Accueil Catalogues en ligne Un œil passionné. Douze ans d’acquisitions de Ger Luijten 80. Lorenz Frølich Copenhague 1820 – 1908 Hellerup Portrait d’une jeune femme, 1840 Ce fascinant portrait témoigne de la remarquable habilité du jeune Lorenz Frølich, qui n’avait à l’époque que dix-neuf ans. Un jeu mesuré de contrastes – entre la délicatesse de la facture et du modelé du visage et les traits beaucoup plus libres du cou et des épaules, mais aussi l’alternance rythmique entre la clarté de la peau et du foulard et les parties sombres des yeux, des cheveux, de la robe et de l’arrière-plan – conduit le regard du spectateur vers celui, doux et mélancolique, de la jeune femme. Ce n’est pas un croquis rapide, mais une œuvre pour laquelle le peintre s’est donné de la peine. Frølich apprit le dessin avec Martinus Rørbye (1803–1848) à partir de 1833, et suivit ensuite des cours de peinture avec Christen Købke (1810–1848) et Christoffer Wilhelm Eckersberg (1783–1853). En octobre 1840, le jeune artiste quitta son pays, pour ne revenir au Danemark qu’en 1875, après des séjours d’études à Munich, Dresde et Rome et avoir résidé plus de vingt ans à Paris1. En avril 1840, cependant, Frølich était encore chez lui à Copenhague. Johan Thomas Lundbye (1818–1848), l’un de ses proches amis, réalisa pendant cette période plusieurs portraits de lui, dont l’un fut justement exécuté à Copenhague en avril 18402. À cette époque, les deux artistes choisissaient essentiellement leurs modèles parmi leur cercle rapproché. Le 2 mai de la même année, Lundbye dessina un portrait de Wilhelmine (1817–1852)3, sœur cadette de Frølich. Celle-ci vivait encore chez ses parents avec ses deux frères au Store Kongensgade 81, contrairement aux deux sœurs aînées qui avaient déjà quitté le foyer parental4. Dans ce portrait de Lundbye, Wilhelmine porte ses cheveux en mèches bouclées attachées par des épingles de chaque côté de la tête, tout comme la dame de notre dessin de Frølich. La forme du visage présente également des similitudes, ainsi que les vêtements : dans les deux œuvres, le modèle est vêtu d’une robe sombre avec sur les épaules un foulard clair à la bordure en dentelle ou brodée, maintenu au milieu par une épingle. Bien que la preuve concluante reste à trouver, il n’est pas inimaginable que Frølich ait représenté ici sa sœur, comme le fera Lundbye peu de temps après. Le dessin est venu rejoindre l’ensemble déjà considérable d’œuvres de Frølich rassemblé par Carlos van Hasselt, directeur de la Fondation Custodia de 1970 à 1994. En tant qu’œuvre de jeunesse, attestant des compétences et de la sensibilité du jeune artiste avant son départ à l’étranger, ce dessin est un ajout précieux à la collection. Eveline Deneer 1À l’automne 1840, Frølich s’installa à Munich, où il étudia entre autres avec Wilhelm van Kaulbach, avant d’intégrer l’atelier d’Eduard Bendemann à Dresde entre 1843 et 1846. Après un voyage à Rome, l’artiste poursuivit ses études dans l’atelier de Thomas Couture à Paris (1852-1853) et demeura dans la capitale française jusqu’à son retour au Danemark en 1875. Voir Jens Peter Munk, « Frølich, Lorenz », dans Andreas Beyer, Bénédicte Savoy et Wolf Tegethoff (dir.), Allgemeines Künstlerlexikon - Internationale Künstlerdatenbank - Online, Berlin et New York, 2021. 2Copenhague, Hirschsprungske Samling, inv. 1153 r. Pour l’identification du modèle comme étant Lorenz Frølich, voir Jens Peter Munk, « Portrætter », dans Marianne Saabye (dir.), Tegninger & Huletanker. Johan Thomas Lundbye 1818 – 1848, cat. exp. Copenhague (Hirschsprungske Samling), 1998, p. 145-146, n° 42. 3Copenhague, Hirschsprungske Samling, inv. 1155 r. Voir ibid., p. 149, n° 45. 4C’est ce que nous apprend le recensement de la ville de Copenhague de février 1840, vol. XVI, Sankt Annae Vester kvarter I, p. 161 (consultable en ligne sur le site des Archives nationales du Danemark. Wilhelmine quitta le foyer familial en 1841 lors de son mariage avec le politicien Fritz Brun (1813–1888).
Ce fascinant portrait témoigne de la remarquable habilité du jeune Lorenz Frølich, qui n’avait à l’époque que dix-neuf ans. Un jeu mesuré de contrastes – entre la délicatesse de la facture et du modelé du visage et les traits beaucoup plus libres du cou et des épaules, mais aussi l’alternance rythmique entre la clarté de la peau et du foulard et les parties sombres des yeux, des cheveux, de la robe et de l’arrière-plan – conduit le regard du spectateur vers celui, doux et mélancolique, de la jeune femme. Ce n’est pas un croquis rapide, mais une œuvre pour laquelle le peintre s’est donné de la peine. Frølich apprit le dessin avec Martinus Rørbye (1803–1848) à partir de 1833, et suivit ensuite des cours de peinture avec Christen Købke (1810–1848) et Christoffer Wilhelm Eckersberg (1783–1853). En octobre 1840, le jeune artiste quitta son pays, pour ne revenir au Danemark qu’en 1875, après des séjours d’études à Munich, Dresde et Rome et avoir résidé plus de vingt ans à Paris1. En avril 1840, cependant, Frølich était encore chez lui à Copenhague. Johan Thomas Lundbye (1818–1848), l’un de ses proches amis, réalisa pendant cette période plusieurs portraits de lui, dont l’un fut justement exécuté à Copenhague en avril 18402. À cette époque, les deux artistes choisissaient essentiellement leurs modèles parmi leur cercle rapproché. Le 2 mai de la même année, Lundbye dessina un portrait de Wilhelmine (1817–1852)3, sœur cadette de Frølich. Celle-ci vivait encore chez ses parents avec ses deux frères au Store Kongensgade 81, contrairement aux deux sœurs aînées qui avaient déjà quitté le foyer parental4. Dans ce portrait de Lundbye, Wilhelmine porte ses cheveux en mèches bouclées attachées par des épingles de chaque côté de la tête, tout comme la dame de notre dessin de Frølich. La forme du visage présente également des similitudes, ainsi que les vêtements : dans les deux œuvres, le modèle est vêtu d’une robe sombre avec sur les épaules un foulard clair à la bordure en dentelle ou brodée, maintenu au milieu par une épingle. Bien que la preuve concluante reste à trouver, il n’est pas inimaginable que Frølich ait représenté ici sa sœur, comme le fera Lundbye peu de temps après. Le dessin est venu rejoindre l’ensemble déjà considérable d’œuvres de Frølich rassemblé par Carlos van Hasselt, directeur de la Fondation Custodia de 1970 à 1994. En tant qu’œuvre de jeunesse, attestant des compétences et de la sensibilité du jeune artiste avant son départ à l’étranger, ce dessin est un ajout précieux à la collection. Eveline Deneer 1À l’automne 1840, Frølich s’installa à Munich, où il étudia entre autres avec Wilhelm van Kaulbach, avant d’intégrer l’atelier d’Eduard Bendemann à Dresde entre 1843 et 1846. Après un voyage à Rome, l’artiste poursuivit ses études dans l’atelier de Thomas Couture à Paris (1852-1853) et demeura dans la capitale française jusqu’à son retour au Danemark en 1875. Voir Jens Peter Munk, « Frølich, Lorenz », dans Andreas Beyer, Bénédicte Savoy et Wolf Tegethoff (dir.), Allgemeines Künstlerlexikon - Internationale Künstlerdatenbank - Online, Berlin et New York, 2021. 2Copenhague, Hirschsprungske Samling, inv. 1153 r. Pour l’identification du modèle comme étant Lorenz Frølich, voir Jens Peter Munk, « Portrætter », dans Marianne Saabye (dir.), Tegninger & Huletanker. Johan Thomas Lundbye 1818 – 1848, cat. exp. Copenhague (Hirschsprungske Samling), 1998, p. 145-146, n° 42. 3Copenhague, Hirschsprungske Samling, inv. 1155 r. Voir ibid., p. 149, n° 45. 4C’est ce que nous apprend le recensement de la ville de Copenhague de février 1840, vol. XVI, Sankt Annae Vester kvarter I, p. 161 (consultable en ligne sur le site des Archives nationales du Danemark. Wilhelmine quitta le foyer familial en 1841 lors de son mariage avec le politicien Fritz Brun (1813–1888).