Accueil Catalogues en ligne Un œil passionné. Douze ans d’acquisitions de Ger Luijten 85. Paul Huet (Paris 1803 – 1869 Paris) Ruines du château d’Arques-la-Bataille « Que ceux qui aiment le beau, le vrai, le naturel en peinture, aillent au Diorama Montesquieu ; que ceux qui voudraient connaître les sites les plus pittoresques de la Normandie sans sortir de Paris aillent au Diorama Montesquieu ; en un mot que tout ce qui a le goût des beaux-arts visite cette belle exposition1 ». L’enthousiasme était de mise en 1829 lorsque le nouveau Diorama dans les galeries du grand bazar Montesquieu ouvrit ses portes2. Le spectateur suivait un chemin obscur pour découvrir des peintures éclairées par une lumière vive. Paul Huet était l’auteur de deux des quatre tableaux présentés3 : aux côtés de la Vue générale de la ville de Rouen se tenait la Vue panoramique de la ville et du château d’Arques, « de quarante pieds de développement4 ». Philippe Burty (1830–1890), l’un des biographes du chef de file de l’école romantique du paysage, nous apprend que l’entrepreneur fit faillite et que la vue panoramique fut saisie par les créanciers, avant de disparaître lors de l’incendie du théâtre de la Gaîté en 18355. De cette œuvre, il nous reste une description élogieuse de l’écrivain Charles Augustin Sainte-Beuve (1804–1869)6 et quelques études préparatoires réalisées dans les années 1824-1829 dans la vallée où Henri IV remporta une célèbre bataille7. Comme les peintres de la nouvelle génération, Paul Huet avait admiré les paysagistes anglais présentés au Salon de 1824 et avait transformé sa manière de faire. C’est de cette époque de recherche vers plus de vérité et de naturel que date cette aquarelle. Au premier regard, on ressent ce vaste espace, avec ses riches terres arables qui donnent une couleur aux verts prés. Sur la gauche, on distingue la rivière qui sinue dans la plaine, puis la ligne d’horizon qui laisse une petite place à la mer. On devine la masse d’air poussant le vent vers le relief et, devenant nuages, formant un écran blanc aux ruines du château sur la plus haute colline. La lumière est partout, diffuse et légère. Le souvenir de la vue panoramique devait être encore vif, comme celui que provoque cette aquarelle, car quelques années plus tard le ministère de l’Intérieur commanda à Paul Huet une Vue de la vallée et du château d’Arques8, qui fut achevée en 1839 et présentée au Salon de 18409, avec succès10. Ger Luijten appréciait particulièrement l’œuvre de Paul Huet. Sous son directorat, neuf aquarelles, trois huiles et cinq estampes de l’artiste sont entrées dans les collections de la Fondation Custodia ; mêlant grandeur et poésie, elles illustrent toutes parfaitement les mots de Théophile Thoré (1807–1869)11. Laurence Lhinares 1Revue des deux Mondes, « Mélanges », vol. III, juillet 1830, p. 277-279. 2L’entrée se faisait par le bazar Montesquieu ou par la rue Croix-des-Petits-Champs, n° 23. 3Les deux autres étaient des œuvres de A. Colin et de P. Martin. 4Selon Philippe Burty, Paul Huet. Notice biographique et critique, Paris, 1869, p. 13-14. Cette mesure correspond à un peu plus de 12 mètres. 5Burty 1869, op. cit. (note 4), p. 14. 6Lire l’article de Sainte-Beuve paru dans Le Globe du 23 octobre 1830, p. 984, partiellement reproduit dans ibid. 7Pierre Miquel, dans une note p. 66 de son Paul Huet. De l’aube romantique à l’aube impressionniste, Paris, 1962, indique : « les études du château d’Arques sont disséminées dans différentes collections. Dans l’une, existe une remarquable aquarelle : les lointains sont admirablement indiqués, les valeurs des terrains et du ciel, d’une justesse et d’une finesse étonnantes. Précise sans minutie, c’est une œuvre achevée ». Serait-ce l’œuvre présentée ici ? 8Vers 1838-1839, huile sur toile, 114 × 165 cm, Orléans, musée des Beaux-Arts, inv. 514. 9Salon de 1840, n° 864. 10Lire par exemple l’article de Jules Janin dans L’Artiste, « Le Salon de 1840. Sixième article », p. 258. Une estampe d’après la composition de Paul Huet fut réalisée par Lepetit (Henri Béraldi, Les Graveurs du XIXe siècle. Guide de l’amateur d’estampes modernes, vol. VIII, Paris, 1889, p. 136 ; reproduction dans les boîtes de documentation du département des Peintures du musée du Louvre). 11« M. Paul Huet a souvent rencontré la grandeur et la poésie » ; Théophile Thoré, Le Salon de 1845 précédé d’une lettre à Béranger, Paris, 1845, p. 148.
« Que ceux qui aiment le beau, le vrai, le naturel en peinture, aillent au Diorama Montesquieu ; que ceux qui voudraient connaître les sites les plus pittoresques de la Normandie sans sortir de Paris aillent au Diorama Montesquieu ; en un mot que tout ce qui a le goût des beaux-arts visite cette belle exposition1 ». L’enthousiasme était de mise en 1829 lorsque le nouveau Diorama dans les galeries du grand bazar Montesquieu ouvrit ses portes2. Le spectateur suivait un chemin obscur pour découvrir des peintures éclairées par une lumière vive. Paul Huet était l’auteur de deux des quatre tableaux présentés3 : aux côtés de la Vue générale de la ville de Rouen se tenait la Vue panoramique de la ville et du château d’Arques, « de quarante pieds de développement4 ». Philippe Burty (1830–1890), l’un des biographes du chef de file de l’école romantique du paysage, nous apprend que l’entrepreneur fit faillite et que la vue panoramique fut saisie par les créanciers, avant de disparaître lors de l’incendie du théâtre de la Gaîté en 18355. De cette œuvre, il nous reste une description élogieuse de l’écrivain Charles Augustin Sainte-Beuve (1804–1869)6 et quelques études préparatoires réalisées dans les années 1824-1829 dans la vallée où Henri IV remporta une célèbre bataille7. Comme les peintres de la nouvelle génération, Paul Huet avait admiré les paysagistes anglais présentés au Salon de 1824 et avait transformé sa manière de faire. C’est de cette époque de recherche vers plus de vérité et de naturel que date cette aquarelle. Au premier regard, on ressent ce vaste espace, avec ses riches terres arables qui donnent une couleur aux verts prés. Sur la gauche, on distingue la rivière qui sinue dans la plaine, puis la ligne d’horizon qui laisse une petite place à la mer. On devine la masse d’air poussant le vent vers le relief et, devenant nuages, formant un écran blanc aux ruines du château sur la plus haute colline. La lumière est partout, diffuse et légère. Le souvenir de la vue panoramique devait être encore vif, comme celui que provoque cette aquarelle, car quelques années plus tard le ministère de l’Intérieur commanda à Paul Huet une Vue de la vallée et du château d’Arques8, qui fut achevée en 1839 et présentée au Salon de 18409, avec succès10. Ger Luijten appréciait particulièrement l’œuvre de Paul Huet. Sous son directorat, neuf aquarelles, trois huiles et cinq estampes de l’artiste sont entrées dans les collections de la Fondation Custodia ; mêlant grandeur et poésie, elles illustrent toutes parfaitement les mots de Théophile Thoré (1807–1869)11. Laurence Lhinares 1Revue des deux Mondes, « Mélanges », vol. III, juillet 1830, p. 277-279. 2L’entrée se faisait par le bazar Montesquieu ou par la rue Croix-des-Petits-Champs, n° 23. 3Les deux autres étaient des œuvres de A. Colin et de P. Martin. 4Selon Philippe Burty, Paul Huet. Notice biographique et critique, Paris, 1869, p. 13-14. Cette mesure correspond à un peu plus de 12 mètres. 5Burty 1869, op. cit. (note 4), p. 14. 6Lire l’article de Sainte-Beuve paru dans Le Globe du 23 octobre 1830, p. 984, partiellement reproduit dans ibid. 7Pierre Miquel, dans une note p. 66 de son Paul Huet. De l’aube romantique à l’aube impressionniste, Paris, 1962, indique : « les études du château d’Arques sont disséminées dans différentes collections. Dans l’une, existe une remarquable aquarelle : les lointains sont admirablement indiqués, les valeurs des terrains et du ciel, d’une justesse et d’une finesse étonnantes. Précise sans minutie, c’est une œuvre achevée ». Serait-ce l’œuvre présentée ici ? 8Vers 1838-1839, huile sur toile, 114 × 165 cm, Orléans, musée des Beaux-Arts, inv. 514. 9Salon de 1840, n° 864. 10Lire par exemple l’article de Jules Janin dans L’Artiste, « Le Salon de 1840. Sixième article », p. 258. Une estampe d’après la composition de Paul Huet fut réalisée par Lepetit (Henri Béraldi, Les Graveurs du XIXe siècle. Guide de l’amateur d’estampes modernes, vol. VIII, Paris, 1889, p. 136 ; reproduction dans les boîtes de documentation du département des Peintures du musée du Louvre). 11« M. Paul Huet a souvent rencontré la grandeur et la poésie » ; Théophile Thoré, Le Salon de 1845 précédé d’une lettre à Béranger, Paris, 1845, p. 148.