Accueil Catalogues en ligne Un œil passionné. Douze ans d’acquisitions de Ger Luijten 70. Anonyme, d’après Arent van Bolten Zwolle vers 1573 – vers 1625 Leeuwarden Cinq cuillères Cette gravure est l’une des vingt-neuf planches éditées par Pierre Firens (1579–1638) à Paris d’après des dessins d’Arent van Bolten, représentant des modèles d’ornement, des projets pour l’orfèvrerie et des monstres grotesques1. Aucune autre édition de ces estampes ne nous est connue, ce qui confirme le rôle du Flamand Firens, installé à Paris vers octobre 1604. Leur exécution peut être datée entre ce moment et 1616, année figurant sur un album d’estampes d’ornement composé par le médecin allemand Paul Freher (1571–1625) et conservé à la Bibliothèque royale de Stockholm, où figurent dix-huit des planches d’après Bolten2. Il reste difficile de départager les différentes estampes en séries, mais le format et le double trait d’encadrement rattachent notre estampe à une suite consacrée à des modèles d’orfèvrerie : cuillères, coupes, heurtoirs et poignées de portes, etc.3 Le projet de notre estampe est conservé dans le fameux album de 425 dessins de Van Bolten portant la date de 1637 estampée en or sur le premier plat de couverture en cuir noir, provenant de la collection de Pieter Spiering van Silvercroon (vers 1594/1596–1652) et conservé au British Museum4. En sens inverse de la gravure, le projet montre que le graveur non identifié a effectué un travail soigné – le lavis bleu indiquant les ombres a été traduit par des fines lignes parallèles – mais aussi que Bolten avait dès le début destiné son dessin à la gravure en prenant soin que la lumière vienne de la gauche dans l’estampe5. Van Bolten put assimiler les grands modèles romains de l’Antiquité et de la Renaissance lors de son séjour italien, documenté pour la période 1596-1602. Plusieurs archives témoignent de son intérêt pour l’orfèvrerie6. Van Bolten regagna son pays natal en 1603, quand il épousa Brigitta Lantinck. On ne peut donc pas expliquer l’édition de ses dessins à Paris, où Firens ne s’installa qu’en 1604, par un passage dans cette ville en route vers les Pays-Bas. Naturalisé Français en septembre 1607, Firens développa ses affaires rapidement et engagea plusieurs jeunes graveurs venant d’Anvers, de l’Allemagne et de la France. Il faut sans doute chercher parmi eux le graveur des dessins de Bolten, mais il n’est pas exclu non plus que les gravures furent exécutées aux Pays-Bas et que Firens acquit les cuivres par la suite. L’ornementation des manches des cuillères présente des éléments typiques de la fin du XVIe siècle, avec l’utilisation de petits grains soulignant les contours, les parties repliées comme une serviette, ou encore le mascaron d’animal avec sa bouche ouverte tenant des grains sur sa langue. Au lieu d’aligner les cuillères en rangée uniforme, la présentation choisie par Bolten fait penser aux mouvements de danseurs de ballet. Peter Fuhring 1Sur Arent van Bolten, voir Berend Dubbe, Zwols zilver. Het Zwolse goud- en zilversmidsambacht en zijn meesters, Zwolle, 1999, p. 12-13, 186-187 ; Peter Fuhring dans Ger Luijten, Ariane van Suchtelen et Reinier Baarsen (dir.), Dawn of the Golden Age. Northern Netherlandish Art, 1580-1620, cat. exp. Amsterdam (Rijksmuseum), 1993, p. 301 et nos 65-69 (avec bibliographie). La Fondation Custodia conserve quatre autres estampes de cette série : inv. 2018-P.84(2/5). 2Voir Isak Collijn, Katalog der Ornamentstichsammlung des Magnus Gabriel De La Gardie in der Kgl. Bibliothek zu Stockholm, Stockholm et Uppsala, 1933, p. 6. 3Cette série est assez rare, voir Désiré Guilmard, Les Maîtres ornemanistes. Dessinateurs, peintres, architectes, sculpteurs et graveurs. Écoles française, italienne, allemande, et des Pays-Bas (flamande et hollandaise), Paris, 1880, vol. I, p. 45-46 (sous le nom de Pierre Firens, mais sans mention de Van Bolten) ; Peter Jessen (dir.), Königliche Museen zu Berlin. Katalog der Ornamentstich-Sammlung des Kunstgewerbe-Museums, Leipzig, 1894, n° 187 ; [Arthur Lotz], Katalog der Ornamentstichsammlung der Staatlichen Kunstbibliothek Berlin, Berlin et Leipzig, 1939, n° 238. 4Plume et encre brune, lavis bleu, sur esquisse au graphite, 152 × 199 mm, Londres, British Museum, inv. SL,5217.196 ; A. E. Popham, Catalogue of Drawings by Dutch and Flemish Artists Preserved in the Department of Prints and Drawings in the British Museum, vol. V, Dutch and Flemish drawings of the XV and XVI centuries, Londres, 1932, n° 196 ; Fuhring 1993, op. cit. (note 1), n° 65. 5Le dessin n’a en revanche pas été repassé au stylet pour transférer la composition sur le cuivre, ce qui indique qu’un autre dessin a dû être exécuté pour le faire, aujourd’hui perdu. Curieusement, trois autres dessins du volume de 1637, deux aiguières et une coupe, ont été gravés au trait au XIXe siècle, avec la précision « Date 1637 » ou « DESIGNS FOR PLATE, by Van Swol » ; Londres, Victoria and Albert Museum, inv. 29564.164 et 29564.165. 6Notamment sa mention comme « Rinaldo Swollen, orefice fiamming » dans un contrat d’orfèvrerie établi à Rome en 1596, ainsi que sa déposition comme « Rinaldo Bolden, fiammingo », dans le contexte d’une enquête policière du 18 octobre 1602 où il figure comme compagnon de l’orfèvre « Gisberto de Vian[i] fiamengo orefice », alias Gijsbert van Veen (1558–1628).
Cette gravure est l’une des vingt-neuf planches éditées par Pierre Firens (1579–1638) à Paris d’après des dessins d’Arent van Bolten, représentant des modèles d’ornement, des projets pour l’orfèvrerie et des monstres grotesques1. Aucune autre édition de ces estampes ne nous est connue, ce qui confirme le rôle du Flamand Firens, installé à Paris vers octobre 1604. Leur exécution peut être datée entre ce moment et 1616, année figurant sur un album d’estampes d’ornement composé par le médecin allemand Paul Freher (1571–1625) et conservé à la Bibliothèque royale de Stockholm, où figurent dix-huit des planches d’après Bolten2. Il reste difficile de départager les différentes estampes en séries, mais le format et le double trait d’encadrement rattachent notre estampe à une suite consacrée à des modèles d’orfèvrerie : cuillères, coupes, heurtoirs et poignées de portes, etc.3 Le projet de notre estampe est conservé dans le fameux album de 425 dessins de Van Bolten portant la date de 1637 estampée en or sur le premier plat de couverture en cuir noir, provenant de la collection de Pieter Spiering van Silvercroon (vers 1594/1596–1652) et conservé au British Museum4. En sens inverse de la gravure, le projet montre que le graveur non identifié a effectué un travail soigné – le lavis bleu indiquant les ombres a été traduit par des fines lignes parallèles – mais aussi que Bolten avait dès le début destiné son dessin à la gravure en prenant soin que la lumière vienne de la gauche dans l’estampe5. Van Bolten put assimiler les grands modèles romains de l’Antiquité et de la Renaissance lors de son séjour italien, documenté pour la période 1596-1602. Plusieurs archives témoignent de son intérêt pour l’orfèvrerie6. Van Bolten regagna son pays natal en 1603, quand il épousa Brigitta Lantinck. On ne peut donc pas expliquer l’édition de ses dessins à Paris, où Firens ne s’installa qu’en 1604, par un passage dans cette ville en route vers les Pays-Bas. Naturalisé Français en septembre 1607, Firens développa ses affaires rapidement et engagea plusieurs jeunes graveurs venant d’Anvers, de l’Allemagne et de la France. Il faut sans doute chercher parmi eux le graveur des dessins de Bolten, mais il n’est pas exclu non plus que les gravures furent exécutées aux Pays-Bas et que Firens acquit les cuivres par la suite. L’ornementation des manches des cuillères présente des éléments typiques de la fin du XVIe siècle, avec l’utilisation de petits grains soulignant les contours, les parties repliées comme une serviette, ou encore le mascaron d’animal avec sa bouche ouverte tenant des grains sur sa langue. Au lieu d’aligner les cuillères en rangée uniforme, la présentation choisie par Bolten fait penser aux mouvements de danseurs de ballet. Peter Fuhring 1Sur Arent van Bolten, voir Berend Dubbe, Zwols zilver. Het Zwolse goud- en zilversmidsambacht en zijn meesters, Zwolle, 1999, p. 12-13, 186-187 ; Peter Fuhring dans Ger Luijten, Ariane van Suchtelen et Reinier Baarsen (dir.), Dawn of the Golden Age. Northern Netherlandish Art, 1580-1620, cat. exp. Amsterdam (Rijksmuseum), 1993, p. 301 et nos 65-69 (avec bibliographie). La Fondation Custodia conserve quatre autres estampes de cette série : inv. 2018-P.84(2/5). 2Voir Isak Collijn, Katalog der Ornamentstichsammlung des Magnus Gabriel De La Gardie in der Kgl. Bibliothek zu Stockholm, Stockholm et Uppsala, 1933, p. 6. 3Cette série est assez rare, voir Désiré Guilmard, Les Maîtres ornemanistes. Dessinateurs, peintres, architectes, sculpteurs et graveurs. Écoles française, italienne, allemande, et des Pays-Bas (flamande et hollandaise), Paris, 1880, vol. I, p. 45-46 (sous le nom de Pierre Firens, mais sans mention de Van Bolten) ; Peter Jessen (dir.), Königliche Museen zu Berlin. Katalog der Ornamentstich-Sammlung des Kunstgewerbe-Museums, Leipzig, 1894, n° 187 ; [Arthur Lotz], Katalog der Ornamentstichsammlung der Staatlichen Kunstbibliothek Berlin, Berlin et Leipzig, 1939, n° 238. 4Plume et encre brune, lavis bleu, sur esquisse au graphite, 152 × 199 mm, Londres, British Museum, inv. SL,5217.196 ; A. E. Popham, Catalogue of Drawings by Dutch and Flemish Artists Preserved in the Department of Prints and Drawings in the British Museum, vol. V, Dutch and Flemish drawings of the XV and XVI centuries, Londres, 1932, n° 196 ; Fuhring 1993, op. cit. (note 1), n° 65. 5Le dessin n’a en revanche pas été repassé au stylet pour transférer la composition sur le cuivre, ce qui indique qu’un autre dessin a dû être exécuté pour le faire, aujourd’hui perdu. Curieusement, trois autres dessins du volume de 1637, deux aiguières et une coupe, ont été gravés au trait au XIXe siècle, avec la précision « Date 1637 » ou « DESIGNS FOR PLATE, by Van Swol » ; Londres, Victoria and Albert Museum, inv. 29564.164 et 29564.165. 6Notamment sa mention comme « Rinaldo Swollen, orefice fiamming » dans un contrat d’orfèvrerie établi à Rome en 1596, ainsi que sa déposition comme « Rinaldo Bolden, fiammingo », dans le contexte d’une enquête policière du 18 octobre 1602 où il figure comme compagnon de l’orfèvre « Gisberto de Vian[i] fiamengo orefice », alias Gijsbert van Veen (1558–1628).