Accueil Catalogues en ligne Art sur papier. Acquisitions récentes 13. Léon Cogniet Paris 1794 – 1880 Paris Reflets de lune sur la mer L’éveil de Léon Cogniet au paysage se produit lors de son séjour à Rome, qu’il rejoint après sa réussite au Grand Prix, en 1817. Avec Achille-Etna Michallon (1796-1822), il fait partie de la génération de peintres formés à Rome qui appliquent directement l’enseignement de Pierre-Henri de Valenciennes (1750-1819). Le musée des Beaux-Arts d’Orléans, dépositaire du fonds d’atelier de Cogniet légué par sa veuve en 1891, conserve de nombreux témoignages de l’activité de l’artiste comme paysagiste romantique. Une série de vues du littoral normand1, notamment, exécutées à l’huile, révèlent sa sensibilité aux effets atmosphériques et son talent à rendre avec fluidité le ciel et la mer. Ces marines, que des inscriptions permettent de dater des années 1850 à 1870, présentent une grande parenté avec notre dessin. L’utilisation ici d’une technique sèche est toutefois inhabituelle parmi les paysages de l’artiste, qu’il réalise généralement à l’huile sur papier, ou encore à l’encre. Il semble avoir fait de ces études un usage personnel, en marouflant certaines par la suite2. Le format carré de l’œuvre a également de quoi surprendre, tant il accentue la dimension abstraite de ce nocturne. Mais c’est surtout dans les effets de texture qui décrivent l’écume vaporeuse – au moyen d’empâtements de peinture à l’huile retravaillés à la brosse3, ou, dans notre dessin, de rehauts de craie blanche – que s’exprime toute l’originalité de Cogniet. Dans une grande économie de moyens, l’artiste évoque ce clair de lune sur la mer, tirant parti de la teinte et du grain du papier pour conférer à son dessin une harmonie d’ensemble. Les reflets de lune sont notés à la craie blanche, appliquée en accents nets sur la crête des vagues, ou bien fondue à l’estompe. Ciel et mer semblent se confondre en un seul et même élément liquide et mouvant. Seule la verticale de la falaise, sur la droite, rattache cette vision au domaine du tangible. De fait, l’artiste cherche à restituer une expérience sensorielle totale, visuelle autant que tactile, suggérant l’impression d’une brume qui envelopperait le spectateur. Une silhouette solitaire4, au pied de la falaise, donne le ton mélancolique et contemplatif de cette scène. Cogniet atteint dans ce dessin une liberté formelle et un sens poétique que ne laissent pas forcément soupçonner les autres aspects de son corpus graphique. Son historique n’étant pas connu, il est malaisé de se prononcer sur la destination de cette feuille, qui, chose rare, porte le monogramme de l’artiste : faut-il y voir une œuvre intime offerte à un proche ? MNG 1Françoise Demange dans Jacques Foucart et David Ojalvo, Léon Cogniet. 1794-1880, cat. exp., Orléans, Musée des Beaux-Arts, 1990, cat. nos 142-147. 2Annick Notter (éd.), Léon Cogniet (1794-1880), Orléans, 2005, p. 15. 3Françoise Demange dans Foucart et Ojalvo 1990, op. cit. (note 1), p. 174. 4Que l’on retrouve aussi dans deux autres dessins du Musée des Beaux-Arts d’Orléans, inv. 146 (huile sur papier marouflé, sur toile ; 232 × 301 mm) et 150 (huile sur papier marouflé sur bois ; 285 × 345 mm) ; Françoise Demange dans Foucart et Ojalvo 1990, op. cit. (note 1), cat. nos 142 et 146.
L’éveil de Léon Cogniet au paysage se produit lors de son séjour à Rome, qu’il rejoint après sa réussite au Grand Prix, en 1817. Avec Achille-Etna Michallon (1796-1822), il fait partie de la génération de peintres formés à Rome qui appliquent directement l’enseignement de Pierre-Henri de Valenciennes (1750-1819). Le musée des Beaux-Arts d’Orléans, dépositaire du fonds d’atelier de Cogniet légué par sa veuve en 1891, conserve de nombreux témoignages de l’activité de l’artiste comme paysagiste romantique. Une série de vues du littoral normand1, notamment, exécutées à l’huile, révèlent sa sensibilité aux effets atmosphériques et son talent à rendre avec fluidité le ciel et la mer. Ces marines, que des inscriptions permettent de dater des années 1850 à 1870, présentent une grande parenté avec notre dessin. L’utilisation ici d’une technique sèche est toutefois inhabituelle parmi les paysages de l’artiste, qu’il réalise généralement à l’huile sur papier, ou encore à l’encre. Il semble avoir fait de ces études un usage personnel, en marouflant certaines par la suite2. Le format carré de l’œuvre a également de quoi surprendre, tant il accentue la dimension abstraite de ce nocturne. Mais c’est surtout dans les effets de texture qui décrivent l’écume vaporeuse – au moyen d’empâtements de peinture à l’huile retravaillés à la brosse3, ou, dans notre dessin, de rehauts de craie blanche – que s’exprime toute l’originalité de Cogniet. Dans une grande économie de moyens, l’artiste évoque ce clair de lune sur la mer, tirant parti de la teinte et du grain du papier pour conférer à son dessin une harmonie d’ensemble. Les reflets de lune sont notés à la craie blanche, appliquée en accents nets sur la crête des vagues, ou bien fondue à l’estompe. Ciel et mer semblent se confondre en un seul et même élément liquide et mouvant. Seule la verticale de la falaise, sur la droite, rattache cette vision au domaine du tangible. De fait, l’artiste cherche à restituer une expérience sensorielle totale, visuelle autant que tactile, suggérant l’impression d’une brume qui envelopperait le spectateur. Une silhouette solitaire4, au pied de la falaise, donne le ton mélancolique et contemplatif de cette scène. Cogniet atteint dans ce dessin une liberté formelle et un sens poétique que ne laissent pas forcément soupçonner les autres aspects de son corpus graphique. Son historique n’étant pas connu, il est malaisé de se prononcer sur la destination de cette feuille, qui, chose rare, porte le monogramme de l’artiste : faut-il y voir une œuvre intime offerte à un proche ? MNG 1Françoise Demange dans Jacques Foucart et David Ojalvo, Léon Cogniet. 1794-1880, cat. exp., Orléans, Musée des Beaux-Arts, 1990, cat. nos 142-147. 2Annick Notter (éd.), Léon Cogniet (1794-1880), Orléans, 2005, p. 15. 3Françoise Demange dans Foucart et Ojalvo 1990, op. cit. (note 1), p. 174. 4Que l’on retrouve aussi dans deux autres dessins du Musée des Beaux-Arts d’Orléans, inv. 146 (huile sur papier marouflé, sur toile ; 232 × 301 mm) et 150 (huile sur papier marouflé sur bois ; 285 × 345 mm) ; Françoise Demange dans Foucart et Ojalvo 1990, op. cit. (note 1), cat. nos 142 et 146.