandt fecit », présente sur ce troisième état, ne saurait davantage nous conforter : l’artiste ne signa ses œuvres qu’à partir de 1633, quand celle-ci est datable aux environs de 16253. Le nom fut apposé par une autre main, en même temps que la mention de l’éditeur.

Pourtant, à y regarder de plus près, force est de constater que les grandes caractéristiques de l’art de Rembrandt sont déjà bel et bien là, et plus particulièrement sa capacité à sans cesse relire, assimiler et réinterpréter les œuvres de ses prédécesseurs4. Le choix du sujet se révèle ainsi loin d’être anodin : Albrecht Dürer (1471–1528) l’avait traité vers 1504 au sein d’une série consacrée à la Vie de la Vierge, inspirant tour à tour Maerten de Vos (1532–1603) en 1581 puis Hendrick Goltzius (1558–1617) en 15945. Quoique novice à cette époque, le jeune Rembrandt n’hésita pas à proposer tout à la fois une synthèse de ces trois compositions, s’inscrivant ainsi volontairement dans la filiation de ces grands maîtres de la gravure.

Frits Lugt avait fait déjà fait l’acquisition, en 1920, du troisième état de cette estampe, hélas rognée et donc amputée des signatures de Rembrandt et de Berendrecht6. Une lacune à laquelle l’achat par Ger Luijten en 2011 de cet exemplaire permit de remédier.

Aude Prigot

1Ludwig Münz, Rembrandt’s Etchings, Londres, 1952, vol. II, n° 187.

2Voir, à ce sujet, le résumé de la littérature antérieure dans Erik Hinterding, Rembrandt Etchings from the Frits Lugt Collection, Paris, 2008, p. 621, note 15.

3Hinterding 2008, op. cit. (note 2), p. 621.

4Sur cet aspect de l’art de Rembrandt, voir notamment Gary Schwartz, Rembrandt, Paris, 2006, p. 24-39.

5Sur l’influence de la composition de Dürer sur celle de Maerten de Vos d’abord puis sur celle de Rembrandt, voir Münz 1952, op. cit. (note 1). Sur l’influence de Dürer sur La Circoncision de Hendrick Goltzius, voir Giulia Bartrum (dir.), Albrecht Dürer and his Legacy : The Graphic Work of a Renaissance Artist, cat. exp. Londres (The British Museum), 2002, n° 232.

6Paris, Fondation Custodia, inv. 535 ; voir Hinterding 2008, op. cit. (note 2), n° 262.