9. Andries Both

Utrecht 1611/1612 – 1642 Venise

La Place de la Bocca della Verità à Rome

Andries Both était originaire de la ville d’Utrecht où il se forma dans l’atelier du célèbre Abraham Bloemaert (1566–1651). De nombreux artistes de la ville en avaient fait de même et Bloemaert semble avoir enjoint ses disciples à aller en Italie pour parfaire leur apprentissage. Beaucoup en rapportèrent les nouvelles orientations artistiques de la péninsule et firent d’Utrecht le berceau du Caravagisme nordique. Andries Both fit aussi le voyage d’Italie mais n’en revint jamais : après au moins huit ans passés à Rome, il se noya dans un canal de Venise, où il avait emménagé1.

Moins célèbre que son frère cadet Jan Both (1618–1652), paysagiste italianisant de renom, Andries est surtout connu de nos jours pour ses bambochades, tableaux représentant le peuple des rues italiennes. Il se spécialisa dans ce genre après sa rencontre avec Pieter van Laer (1599–après 1641), surnommé Il Bamboccio, qui fut à l’origine de ce genre de peintures. L’œuvre graphique d’Andries Both est plus varié que les tableaux qui lui sont attribués. On y trouve notamment des paysages et des vues urbaines sans doute réalisés sur le motif2.

Notre feuille est très proche dans sa facture du dessin conservé au Centraal Museum d’Utrecht représentant une place de Rome : Both esquissa sa composition au graphite, puis précisa les détails à la pointe du pinceau et appliqua de larges lavis de deux tonalités pour indiquer les fortes ombres projetées par le soleil d’Italie3. Ces feuilles italiennes d’Andries Both, dans lesquelles les lavis d’encre prédominent, doivent beaucoup aux dessins que Cornelis van Poelenburch (1594–1667) et Bartholomeus Breenbergh (1598–1657) produisirent en Italie dans les années 16204. Elles sont aussi très éloignées des paysages dessinés que Both réalisa aux Pays-Bas à la plume ou à la seule pierre noire.

La place de Rome que l’artiste dessina ici porte toujours le même nom : Piazza della Boca della Verità, dont Both donna une transcription phonétique sous sa signature (« Booke de Varita »). Le temple romain qui s’y trouve encore – aujourd’hui protégé par un écrin de verdure de la dense circulation automobile – avait été transformé en église au XIIe siècle et portait alors le vocable de Santa Maria del Sole5. Des murs avaient été maçonnés entre les colonnes du temple et une chapelle ajoutée au bâtiment. Ils furent détruits au début du XIXe siècle pour rendre à l’édifice un aspect plus conforme à son origine antique6. Longtemps appelé temple de Vesta, en raison de sa forme circulaire, il est aujourd’hui considéré par les archéologues comme un temple dédié à Hercule dit Olivarius, protecteur du commerce de l’olive7.

Cécile Tainturier

1Andries était à Rome au plus tard en 1633 et y resta jusqu’en 1641 selon des documents d’archives. Voir Peter Schatborn, avec la contribution de Judith Verberne, Drawn to Warmth. 17th-century Dutch Artists in Italy, cat. exp. Amsterdam (Rijksmuseum), 2001, p. 89 et 93.

2Voir Egbert Haverkamp-Begeman, « The Youthful Work of Andries Both : His Landscape Drawings », dans Walter L. Strauss (dir.), Tribute to Wolfgang Stechow, numéro spécial de Print Review, n° 5, printemps 1976, p. 88-95.

3Une place à Rome, pinceau et encre brune sur une esquisse au graphite, 166 × 237 mm, Utrecht, Centraal Museum, inv. 10161 ; Michiel C. Plomp, Eric Domela Nieuwenhuis et Liesbeth M. Helmus, Werken op papier tot 1850. De verzamelingen van het Centraal Museum Utrecht, Utrecht, 2004, vol. VII, n° 9, repr. La signature de l’artiste est calligraphiée de manière tout à fait comparable dans les deux dessins.

4Schatborn 2001, op. cit. (note 1), p. 90.

5Daniela Gallavotti Cavallero, Guide rionali di Roma. Rione XII – Ripa, Parte II, vol. XII, 1978, p. 106.

6Luigi Gallo, « Da Campo Vaccino a Foro Romano. Interventi di scavo francesi a Roma in epoca napoleonica », dans Siris – Studi e ricerche della Scuola di Specializzazione in Beni Archeologici di Matera, vol. XII, 2012, p. 62.

7Gallavotti Cavallero 1978, op. cit. (note 5), p. 104.