Accueil Catalogues en ligne Un œil passionné. Douze ans d’acquisitions de Ger Luijten 77. Bernardo Bellotto Venise 1722 – 1780 Varsovie Le Bastion de Saturne à Dresde avec la Porte de Wilsdruff, le pavillon de la bibliothèque et le grand théâtre, 1750 Formé par son oncle, le peintre Giovanni Antonio Canal dit Canaletto (1697–1768), le jeune Bellotto s’inscrivit à l’âge de 17 ans dans la corporation des peintres de Venise. Il travailla ensuite à Dresde, à Florence, à Vienne sur invitation de l’impératrice Marie-Thérèse, et à Varsovie, sollicité par le roi Stanislas Poniatowski. Vers la fin de l’année 1746, Bellotto fut invité par l’électeur Friedrich August II de Saxe (roi de Pologne sous le nom d’Auguste III) et s’installa à Dresde en juillet 1747 ; l’année suivante, il fut nommé peintre de la cour. Il exécuta pour le roi une série de quatorze grandes toiles présentant des vues de la capitale, avec une attention particulière pour les bâtiments construits par le monarque et son ministre Heinrich von Brühl (1700–1763). Celles-ci servirent ensuite de modèles pour des gravures montrant les vues dans le même sens, exécutées entre 1747 et 1752, avec une dernière en 1766. Le tableau sur lequel est basé notre estampe fut remis par le peintre en février 17511 ; une seconde version pour le comte de Brühl, vendue par les héritiers de celui-ci à l’impératrice Catherine II, se trouve au musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg2. La gravure, datée de l’année précédente, offre la vue du sud-ouest des anciens fortifications de la ville de Dresde. Sur le premier plan à droite, on voit le bastion de Saturne ; au milieu, le pont qui conduit à la Porte de Wilsdruff. La rue à l’avant-plan est l’actuelle Zwingerstrasse où deux nobles regardent l’obélisque servant de borne routière. Au-dessus des remparts, on aperçoit des bâtiments récents dont la bibliothèque royale et le théâtre de l’opéra. Dans le second état de la planche, le nom « Porte d’Italie » fut remplacé dans la légende par « Porte dte Wilsche:Thor », c’est-à-dire la Porte de Wilsdruff3. En 1758, la gravure a eu un pendant, offrant une vue latérale du Zwinger et montrant porte et pont vus de l’autre côté4. La manière de Bellotto de rendre les ciels et l’eau en utilisant des lignes horizontales laissant traverser la lumière avait déjà été mise en pratique par son oncle Antonio Canaletto et fut reprise par d’autres graveurs vénitiens5. Cette approche trouva très vite ses admirateurs, la seule exception étant probablement Pierre Jean Mariette : « On les croiroit gravées par Antoine Canal même, tant elles sont ressemblantes par la touche à ce qui a été gravé à Venise par ce dernier. C’est la même fermeté de pointe. On y trouve de même à redire trop d’égalité dans la touche et des dégradations de lumière pas assez sensibles.6 » Peter Fuhring 1Huile sur toile, 132 × 236 cm, Dresde, Gemäldegalerie, inv. 611. Voir Bernardo Bellotto. Le vedute di Dresda. Dipinti e incisioni dai musei di Dresda, cat. exp. Venise (Fondazione Giorgio Cini), 1986, n° 5. 2Saint-Pétersbourg, musée d’État de l’Ermitage, inv. ГЭ-207. Voir Stefan Kozakiewicz, Bernardo Bellotto genannt Canaletto, Recklinghausen, 1972, vol. II, n° 162. 3Dario Succi, Bernardo Bellotto, il Canaletto delle corti europee, Vérone, 2011, n° 51 ; Dario Succi, La Serenissima nello specchio di rame. Splendore di una civiltà figurativa del Settecento. L’opera completa dei grandi maestri veneti, Crocetto del Montello, 2013, vol. II, n° 16 (II/II). 4« Vüe laterale des Galleries du Zwinger avec le Pont, qui dégage vers l’Allée d’Ostra et vers la Porte de Wilsdruff ; prise d’une des Serres de l’Orangerie Roiale » ; Succi 2013, op. cit. (note 3), vol. I, n° 21. 5Dans son ouvrage sur la gravure vénitienne, Dario Succi intitule justement la section des gravures de Ricci, Visentini, Marieschi, Canaletto, Bellotto et Piranesi « La conquista della luce », dans La Serenissima nello specchio di rame. Splendore di una civiltà figurativa del Settecento. L’opera completa dei grandi maestri veneti, Crocetto del Montello, 2013, vol. I. 6Charles-Philippe de Chennevières et Anatole de Montaiglon (dir.), Abecedario de P. J. Mariette et autres notes inédites de cet amateur sur les arts et les artistes, Paris, 1854, vol. I, p. 115.
Formé par son oncle, le peintre Giovanni Antonio Canal dit Canaletto (1697–1768), le jeune Bellotto s’inscrivit à l’âge de 17 ans dans la corporation des peintres de Venise. Il travailla ensuite à Dresde, à Florence, à Vienne sur invitation de l’impératrice Marie-Thérèse, et à Varsovie, sollicité par le roi Stanislas Poniatowski. Vers la fin de l’année 1746, Bellotto fut invité par l’électeur Friedrich August II de Saxe (roi de Pologne sous le nom d’Auguste III) et s’installa à Dresde en juillet 1747 ; l’année suivante, il fut nommé peintre de la cour. Il exécuta pour le roi une série de quatorze grandes toiles présentant des vues de la capitale, avec une attention particulière pour les bâtiments construits par le monarque et son ministre Heinrich von Brühl (1700–1763). Celles-ci servirent ensuite de modèles pour des gravures montrant les vues dans le même sens, exécutées entre 1747 et 1752, avec une dernière en 1766. Le tableau sur lequel est basé notre estampe fut remis par le peintre en février 17511 ; une seconde version pour le comte de Brühl, vendue par les héritiers de celui-ci à l’impératrice Catherine II, se trouve au musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg2. La gravure, datée de l’année précédente, offre la vue du sud-ouest des anciens fortifications de la ville de Dresde. Sur le premier plan à droite, on voit le bastion de Saturne ; au milieu, le pont qui conduit à la Porte de Wilsdruff. La rue à l’avant-plan est l’actuelle Zwingerstrasse où deux nobles regardent l’obélisque servant de borne routière. Au-dessus des remparts, on aperçoit des bâtiments récents dont la bibliothèque royale et le théâtre de l’opéra. Dans le second état de la planche, le nom « Porte d’Italie » fut remplacé dans la légende par « Porte dte Wilsche:Thor », c’est-à-dire la Porte de Wilsdruff3. En 1758, la gravure a eu un pendant, offrant une vue latérale du Zwinger et montrant porte et pont vus de l’autre côté4. La manière de Bellotto de rendre les ciels et l’eau en utilisant des lignes horizontales laissant traverser la lumière avait déjà été mise en pratique par son oncle Antonio Canaletto et fut reprise par d’autres graveurs vénitiens5. Cette approche trouva très vite ses admirateurs, la seule exception étant probablement Pierre Jean Mariette : « On les croiroit gravées par Antoine Canal même, tant elles sont ressemblantes par la touche à ce qui a été gravé à Venise par ce dernier. C’est la même fermeté de pointe. On y trouve de même à redire trop d’égalité dans la touche et des dégradations de lumière pas assez sensibles.6 » Peter Fuhring 1Huile sur toile, 132 × 236 cm, Dresde, Gemäldegalerie, inv. 611. Voir Bernardo Bellotto. Le vedute di Dresda. Dipinti e incisioni dai musei di Dresda, cat. exp. Venise (Fondazione Giorgio Cini), 1986, n° 5. 2Saint-Pétersbourg, musée d’État de l’Ermitage, inv. ГЭ-207. Voir Stefan Kozakiewicz, Bernardo Bellotto genannt Canaletto, Recklinghausen, 1972, vol. II, n° 162. 3Dario Succi, Bernardo Bellotto, il Canaletto delle corti europee, Vérone, 2011, n° 51 ; Dario Succi, La Serenissima nello specchio di rame. Splendore di una civiltà figurativa del Settecento. L’opera completa dei grandi maestri veneti, Crocetto del Montello, 2013, vol. II, n° 16 (II/II). 4« Vüe laterale des Galleries du Zwinger avec le Pont, qui dégage vers l’Allée d’Ostra et vers la Porte de Wilsdruff ; prise d’une des Serres de l’Orangerie Roiale » ; Succi 2013, op. cit. (note 3), vol. I, n° 21. 5Dans son ouvrage sur la gravure vénitienne, Dario Succi intitule justement la section des gravures de Ricci, Visentini, Marieschi, Canaletto, Bellotto et Piranesi « La conquista della luce », dans La Serenissima nello specchio di rame. Splendore di una civiltà figurativa del Settecento. L’opera completa dei grandi maestri veneti, Crocetto del Montello, 2013, vol. I. 6Charles-Philippe de Chennevières et Anatole de Montaiglon (dir.), Abecedario de P. J. Mariette et autres notes inédites de cet amateur sur les arts et les artistes, Paris, 1854, vol. I, p. 115.