Accueil Catalogues en ligne Un œil passionné. Douze ans d’acquisitions de Ger Luijten 7. Albert Flamen Flandres (?) vers 1615 (?) – 1673 ou après Paris Album avec trente vues de l’Île de France et quelques paysages Originaire des Pays-Bas mais mentionné à Paris dès 1634, Albert Flamen est l’auteur d’un important œuvre gravé, qui trahit une nette prédilection pour le paysage et la topographie1. Parmi ses dessins, on retrouve pourtant peu de vues de sites existants. Les plus importants sont deux suites de vues parisiennes, d’une exécution enlevée et pourvues de larges lavis2, ainsi que l’album présenté ici, dont vingt-huit feuilles figurent des sites en Île-de-France, identifiés par les inscriptions. Réalisés avec une plume fine, parfois en deux nuances d’encre et dans un seul cas complété par un léger lavis, ces dessins se rapprochent plutôt de la manière atmosphérique de ses eaux-fortes. Plusieurs feuilles de notre album sont en rapport avec l’une de ces suites, les douze Veuës et Païsages du Chasteau de Longuetoise et des environs. Elle comprend des vues d’un petit château situé à quelques kilomètres à l’ouest d’Étampes, ainsi que de trois villages avoisinants à l’ouest : Chalo-Saint-Mars, Saint-Hilaire et Chalou-Moulineux3. L’album contient les projets pour quatre de ces estampes, dont la largeur est légèrement plus grande : la Veuë de Longuetoise du haut de la petite garenne, les vues de Chalo et de Saint-Hilaire, ainsi que la Veuë du chemin de Longuetoise à St Mars. Deux autres pages, la vue de la « bassecourt » du château et celle de la « grande rivière » (sans doute la Chalouette qui contourne le domaine), ont été gravées avec des modifications importantes, à moins que les estampes n’aient été basées sur d’autres dessins, aujourd’hui inconnus. Sur le frontispice, Flamen a dédicacé sa série au propriétaire du domaine, Antoine de Sève (?–1662), conseiller et aumônier du roi et abbé commanditaire de l’Isle (aujourd’hui Lisle-en-Barrois dans la Meuse)4. Plusieurs autres estampes suggèrent que l’artiste était très lié avec celui-ci et avec son neveu Guillaume Tronson (vers 1620–1666), tous deux, comme lui, habitants du quartier de Saint-Sulpice à Paris5. Fruit de séjours prolongés à Longuetoise, notre album contient encore dix-sept vues qui n’ont pas été gravées et que l’on peut localiser dans un cercle d’une quinzaine de kilomètres aux alentours, dont les châteaux de Mérobert et de Saint-Cyr, propriétés d’un frère et d’un neveu du châtelain. D’autres dessins montrent des sites plus éloignés, comme Torfou, au nord d’Étampes, ou les châteaux de Lézignan et de la Grange-le-Roi à plus de soixante kilomètres6. L’absence des feuilles 1 et 13, ainsi que l’insertion de trois paysages de fantaisie sans numéro, montrent que notre album ne se présente plus sous sa forme originale, semblable aux albums de modèles à dessiner de l’artiste dont plusieurs nous sont parvenus intacts7. Il n’en reste pas moins unique. Hans Buijs 1Pour les données biographiques, voir David Graham, « A context for Albert Flamen’s Devises et emblesmes d’amour moralisez », Emblematica. An interdisciplinary journal for emblem studies, vol. XIII, 2003, p. 173-211 ; Stephanie Levert, « Étrangers, mais habitués en cette ville de Paris ». Les artistes néerlandais (1550-1700) à Paris : une prosopographie, thèse de doctorat, Université d’Utrecht, 2017, vol. II, Dossier prosopographique, sous Flamen. Pour l’œuvre gravé, voir Otto Naumann (éd.), The Illustrated Bartsch, New York, 1980, vol. VI, Netherlandish artists ; Catherine Levesque, The Illustrated Bartsch, New York, 1986, vol. VI, (Commentary), Netherlandish artists ; Graham 2003, op. cit.. Selon le dernier décompte, il s’élève à 627 pièces ; voir Elenor Ling, « Vansittart’s print collection and two unrecorded etchings by Albert Flamen », Print Quarterly, vol. XXX, 2012, p. 168-172. 2Paris, musée Carnavalet – Histoire de Paris, inv. D-8365 à D-8373 ; voir Bernard de Montgolfier, « Quinze vues de Paris au XVIIe siècle », Bulletin du Musée Carnavalet, vol. X, n° 2, novembre 1957, p. 4-12 ; Stijn Alsteens et Hans Buijs, Paysages de France : dessinés par Lambert Doomer et les artistes hollandais et flamands du XVIIe siècle, cat. exp. Paris (Institut Néerlandais), Amsterdam (Museum Het Rembrandthuis), 2006-2007, p. 193. Pour la série de la Bibliothèque nationale de France (provenant de la collection Destailleur), voir ibid., p. 210, note 10. D’après Mongolfier, qui étudia seulement le premier de ces deux ensembles, certaines vues représentent un état des lieux de 1657, d’autres en revanche une situation beaucoup plus tardive, vers 1670. 3Naumann 1980, op. cit. (note 1) et Levesque 1986, ibid., nos 93 à 104. Pour cette série et les lieux qu’elle représente, voir Maxime Legrand, Étampes pittoresque. Guide du promeneur dans la ville et l’arrondissement. L’arrondissement, première partie, Étampes, 1902, p. 214-220 ; Bernard Gineste, « Albert Flamen, Longuetoise et ses environs, gravures et dessins, vers 1664 », 2010, sur le site web Le Corpus étampois ; Hans Buijs, notice de l’album présenté ici dans cat. Tableaux et dessins / Paintings and Drawings de la galerie Marty de Cambiaire, Paris, 2018, p. 70-75. Seul le logis principal de Longuetoise, profondément remanié, semble avoir traversé les siècles. 4Appartenant à une importante famille de robe, grand bibliophile, Antoine de Sève en avait sans doute hérité de son oncle Benjamin de Sève, également conseiller du roi, qui en était devenu propriétaire par décret en 1603. En 1661, un an avant la mort d’Antoine de Sève, Longuetoise passe aux mains de deux de ses neveux, Guillaume Tronson et Guillaume de Sève (1638–1696). 5Buijs 2018, op. cit. (note 3), p. 72. Pour les familles de Sève et Tronson, voir l’introduction de Orest Allen Ranum et Patricia M. Ranum (éds.), Mémoires de Guillaume Tronson sur les troubles de Paris au commencement de l’année 1649, Paris, 2003 ; pour leurs relations avec Flamen, voir Gineste 2010, op. cit. (note 3). 6Buijs 2018, op. cit. (note 3), p. 72-75. 7Pour ces albums, voir Hans Buijs dans Daan van Heesch, Sarah Van Ooteghem et Joris Van Grieken (dir.), Bruegel and Beyond. Netherlandish Drawings in the Royal Library of Belgium, 1500-1800, [Veurne], 2022, n° 85. 8Un recueil de la Bibliothèque nationale de France, département des Estampes et de la Photographie, inv. Cc 63 (A)-4, contient les fac-similés de vingt-et-un dessins de l’album. L’affirmation de Legrand 1902, op. cit. (note 3), p. 219 et note 1, selon laquelle la série, tirée à quatre exemplaires, aurait été publiée dans la Gazette des beaux-arts « vers 1880 » semble erronée.
Originaire des Pays-Bas mais mentionné à Paris dès 1634, Albert Flamen est l’auteur d’un important œuvre gravé, qui trahit une nette prédilection pour le paysage et la topographie1. Parmi ses dessins, on retrouve pourtant peu de vues de sites existants. Les plus importants sont deux suites de vues parisiennes, d’une exécution enlevée et pourvues de larges lavis2, ainsi que l’album présenté ici, dont vingt-huit feuilles figurent des sites en Île-de-France, identifiés par les inscriptions. Réalisés avec une plume fine, parfois en deux nuances d’encre et dans un seul cas complété par un léger lavis, ces dessins se rapprochent plutôt de la manière atmosphérique de ses eaux-fortes. Plusieurs feuilles de notre album sont en rapport avec l’une de ces suites, les douze Veuës et Païsages du Chasteau de Longuetoise et des environs. Elle comprend des vues d’un petit château situé à quelques kilomètres à l’ouest d’Étampes, ainsi que de trois villages avoisinants à l’ouest : Chalo-Saint-Mars, Saint-Hilaire et Chalou-Moulineux3. L’album contient les projets pour quatre de ces estampes, dont la largeur est légèrement plus grande : la Veuë de Longuetoise du haut de la petite garenne, les vues de Chalo et de Saint-Hilaire, ainsi que la Veuë du chemin de Longuetoise à St Mars. Deux autres pages, la vue de la « bassecourt » du château et celle de la « grande rivière » (sans doute la Chalouette qui contourne le domaine), ont été gravées avec des modifications importantes, à moins que les estampes n’aient été basées sur d’autres dessins, aujourd’hui inconnus. Sur le frontispice, Flamen a dédicacé sa série au propriétaire du domaine, Antoine de Sève (?–1662), conseiller et aumônier du roi et abbé commanditaire de l’Isle (aujourd’hui Lisle-en-Barrois dans la Meuse)4. Plusieurs autres estampes suggèrent que l’artiste était très lié avec celui-ci et avec son neveu Guillaume Tronson (vers 1620–1666), tous deux, comme lui, habitants du quartier de Saint-Sulpice à Paris5. Fruit de séjours prolongés à Longuetoise, notre album contient encore dix-sept vues qui n’ont pas été gravées et que l’on peut localiser dans un cercle d’une quinzaine de kilomètres aux alentours, dont les châteaux de Mérobert et de Saint-Cyr, propriétés d’un frère et d’un neveu du châtelain. D’autres dessins montrent des sites plus éloignés, comme Torfou, au nord d’Étampes, ou les châteaux de Lézignan et de la Grange-le-Roi à plus de soixante kilomètres6. L’absence des feuilles 1 et 13, ainsi que l’insertion de trois paysages de fantaisie sans numéro, montrent que notre album ne se présente plus sous sa forme originale, semblable aux albums de modèles à dessiner de l’artiste dont plusieurs nous sont parvenus intacts7. Il n’en reste pas moins unique. Hans Buijs 1Pour les données biographiques, voir David Graham, « A context for Albert Flamen’s Devises et emblesmes d’amour moralisez », Emblematica. An interdisciplinary journal for emblem studies, vol. XIII, 2003, p. 173-211 ; Stephanie Levert, « Étrangers, mais habitués en cette ville de Paris ». Les artistes néerlandais (1550-1700) à Paris : une prosopographie, thèse de doctorat, Université d’Utrecht, 2017, vol. II, Dossier prosopographique, sous Flamen. Pour l’œuvre gravé, voir Otto Naumann (éd.), The Illustrated Bartsch, New York, 1980, vol. VI, Netherlandish artists ; Catherine Levesque, The Illustrated Bartsch, New York, 1986, vol. VI, (Commentary), Netherlandish artists ; Graham 2003, op. cit.. Selon le dernier décompte, il s’élève à 627 pièces ; voir Elenor Ling, « Vansittart’s print collection and two unrecorded etchings by Albert Flamen », Print Quarterly, vol. XXX, 2012, p. 168-172. 2Paris, musée Carnavalet – Histoire de Paris, inv. D-8365 à D-8373 ; voir Bernard de Montgolfier, « Quinze vues de Paris au XVIIe siècle », Bulletin du Musée Carnavalet, vol. X, n° 2, novembre 1957, p. 4-12 ; Stijn Alsteens et Hans Buijs, Paysages de France : dessinés par Lambert Doomer et les artistes hollandais et flamands du XVIIe siècle, cat. exp. Paris (Institut Néerlandais), Amsterdam (Museum Het Rembrandthuis), 2006-2007, p. 193. Pour la série de la Bibliothèque nationale de France (provenant de la collection Destailleur), voir ibid., p. 210, note 10. D’après Mongolfier, qui étudia seulement le premier de ces deux ensembles, certaines vues représentent un état des lieux de 1657, d’autres en revanche une situation beaucoup plus tardive, vers 1670. 3Naumann 1980, op. cit. (note 1) et Levesque 1986, ibid., nos 93 à 104. Pour cette série et les lieux qu’elle représente, voir Maxime Legrand, Étampes pittoresque. Guide du promeneur dans la ville et l’arrondissement. L’arrondissement, première partie, Étampes, 1902, p. 214-220 ; Bernard Gineste, « Albert Flamen, Longuetoise et ses environs, gravures et dessins, vers 1664 », 2010, sur le site web Le Corpus étampois ; Hans Buijs, notice de l’album présenté ici dans cat. Tableaux et dessins / Paintings and Drawings de la galerie Marty de Cambiaire, Paris, 2018, p. 70-75. Seul le logis principal de Longuetoise, profondément remanié, semble avoir traversé les siècles. 4Appartenant à une importante famille de robe, grand bibliophile, Antoine de Sève en avait sans doute hérité de son oncle Benjamin de Sève, également conseiller du roi, qui en était devenu propriétaire par décret en 1603. En 1661, un an avant la mort d’Antoine de Sève, Longuetoise passe aux mains de deux de ses neveux, Guillaume Tronson et Guillaume de Sève (1638–1696). 5Buijs 2018, op. cit. (note 3), p. 72. Pour les familles de Sève et Tronson, voir l’introduction de Orest Allen Ranum et Patricia M. Ranum (éds.), Mémoires de Guillaume Tronson sur les troubles de Paris au commencement de l’année 1649, Paris, 2003 ; pour leurs relations avec Flamen, voir Gineste 2010, op. cit. (note 3). 6Buijs 2018, op. cit. (note 3), p. 72-75. 7Pour ces albums, voir Hans Buijs dans Daan van Heesch, Sarah Van Ooteghem et Joris Van Grieken (dir.), Bruegel and Beyond. Netherlandish Drawings in the Royal Library of Belgium, 1500-1800, [Veurne], 2022, n° 85. 8Un recueil de la Bibliothèque nationale de France, département des Estampes et de la Photographie, inv. Cc 63 (A)-4, contient les fac-similés de vingt-et-un dessins de l’album. L’affirmation de Legrand 1902, op. cit. (note 3), p. 219 et note 1, selon laquelle la série, tirée à quatre exemplaires, aurait été publiée dans la Gazette des beaux-arts « vers 1880 » semble erronée.