99. Petrus van Schendel

Terheijden 1806 – 1870 Schaerbeek

Intérieur de cuisine, vers 1835

« Il arrive qu’on tombe sur un tableau ou un dessin dans lequel un artiste donne une tout autre image de lui que celle à laquelle il nous avait habitués1 ». C’est ainsi que Ger Luijten commença son annonce de l’acquisition de ce tableau insolite de la main du peintre Petrus van Schendel, connu pour ses scènes romantiques de soir et de nuit. Ce spécialiste des effets de lumière fit fureur dans toute l’Europe avec ses vues nocturnes éclairées à la lueur d’une lampe, lanterne, bougie ou au clair de lune. Ce sont surtout ses scènes de marché nocturnes qui lui valurent une grande réputation aux Pays-Bas comme à l’étranger. Son premier tableau de ce genre fut réalisé vers 1830, peu de temps après qu’il eut terminé sa formation de peintre2.

Cette étude d’un intérieur de cuisine, provenant des descendants de l’artiste, est également à dater du début de la carrière de Van Schendel3. L’œuvre fait figure d’exception dans sa production à plusieurs points de vue : la représentation ne comporte pas de personnages et il s’agit d’une rare scène de jour. On y retrouve toutefois l’intérêt du peintre pour la lumière puisqu’une magnifique luminosité fait ressortir chaque élément de la pièce : la bassinoire en cuivre pour chauffer les draps d’un lit clos, l’écumoire, la passoire de faïence verte, le pot de sel en grès, la planche pour aiguiser les couteaux avec son réservoir de sable et le robinet en cuivre d’où jaillit un puissant jet d’eau4. La cuisine est vide. La porte restée ouverte donne l’impression que quelqu’un vient juste de quitter la pièce après avoir actionné la pompe, dont l’eau continue à couler. Si dans les tableaux de Van Schendel une chandelle ou une bougie est habituellement au centre de l’attention, ici c’est le jet d’eau étincelant de lumière qui attire le regard.

Il existe une autre représentation de ce même intérieur, probablement basée sur notre étude, mais qui est peuplée cette fois-ci de plusieurs figures5. Van Schendel y ajouta une table à gauche ainsi qu’une domestique avec un enfant. Il créa également une vue à travers la porte vers une autre pièce dans laquelle une femme et un bébé regardent par la fenêtre. Ce tableau est daté 1835. Notre version sans personnages a probablement été peinte à la même période6. Petrus van Schendel habitait alors la Hoogstraat à Rotterdam7. Le caractère intime de cette étude de cuisine laisse à penser que l’artiste représenta peut-être l’une des pièces de sa propre maison8.

Rhea Sylvia Blok

1Ger Luijten, « La cuisine de l’artiste », E-News Fondation Custodia, n° 8, juin 2015, p. 2-4, fig. c.

2Jan M. M. de Meere, Petrus van Schendel (1806-1870). Een leven tussen licht en donker, Leyde, 2012, p. 27, fig. 34. Van Schendel suivit des cours à l’Académie Royale des Beaux-Arts d’Anvers entre 1822 et 1828, où il fut l’élève de Mattheüs Ignatius van Bree (1773–1839).

3En 2012 furent publiées et exposées pour la première fois plusieurs toiles des débuts de la carrière de l’artiste, dont celle-ci, qui étaient toujours restées en possession de la famille : De Meere 2012, op. cit. (note 2) ; Jeroen Grosfeld et Helma van der Holst, Petrus van Schendel, 1806-1870. Meester van het avondlicht, cat. exp. Breda (Breda’s Museum), Luxembourg (Villa Vauban, Musée d’Art de la Ville de Luxembourg), 2012-2013, p. 7-8, 15.

4Notons que dans un inventaire, établi le 1er janvier 1840 par Petrus van Schendel, on trouve parmi les tableaux la mention d’une « esquisse d’une cuisine ». Dans l’inventaire après décès du 16 janvier 1871, une « cuisine » est listée parmi les tableaux (De Meere 2012, op. cit. (note 2), annexe 5, p. 106 et annexe 8, p. 155, sur le cd-rom inséré dans le livre). Toutefois, sans plus de précisions, il n’est pas possible d’identifier ces œuvres avec certitude, Van Schendel ayant peint plusieurs intérieurs de cuisine, comme le tableau qu’il exposa en 1836 à Rotterdam (ibid., p. 73-74, fig. 157).

5Huile sur toile, 76,2 × 63,5 cm, signé et daté « P van Schendel fecit 1835 », localisation actuelle inconnue (vente, New York (Christie’s), 27 mai 1992, n° 239 comme provenant de la succession de John F. Chapman). Voir De Meere 2012, op. cit. (note 2), p. 39, fig. 58b.

6En 1847, Petrus van Schendel s’inspira de nouveau de son étude de cuisine pour un tableau : La Cuisson de « poffertjes » dans la cuisine, 1847, huile sur panneau, 71,1 × 50,8 cm, Saint-Louis, collection de la Kodner Gallery, Fine Art, au moins jusqu’en 2012 (ibid., p. 118-119, fig. 219).

7Petrus van Schendel s’installa à Rotterdam en 1832, Hoogstraat 39 (ibid., p. 27, 30, 35).

8Ibid., p. 39 ; et Luijten 2015, op. cit. (note 1), p. 2-4.