Accueil Catalogues en ligne Un œil passionné. Douze ans d’acquisitions de Ger Luijten 92. Abraham Bloemaert Gorinchem 1564/1566 – 1651 Utrecht Loth et ses filles, vers 1646-1647 Au cours de sa longue carrière, Abraham Bloemaert exécuta différentes grisailles – des peintures à l’huile en camaïeu de blanc, de noir et de diverses tonalités de gris – qui sont à considérer comme des œuvres en soi. En général, ce type de peinture se caractérise par une technique picturale extrêmement raffinée, lisse, qui cherche à rendre le relief et les modulations de la lumière de manière aussi convaincante que possible dans une palette limitée. Pour Loth et ses filles, Bloemaert avait en vue un tout autre objectif et adopta une approche entièrement différente. Avec la plume et le pinceau, il chercha à obtenir l’effet visuel d’une estampe, imprimée par le procédé de la taille d’épargne et de la taille-douce. De surcroît, les différents tons de brun rehaussent les valeurs tonales que la gravure sur bois en clair-obscur permet d’obtenir au moyen de blocs de ton. Les lignes fines, exécutées à la plume et à l’encre brun foncé (ou à la peinture à l’huile diluée ?) imitent le tracé d’une eau-forte ou d’une gravure. L’atelier de Bloemaert à Utrecht produisait des estampes exécutées à partir de cette combinaison originale de techniques, notamment par son fils Frederik (vers 1614/1617–1690). En imitant l’effet visuel de ces estampes sur son panneau, Bloemaert joue avec la perception du spectateur ; ce qui a dû faire de son petit tableau un objet d’émerveillement. Quatre œuvres exécutées selon cette technique très expérimentale sont considérées comme de sa main. Elles datent toutes des dernières années de la carrière de Bloemaert1. Sur notre panneau, la peinture à l’huile a été appliquée de manière prodigieusement diluée, ce qui permet de voir à travers la couche de peinture, et donc de se faire une idée du processus de travail de l’artiste. Celui-ci ébaucha d’abord quelques traits à la pierre noire sur l’enduit blanc du panneau avant d’élaborer au pinceau sa composition, par étapes, en trois tons de peinture brune. L’esquisse initiale a été tracée à la plume, et des détails tels que les traits des visages ont également été nuancés dès cette première tentative, quoique – comme il est d’usage chez Bloemaert – de manière très sommaire2. Enfin, quelques rehauts de blanc pâteux ont servi à mettre au premier plan certains éléments et à renforcer l’impression de profondeur. Par la variété des moyens et techniques utilisés, le panneau de Bloemaert se situe à mi-chemin entre une peinture et un dessin à la plume et au lavis – mais dans le but ludique final de feindre un troisième médium artistique : une estampe. Saskia van Altena 1Marcel George Roethlisberger et Marten Jan Bok mentionnent quatre autres panneaux de petit format dans une technique similaire : Moïse battant l’eau du rocher et L’Annonce aux bergers (lieu de conservation inconnu ; vente, New York (Christie’s), 26 janvier 2012, nos 262 et 263), La Prédication de Jean-Baptiste (Angleterre, collection particulière), Le Royaume de Neptune (lieu de conservation inconnu ; vente, Londres (Sotheby’s), 30 octobre 1991, n° 150). Les trois premières œuvres sont signées et datées « ABloemaert fe. 1647 ». Roethlisberger propose une datation autour de 1630 pour Loth et ses filles, en se basant sur des caractéristiques stylistiques ; Marcel George Roethlisberger et Marten Jan Bok, Abraham Bloemaert and his sons. Paintings and Prints, Doornspijk, 1993, vol. I, nos 564, 565, 563, 562 et 495. Bolten date cependant notre panneau vers 1646-1647, l’année de réalisation des peintures dans la même technique mentionnées ci-dessus ; Jaap Bolten, Abraham Bloemaert c. 1565-1651. The Drawings, Leyde, 2007, vol. I, n° 23. Un dessin conservé au British Museum, dans lequel Bloemaert a de nouveau représenté l’histoire de Loth, porte la date de 1649. Cette feuille présente d’étroites analogies stylistiques avec notre tableau (Londres, The British Museum, inv. SL,5236.40. Une datation de notre panneau à la fin des années 1640 nous semble donc plausible. 2Il est possible que ces lignes aient été appliquées au moyen d’un pinceau fin. Cependant, les lignes souvent anguleuses et le fait que l’épaisseur du trait soit à peu près égale partout nous font penser que l’utilisation d’une plume est plus probable. Une délicate ligne ondulée en zigzag, en bas à droite de la nappe, a aussi une qualité très proche du dessin.
Au cours de sa longue carrière, Abraham Bloemaert exécuta différentes grisailles – des peintures à l’huile en camaïeu de blanc, de noir et de diverses tonalités de gris – qui sont à considérer comme des œuvres en soi. En général, ce type de peinture se caractérise par une technique picturale extrêmement raffinée, lisse, qui cherche à rendre le relief et les modulations de la lumière de manière aussi convaincante que possible dans une palette limitée. Pour Loth et ses filles, Bloemaert avait en vue un tout autre objectif et adopta une approche entièrement différente. Avec la plume et le pinceau, il chercha à obtenir l’effet visuel d’une estampe, imprimée par le procédé de la taille d’épargne et de la taille-douce. De surcroît, les différents tons de brun rehaussent les valeurs tonales que la gravure sur bois en clair-obscur permet d’obtenir au moyen de blocs de ton. Les lignes fines, exécutées à la plume et à l’encre brun foncé (ou à la peinture à l’huile diluée ?) imitent le tracé d’une eau-forte ou d’une gravure. L’atelier de Bloemaert à Utrecht produisait des estampes exécutées à partir de cette combinaison originale de techniques, notamment par son fils Frederik (vers 1614/1617–1690). En imitant l’effet visuel de ces estampes sur son panneau, Bloemaert joue avec la perception du spectateur ; ce qui a dû faire de son petit tableau un objet d’émerveillement. Quatre œuvres exécutées selon cette technique très expérimentale sont considérées comme de sa main. Elles datent toutes des dernières années de la carrière de Bloemaert1. Sur notre panneau, la peinture à l’huile a été appliquée de manière prodigieusement diluée, ce qui permet de voir à travers la couche de peinture, et donc de se faire une idée du processus de travail de l’artiste. Celui-ci ébaucha d’abord quelques traits à la pierre noire sur l’enduit blanc du panneau avant d’élaborer au pinceau sa composition, par étapes, en trois tons de peinture brune. L’esquisse initiale a été tracée à la plume, et des détails tels que les traits des visages ont également été nuancés dès cette première tentative, quoique – comme il est d’usage chez Bloemaert – de manière très sommaire2. Enfin, quelques rehauts de blanc pâteux ont servi à mettre au premier plan certains éléments et à renforcer l’impression de profondeur. Par la variété des moyens et techniques utilisés, le panneau de Bloemaert se situe à mi-chemin entre une peinture et un dessin à la plume et au lavis – mais dans le but ludique final de feindre un troisième médium artistique : une estampe. Saskia van Altena 1Marcel George Roethlisberger et Marten Jan Bok mentionnent quatre autres panneaux de petit format dans une technique similaire : Moïse battant l’eau du rocher et L’Annonce aux bergers (lieu de conservation inconnu ; vente, New York (Christie’s), 26 janvier 2012, nos 262 et 263), La Prédication de Jean-Baptiste (Angleterre, collection particulière), Le Royaume de Neptune (lieu de conservation inconnu ; vente, Londres (Sotheby’s), 30 octobre 1991, n° 150). Les trois premières œuvres sont signées et datées « ABloemaert fe. 1647 ». Roethlisberger propose une datation autour de 1630 pour Loth et ses filles, en se basant sur des caractéristiques stylistiques ; Marcel George Roethlisberger et Marten Jan Bok, Abraham Bloemaert and his sons. Paintings and Prints, Doornspijk, 1993, vol. I, nos 564, 565, 563, 562 et 495. Bolten date cependant notre panneau vers 1646-1647, l’année de réalisation des peintures dans la même technique mentionnées ci-dessus ; Jaap Bolten, Abraham Bloemaert c. 1565-1651. The Drawings, Leyde, 2007, vol. I, n° 23. Un dessin conservé au British Museum, dans lequel Bloemaert a de nouveau représenté l’histoire de Loth, porte la date de 1649. Cette feuille présente d’étroites analogies stylistiques avec notre tableau (Londres, The British Museum, inv. SL,5236.40. Une datation de notre panneau à la fin des années 1640 nous semble donc plausible. 2Il est possible que ces lignes aient été appliquées au moyen d’un pinceau fin. Cependant, les lignes souvent anguleuses et le fait que l’épaisseur du trait soit à peu près égale partout nous font penser que l’utilisation d’une plume est plus probable. Une délicate ligne ondulée en zigzag, en bas à droite de la nappe, a aussi une qualité très proche du dessin.