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91. Simon Kick

91. Simon Kick

Delft 1603 – 1652 Amsterdam

Corps de garde, vers 1645-1650

Les Pays-Bas furent en guerre pendant une grande partie du XVIIe siècle et l’on ne s’étonne donc pas qu’ils furent le berceau du genre pictural appelé cortegaerd (ou kortegaard, du français « corps de garde »)1. Il apparaît au début des années 1620, à l’issue de la Trêve de Douze Ans (1609-1621), qui voit la reprise des hostilités avec la couronne espagnole2. Ces tableaux représentent des soldats au repos, installés dans des intérieurs sombres où ils ont fait halte et boivent, jouent, dorment, fument ou se partagent un butin. Le grand succès qu’ils connurent sur le marché hollandais incita plusieurs peintres à se spécialiser dans ce genre. Ce fut le cas de Simon Kick, qui commença tardivement sa carrière, après son mariage avec la sœur de Willem Duyster (1599–1635), l’un des artistes d’Amsterdam qui avaient développé cette nouvelle thématique picturale3. À l’instar de son beau-frère, Kick décéda à un âge précoce et son œuvre peint ne compte qu’une quarantaine de tableaux identifiés.

Avec cette peinture, Ger Luijten n’a pas seulement ajouté à la collection de la Fondation Custodia un témoignage de ce genre, qui n’y était pas encore représenté, mais aussi l’un des plus beaux tableaux de Simon Kick4. Dans ce corps de garde, le peintre a dynamisé la composition en décentrant le groupe de militaires vers la droite, et placé au centre l’intrigant motif d’un soldat qui nous tourne le dos5. Ce dernier est ceint d’une luxueuse étoffe dont le magnifique nœud blanc permet à Kick de faire montre de son talent pictural.

Jochai Rosen date le tableau de la fin des années 1640, époque à laquelle Kick était le seul peintre d’Amsterdam à produire encore des cortegaerden. L’artiste avait alors repris à Willem Duyster les mines sérieuses de ses protagonistes, donnant un air respectable à ses scènes, tandis qu’il avait su emprunter aux portraits de groupes de Bartholomeus van der Helst (1613–1670) l’élégance de ses miliciens6. Ce tour séduisant que Kick avait ainsi donné à ses corps de garde est parfaitement illustré ici par la figure du capitaine s’appuyant sur une canne. Notre œil est immédiatement attiré par ce personnage qui fixe le spectateur depuis l’espace fictif de la peinture. Mais sa solennité est contrebalancée par les motifs connotant le désordre qu’apportent avec eux les conflits armés. Un chapeau est abandonné au sol ; les hommes assemblés autour du tambour jouent probablement aux dés pour tuer le temps, tandis que les deux soldats à l’arrière-plan pillent sans vergogne les œufs du fermier dont la compagnie a réquisitionné la grange.

Cécile Tainturier

1On trouve déjà le terme pour désigner ce type de tableaux dans les inventaires et textes de l’époque ; voir Michiel C. C. Kersten, « Interieurstukken met soldaten tussen circa 1625 en 1660. Een verkenning », dans Michel P. van Maarseveen et al. (dir.), Beelden van een strijd. Oorlog en kunst vóór de Vrede van Munster 1621-1648, cat. exp. Delft (Stedelijk Museum Het Prinsenhof), Zwolle, 1998, p. 185.

2Léonard Pouy, Luctor et Emergo. Développement et réception de la scène de corps de garde dans l’art néerlandais du XVIIe siècle, thèse de doctorat, Universités de Paris-Sorbonne et de Genève, 2017, vol. I, p. 19.

3Jochai Rosen, Simon Kick (1603-1652). Catalogue Raisonné, Newcastle upon Tyne, 2021, p. 1 et 3.

4L’existence d’une réplique de format légèrement inférieur atteste du succès de cette composition. Elle est conservée au musée des beaux-arts et d’archéologie Joseph Déchelette, à Roanne (attribué à Simon Kick, Scène de corps de garde, huile sur panneau, 63,5 × 75 cm, inv. 2519). La signature « L.C. Duck [?] fecit » a été reconnue comme apocryphe par le grand spécialiste de l’art néerlandais Horst Gerson (1907–1978) dès 1963 ; voir Pouy 2017, op. cit. (note 2), vol. II, n° 141, et la notice de l’œuvre sur le portail Joconde (référence 10200000944). Il pourrait s’agir d’une copie autographe du tableau selon Rosen 2021, op. cit. (note 3), p. 96.

5Ces figures vues de dos sont des motifs récurrents dans les corps de garde. Voir ibid., p. 41 et note 61.

6Jochai Rosen, Soldiers at Leisure. The Guardroom Scene in Dutch Genre Painting of the Golden Age, Amsterdam, 2010, p. 123.