75. Franz Anton Maulbertsch

Langenargen 1724 – 1796 Vienne

Le Montreur d’images (Der Guckkastenmann), 1785

Telle une pièce de théâtre, la scène s’ouvre sur une cour intérieure ; en son milieu est placée une « boîte curieuse » (Guckkast en allemand). Il s’agissait d’un divertissement populaire proposé par des forains itinérants : une boîte en bois percée de trous ronds équipés de verres ou de lentilles, à travers lesquels on pouvait regarder des images se défiler. Le forain, surnommé en Allemand le Guckkastenmann (c’est-à-dire le montreur d’images), est en train d’actionner un levier avec lequel il peut manipuler le mouvement des images. Un enfant curieux se dresse sur la pointe des pieds pour jeter un coup d’œil à l’intérieur. Ce qu’il aperçoit nous est dévoilé par le forain : un petit arlequin portant un nourrisson dans ses bras. Sur la boîte curieuse est installé un singe qui semble susciter l’intérêt des enfants.

Si le Guckkastenmann et son singe occupent une place prépondérante dans la composition, différentes scènes se déploient autour d’eux. Un joueur de cornemuse accompagne le spectacle de son instrument. Au premier plan, deux garçons sont engagés dans une bagarre ; à droite, un couple s’embrasse.

Le Guckkastenann a pour pendant le Charlatan (Der Quacksalber), réalisé également par Maulbertsch en 17851. Ces deux compositions comptent parmi les rares exemples de scènes de genre dans le corpus artistique de Maulbertsch, qui était principalement un peintre d’histoire. Les scènes de genre suscitèrent un intérêt croissant à la fin du XVIIIe siècle. Les artistes commencèrent à réinterpréter les œuvres d’artistes néerlandais comme Adriaen van Ostade (1610–1685) ou David Teniers le Jeune (1610–1690) et italiens plus contemporains comme Giambattista Tiepolo (1696–1770), en y incorporant des scènes de la Commedia dell’arte2.

La scène illustrée dans notre estampe est liée à deux tableaux que Maulbertsch a dû exécuter à la même époque. Une grisaille conservée au Germanisches Nationalmuseum de Nuremberg montre la scène centrale, mais est par ailleurs beaucoup moins densément peuplée3. Une esquisse plus élaborée, à la Staatsgalerie de Stuttgart, présente une composition correspondant à l’estampe4. Bien que la toile et l’estampe aient presque les mêmes dimensions, de subtiles variations dans la composition laissent penser qu’il est peu probable qu’elle ait servi de modèle à celle-ci5.

Nora Belmadani

1Christiane Lemmens, Studien zur Bildgenese im Oeuvre des Franz Anton Maulbertsch (1724-1796) : Zeichnung, Ölskizze, Ausführung (Studien zur Kunstgeschichte 2), Bonn, 1996, p. 151-154  ; Amsterdam, Rijksmuseum, inv.RP-P-1889-A-14847.

2Lemmens 1996, op. cit. (note 1), p. 151-154  ; Franz Martin Haberditzl, Franz Anton Maulbertsch 1724-1796, Vienne, 2006, p. 315-324.

3Der Guckkastenmann, vers 1785, huile sur toile, 39,3 × 42,7 cm, Nuremberg, Germanisches Nationalmuseum, inv. Gm1164.

4Der Guckkastenmann, vers 1785, huile sur toile, 34,4 × 39,6 cm, Stuttgart, Staatsgalerie, inv. 2593.

5L’estampe du Charlatan est également liée à un tableau, bien que, contrairement aux esquisses qui peuvent être associées au Guckkastenmann, ce tableau présente un caractère achevé. Il est conservé à Augsbourg, Städtische Kunstsammlungen, huile sur bois, 53 × 56 cm  ; inv. 12083. À la différence du Guckkastenmann, l’estampe du Charlatan est en sens inverse par rapport à l’image du tableau.