68. Wallerant Vaillant

Lille 1623 – 1677 Amsterdam

Tête d’un jeune garçon

Dans sa Teutsche Academie (1675), l’artiste-biographe Joachim von Sandrart (1606–1688) décrivit Wallerant Vaillant comme le maître par excellence de la manière noire, appelée aussi « schwarze Kunst », et insista sur le fait que ses estampes étaient des plus prisées par les collectionneurs1. L’artiste lillois s’était familiarisé avec cette nouvelle technique vers 1658 par l’entremise de l’un de ses pionniers, le prince Rupert du Rhin (1619–1682)2. À partir de 1665, définitivement installé à Amsterdam, Vaillant commença à produire et à publier lui-même de nombreuses manières noires. On connaît de lui plus de deux cents estampes, dont des reproductions d’après Titien et Rubens, ainsi que des compositions de sa propre invention, comme cette touchante représentation d’un jeune garçon.

Avec cette manière noire, Vaillant semble avoir voulu rivaliser avec un portrait peint. Non seulement le garçon est représenté presque grandeur nature – et la proximité de l’artiste avec son modèle est perceptible pour nous, spectateurs –, mais le modelé du visage est aussi d’une qualité toute picturale, bien qu’il soit en noir et blanc. Les variations de tons gris, par exemple dans les joues, le noir profond des boucles – par opposition aux mèches de cheveux les plus hautes qui captent la lumière – et la texture veloutée de l’arrière-plan témoignent des grandes compétences de Vaillant en tant que graveur.

Le garçon aux cheveux bouclés paraît trop jeune pour pouvoir être le demi-frère de Wallerant Vaillant, Andries ou André Vaillant, qui fut en 1670, à l’âge de quinze ans, son apprenti à Amsterdam et qui lui a souvent servi de modèle3. Les autres garçons qui apparaissent dans les estampes de Vaillant dans des scènes d’atelier d’artiste, dessinant et étudiant des bustes en plâtre ou lisant, semblent tous plus âgés4. Il est plausible que cette œuvre au tendre rendu ait été spécialement commandée par quelqu’un du cercle de l’artiste, ce qui expliquerait le tirage apparemment restreint et le fait que l’on ne connaisse aujourd’hui que très peu d’impressions, dont cet exemplaire particulièrement bien conservé5.

Maud van Suylen

1Joachim von Sandrart, Teutsche Academie der Bau-, Bild- und Mahlerey-Künste, Nuremberg, 1675, vol. I, livre 3, p. 101 : « […] welcher durch continuirliche Ubung und Fleiß hierinn fast wunder thut [...] » ; et ibid., vol. II, livre 3, p. 374 : « [...] seine Stücke bey Kunst-Liebhabern überall in Büchern zu sehen sind / und theuer bezahlt werden ».

2La première estampe en manière noire du Prince Rupert est parue en 1657 à Francfort et c’est probablement peu après qu’il commença à collaborer avec Vaillant, parti pour Paris en 1659 ; voir Gerdien Wuestman, « The Mezzotint in Holland : “easily learned, neat and convenient” », Simiolus, vol. XXIII, 1995, p. 63-89.

3Voir Agnes Czobor, « Ein Bildnis André Vaillants von Wallerant Vaillant », Oud Holland, vol. LXXIII, 1958, p. 242–246.

4Nombre de ces manières noires sont des reproductions de peintures de Michael Sweerts (1618–1664).

5Des exemplaires de notre estampe sont conservés à Dresde (Kupferstich-Kabinett), à Brunswick (Herzog Anton Ulrich-Museum) et à Paris (Bibliothèque nationale de France). Les variations mineures entre les impressions s’expliquent par des différences dans l’encrage de la plaque et les conditions de conservation ultérieures.