Accueil Catalogues en ligne Art sur papier. Acquisitions récentes 9. François Chéreau l’Ancien (d’après Nicolas de Largillière) Blois 1680 – 1729 Paris Portrait de Nicolas de Largillière, 1715 Frits Lugt a acheté en 1949 une magnifique peinture en trompe-l’œil du peintre baroque français Nicolas de Largillière (1656-1746), représentant deux grappes de raisin accrochées à un mur1. Il s’agit d’un travail unique dans l’œuvre d’un artiste qui est aujourd’hui surtout connu pour sa brillante carrière de portraitiste. Largillière n’en était pas moins un peintre universel qui, outre des portraits, a peint aussi des natures mortes, des paysages et, plus rarement, des scènes d’histoire. La diversité de son talent s’explique par sa formation internationale. Il commence par faire son apprentissage auprès du peintre de paysages et de bambochades anversois Antoon Goubau l’Ancien (1616-1698), après quoi il travaille à Londres pour le compte de Peter Lely (1618-1680), portraitiste très en vue travaillant à la cour de Charles II, roi d’Angleterre (r. 1660-1685). En 1679, il s’installe à Paris, où il est reçu trois ans plus tard à l’Académie royale. Pour donner un visage dans la collection à cet éminent artiste, la Fondation Custodia a fait l’acquisition de cette estampe, gravée d’après un autoportrait de Largillière peint en 17112, dans lequel le peintre, alors âgé de 55 ans, se met en scène dans son atelier, vêtu d’un élégant pardessus duquel dépassent négligemment les manches d’une chemise blanche. Sa main droite, qui tient un porte-mine dans lequel est fiché un morceau de graphite ou de craie, repose sur un portefeuille à dessins. De sa main gauche, il indique une toile sur laquelle on distingue les premiers contours ébauchés d’une Annonciation. Largillière a peint son tableau à la demande du marchand d’art parisien Louis d’Assenay, qui l’accrocha à son domicile de la rue des Fontaines en pendant d’un autoportrait peint de Hyacinthe Rigaud (1659-1743) réalisé vers 17103. Rigaud, qui comme Largillière a travaillé à la cour du roi Louis XIV (r. 1648-1698), s’est révélé aussi brillant portraitiste que son confrère. Les deux hommes avaient beau être, dans une certaine mesure, concurrents l’un de l’autre, ils n’en avaient pas moins beaucoup d’estime l’un pour l’autre. Dans un discours plein d’émotion, consigné par Hendrick van Hulst (1685-1754), Rigaud, de trois ans le cadet de Largillière, affirme ne pas vouloir rivaliser avec son aîné, mais au contraire le suivre pour s’approcher au plus près de sa manière4. Quant à Largillière, il appréciait également beaucoup la peinture de Rigaud5. D’Assenay fit graver des reproductions de ses deux tableaux6. Le portrait de Largillière a été transféré dans le cuivre par François Chéreau l’Ancien, celui de Rigaud par Pierre Drevet (1663-1738). Les deux graveurs ont placé les figures de Largillière et Rigaud derrière un semblant d’encadrement de fenêtre et ajouté des draperies élégamment jetées de leur invention. Chéreau, élève de Drevet et graveur très habile, a su traduire de façon convaincante le pardessus en velours et la perruque d’aspect poudrée de Largillière. La lumière qui tombe sur le vêtement, les feuilles rangées dans l’album et l’ovale du visage de l’artiste, ont été tout aussi fidèlement transférés par le graveur. MR 1Inv. 6062 (huile sur bois ; 25,0 × 34,0 cm) ; Dominique Brême et Nicolas Sainte Fare Garnot, Nicolas Largillière. Peintre du Grand Siècle, cat. exp., Paris, Musée Jacquemart-André, 2003, p. 138-140, cat. n° 41, repr. ; Ger Luijten et al., Un univers intime. Tableaux de la Collection Frits Lugt, exp. cat. en ligne, Paris, Institut Néerlandais, 2012, cat. n° 79, repr. ; http://www.fondationcustodia.fr/ununiversintime/78_largilliere_6062.cfm. 2Versailles, Musée national du château de Versaille et de Trianon, inv. MV 3681 (huile sur bois ; 80 × 65 cm) ; ibid., p. 64-65, cat. n° 1, repr. 3Hannah Williams, Académie Royale. A History in Portraits, Farnham, 2015, p. 266-267. 4Hendrick van Hulst, « La vie de M. Rigaud », dans Louis Dussieux (éd.), Mémoires inédits sur la vie et les ouvrages des membres de l’Académie Royale de peinture et de sculpture, 2 vol., Paris, 1854, vol. II, p. 130-132 ; Williams 2015, op. cit. (note 3), p. 266. 5Antoine-Joseph Dézallier d’Argenville, Abrégé de la vie des plus fameux peintres, avec leurs portraits gravés en taille-douce, 4 vol., Paris, 1762, vol. IV, p. 300 ; Williams 2015, op. cit. (note 3), p. 266. 6Il existe un portrait d’Assenay par Largillière (aujourd’hui perdu et uniquement connu grâce à une copie d’atelier), dans lequel l’amateur est représenté avec les deux gravures posées sur la table. Collection privée (huile sur toile ; 66,0 × 53,3 cm) ; Williams 2015, op. cit. (note 3), p. 270 fig. 614.
Frits Lugt a acheté en 1949 une magnifique peinture en trompe-l’œil du peintre baroque français Nicolas de Largillière (1656-1746), représentant deux grappes de raisin accrochées à un mur1. Il s’agit d’un travail unique dans l’œuvre d’un artiste qui est aujourd’hui surtout connu pour sa brillante carrière de portraitiste. Largillière n’en était pas moins un peintre universel qui, outre des portraits, a peint aussi des natures mortes, des paysages et, plus rarement, des scènes d’histoire. La diversité de son talent s’explique par sa formation internationale. Il commence par faire son apprentissage auprès du peintre de paysages et de bambochades anversois Antoon Goubau l’Ancien (1616-1698), après quoi il travaille à Londres pour le compte de Peter Lely (1618-1680), portraitiste très en vue travaillant à la cour de Charles II, roi d’Angleterre (r. 1660-1685). En 1679, il s’installe à Paris, où il est reçu trois ans plus tard à l’Académie royale. Pour donner un visage dans la collection à cet éminent artiste, la Fondation Custodia a fait l’acquisition de cette estampe, gravée d’après un autoportrait de Largillière peint en 17112, dans lequel le peintre, alors âgé de 55 ans, se met en scène dans son atelier, vêtu d’un élégant pardessus duquel dépassent négligemment les manches d’une chemise blanche. Sa main droite, qui tient un porte-mine dans lequel est fiché un morceau de graphite ou de craie, repose sur un portefeuille à dessins. De sa main gauche, il indique une toile sur laquelle on distingue les premiers contours ébauchés d’une Annonciation. Largillière a peint son tableau à la demande du marchand d’art parisien Louis d’Assenay, qui l’accrocha à son domicile de la rue des Fontaines en pendant d’un autoportrait peint de Hyacinthe Rigaud (1659-1743) réalisé vers 17103. Rigaud, qui comme Largillière a travaillé à la cour du roi Louis XIV (r. 1648-1698), s’est révélé aussi brillant portraitiste que son confrère. Les deux hommes avaient beau être, dans une certaine mesure, concurrents l’un de l’autre, ils n’en avaient pas moins beaucoup d’estime l’un pour l’autre. Dans un discours plein d’émotion, consigné par Hendrick van Hulst (1685-1754), Rigaud, de trois ans le cadet de Largillière, affirme ne pas vouloir rivaliser avec son aîné, mais au contraire le suivre pour s’approcher au plus près de sa manière4. Quant à Largillière, il appréciait également beaucoup la peinture de Rigaud5. D’Assenay fit graver des reproductions de ses deux tableaux6. Le portrait de Largillière a été transféré dans le cuivre par François Chéreau l’Ancien, celui de Rigaud par Pierre Drevet (1663-1738). Les deux graveurs ont placé les figures de Largillière et Rigaud derrière un semblant d’encadrement de fenêtre et ajouté des draperies élégamment jetées de leur invention. Chéreau, élève de Drevet et graveur très habile, a su traduire de façon convaincante le pardessus en velours et la perruque d’aspect poudrée de Largillière. La lumière qui tombe sur le vêtement, les feuilles rangées dans l’album et l’ovale du visage de l’artiste, ont été tout aussi fidèlement transférés par le graveur. MR 1Inv. 6062 (huile sur bois ; 25,0 × 34,0 cm) ; Dominique Brême et Nicolas Sainte Fare Garnot, Nicolas Largillière. Peintre du Grand Siècle, cat. exp., Paris, Musée Jacquemart-André, 2003, p. 138-140, cat. n° 41, repr. ; Ger Luijten et al., Un univers intime. Tableaux de la Collection Frits Lugt, exp. cat. en ligne, Paris, Institut Néerlandais, 2012, cat. n° 79, repr. ; http://www.fondationcustodia.fr/ununiversintime/78_largilliere_6062.cfm. 2Versailles, Musée national du château de Versaille et de Trianon, inv. MV 3681 (huile sur bois ; 80 × 65 cm) ; ibid., p. 64-65, cat. n° 1, repr. 3Hannah Williams, Académie Royale. A History in Portraits, Farnham, 2015, p. 266-267. 4Hendrick van Hulst, « La vie de M. Rigaud », dans Louis Dussieux (éd.), Mémoires inédits sur la vie et les ouvrages des membres de l’Académie Royale de peinture et de sculpture, 2 vol., Paris, 1854, vol. II, p. 130-132 ; Williams 2015, op. cit. (note 3), p. 266. 5Antoine-Joseph Dézallier d’Argenville, Abrégé de la vie des plus fameux peintres, avec leurs portraits gravés en taille-douce, 4 vol., Paris, 1762, vol. IV, p. 300 ; Williams 2015, op. cit. (note 3), p. 266. 6Il existe un portrait d’Assenay par Largillière (aujourd’hui perdu et uniquement connu grâce à une copie d’atelier), dans lequel l’amateur est représenté avec les deux gravures posées sur la table. Collection privée (huile sur toile ; 66,0 × 53,3 cm) ; Williams 2015, op. cit. (note 3), p. 270 fig. 614.