Accueil Catalogues en ligne Art sur papier. Acquisitions récentes 87. Anonyme (École française, XIXe siècle) Une épeire diadème (« Araneus diadematus ») sur sa toile Frits Lugt possédait un goût particulier pour les représentations naturalistes de plantes et de petits animaux, dont les artistes hollandais du Siècle d’or, notamment Jacques de Gheyn le Jeune (1565-1629), s’étaient fait une spécialité. Cet héritage transparaît, à deux siècles de distance, dans cette aquarelle, dont l’auteur reste à ce jour anonyme. L’artiste, excellent naturaliste, représente une épeire diadème femelle1, reconnaissable aux motifs ondulés et cruciformes qui ornent le dessus de son abdomen. Il la dessine à taille réelle ou très légèrement grossie2, dans un format circulaire évoquant le verre d’une loupe, qui produit un effet de trompe-l’œil séduisant. Le pinceau décrit avec précision les variations de couleurs et de textures sur le corps de l’animal, ainsi que l’articulation expressive des pattes. L’araignée est par ailleurs dépeinte en train de tisser sa toile, étirant avec l’une de ses pattes postérieures un fil de soie produit à la base de son abdomen. Avec leur géométrie en spirale, construite sur une trame formée de rayons, les toiles des épeires diadèmes sont en effet caractéristiques de cette espèce. Le dessinateur en détaille les fils par un fin tracé à la plume et à l’encre grise, à la règle, qui restitue la légèreté diaphane de cet édifice, patiemment reconstruit tous les jours par l’araignée. Cette aquarelle, qui s’inscrit donc dans une tradition picturale ancienne3, et dont la rigueur descriptive hérite des travaux de Carl von Linné (1707-1778), acquiert la dimension d’un véritable objet de curiosité, à mi-chemin entre art et science. Au XIXe siècle, alors que les pratiques scientifiques s’institutionalisent et que la science s’expose notamment dans les muséums, de telles représentations étaient collectionnées dans la sphère privée, pour leur attrait esthétique plutôt que didactique4. Avec son cadre élégant façon ébène, elle a sans doute trouvé une place de choix dans un cabinet d’amateur. Notre étude naturaliste vient étoffer le fonds déjà très riche que détient la Fondation Custodia, et qui compte entre autres une série de vingt-deux dessins5 de Jacques de Gheyn le Jeune, représentant des fleurs, insectes et autres animaux, un remarquable portfolio de dessins de tulipes, coquillages et insectes par Balthasar van der Ast (1593/94-1657)6, ainsi qu’un album de dessins d’oiseaux par Aert Schouman (1710-1792)7. MNG 1L’artiste hollandais, Jan Augustin van der Goes (actif 1694-1697) avait déjà représenté ce même spécimen, Araignée, vers 1690-1700, Amsterdam, Rijksmuseum, inv. RP-T-1884-A-330F (aquarelle et gouache sur parchemin ; 41 × 51 mm) ; https://www.rijksmuseum.nl/nl/zoeken. 2Les femelles de cette espèce peuvent mesurer jusqu’à 22,5 mm de longueur. 3Le premier exemple d’étude autonome d’un insecte étant le Lucane cerf-volant d’Albrecht Dürer, 1505, Los Angeles, The J. Paul Getty Museum, inv. 83.GC.214 (aquarelle et gouache ; 141 × 114 mm) ; Janice Neri, The Insect and the Image. Visualizing Nature in Early-Modern Europe, 1500-1700, Minneapolis et Londres, 2011, p. XI-XII ; http://www.getty.edu/art/collection. 4Ibid., p. 189-190. 5Tempera, aquarelle et gouache sur vélin, vers 1604 ; dessins ayant appartenu à Rodolphe II de Prague, reliés en album au XIXe siècle (dimensions de la reliure : 234 × 182 mm), acquis par Frits Lugt en 1939, inv. 5655A-V ; Karel G. Boon, The Netherlandish and German drawings of the XVth and XVIth centuries of the Frits Lugt collection, Paris et Zwolle, 1992, n° 80, pl. 162-183. 6Soixante et onze dessins à l’aquarelle, gouache et tempera, réunis dans un portfolio (parchemin ; 315 × 203 mm), acquis par Frits Lugt en 1918, inv. 6534(1-71) ; Sarvenaz Ayooghi, Sylvia Böhmer et Timo Trümper, Die Stillleben des Balthasar van der Ast, cat. exp., Aix-la-Chapelle, Suermondt-Ludwig-Museum, et Gotha, Herzogliches Museum, 2016, cat. n° 40 a-k. 7Deux cent dix-huit dessins à l’aquarelle et à la gouache, initialement collés dans le « Vogelalbum » (relié au XVIIIe siècle), acquis par Frits Lugt en 1923, inv. 1407 ; Charles Dumas (éd.), Een koninklijk paradijs, cat. exp., Dordrecht, Dordrechts Museum, 2017, cat. nos 53, 65, 66, 68, 86, 87, 88, 89.
Frits Lugt possédait un goût particulier pour les représentations naturalistes de plantes et de petits animaux, dont les artistes hollandais du Siècle d’or, notamment Jacques de Gheyn le Jeune (1565-1629), s’étaient fait une spécialité. Cet héritage transparaît, à deux siècles de distance, dans cette aquarelle, dont l’auteur reste à ce jour anonyme. L’artiste, excellent naturaliste, représente une épeire diadème femelle1, reconnaissable aux motifs ondulés et cruciformes qui ornent le dessus de son abdomen. Il la dessine à taille réelle ou très légèrement grossie2, dans un format circulaire évoquant le verre d’une loupe, qui produit un effet de trompe-l’œil séduisant. Le pinceau décrit avec précision les variations de couleurs et de textures sur le corps de l’animal, ainsi que l’articulation expressive des pattes. L’araignée est par ailleurs dépeinte en train de tisser sa toile, étirant avec l’une de ses pattes postérieures un fil de soie produit à la base de son abdomen. Avec leur géométrie en spirale, construite sur une trame formée de rayons, les toiles des épeires diadèmes sont en effet caractéristiques de cette espèce. Le dessinateur en détaille les fils par un fin tracé à la plume et à l’encre grise, à la règle, qui restitue la légèreté diaphane de cet édifice, patiemment reconstruit tous les jours par l’araignée. Cette aquarelle, qui s’inscrit donc dans une tradition picturale ancienne3, et dont la rigueur descriptive hérite des travaux de Carl von Linné (1707-1778), acquiert la dimension d’un véritable objet de curiosité, à mi-chemin entre art et science. Au XIXe siècle, alors que les pratiques scientifiques s’institutionalisent et que la science s’expose notamment dans les muséums, de telles représentations étaient collectionnées dans la sphère privée, pour leur attrait esthétique plutôt que didactique4. Avec son cadre élégant façon ébène, elle a sans doute trouvé une place de choix dans un cabinet d’amateur. Notre étude naturaliste vient étoffer le fonds déjà très riche que détient la Fondation Custodia, et qui compte entre autres une série de vingt-deux dessins5 de Jacques de Gheyn le Jeune, représentant des fleurs, insectes et autres animaux, un remarquable portfolio de dessins de tulipes, coquillages et insectes par Balthasar van der Ast (1593/94-1657)6, ainsi qu’un album de dessins d’oiseaux par Aert Schouman (1710-1792)7. MNG 1L’artiste hollandais, Jan Augustin van der Goes (actif 1694-1697) avait déjà représenté ce même spécimen, Araignée, vers 1690-1700, Amsterdam, Rijksmuseum, inv. RP-T-1884-A-330F (aquarelle et gouache sur parchemin ; 41 × 51 mm) ; https://www.rijksmuseum.nl/nl/zoeken. 2Les femelles de cette espèce peuvent mesurer jusqu’à 22,5 mm de longueur. 3Le premier exemple d’étude autonome d’un insecte étant le Lucane cerf-volant d’Albrecht Dürer, 1505, Los Angeles, The J. Paul Getty Museum, inv. 83.GC.214 (aquarelle et gouache ; 141 × 114 mm) ; Janice Neri, The Insect and the Image. Visualizing Nature in Early-Modern Europe, 1500-1700, Minneapolis et Londres, 2011, p. XI-XII ; http://www.getty.edu/art/collection. 4Ibid., p. 189-190. 5Tempera, aquarelle et gouache sur vélin, vers 1604 ; dessins ayant appartenu à Rodolphe II de Prague, reliés en album au XIXe siècle (dimensions de la reliure : 234 × 182 mm), acquis par Frits Lugt en 1939, inv. 5655A-V ; Karel G. Boon, The Netherlandish and German drawings of the XVth and XVIth centuries of the Frits Lugt collection, Paris et Zwolle, 1992, n° 80, pl. 162-183. 6Soixante et onze dessins à l’aquarelle, gouache et tempera, réunis dans un portfolio (parchemin ; 315 × 203 mm), acquis par Frits Lugt en 1918, inv. 6534(1-71) ; Sarvenaz Ayooghi, Sylvia Böhmer et Timo Trümper, Die Stillleben des Balthasar van der Ast, cat. exp., Aix-la-Chapelle, Suermondt-Ludwig-Museum, et Gotha, Herzogliches Museum, 2016, cat. n° 40 a-k. 7Deux cent dix-huit dessins à l’aquarelle et à la gouache, initialement collés dans le « Vogelalbum » (relié au XVIIIe siècle), acquis par Frits Lugt en 1923, inv. 1407 ; Charles Dumas (éd.), Een koninklijk paradijs, cat. exp., Dordrecht, Dordrechts Museum, 2017, cat. nos 53, 65, 66, 68, 86, 87, 88, 89.