Accueil Catalogues en ligne Art sur papier. Acquisitions récentes 10. École moghole, attribué à Chitarman II (Kalyan Das) L’Empereur Farrukhsiyar avec un serviteur, vers 1713 La Fondation Custodia conserve environ 220 miniatures indiennes1. Frits Lugt acheta les premières en 1921, sans doute stimulé par l’exemple de Rembrandt qui, en son temps, avait copié 25 miniatures mogholes au moins. Lugt possédait une de ces copies d’après un portrait de l’empereur moghol Shah Jahan (r. 1628-1658)2. C’est toutefois son successeur, Carlos van Hasselt (1929-2009), directeur de la Fondation Custodia à partir de 1970, qui commença une politique d’enrichissements plus active et cohérente, avec l’aide du collectionneur et marchand d’art Sven Gahlin (1934-2017). Le fonds est ainsi riche en exemples de l’École moghole, mais conserve également bon nombre d’œuvres de différentes Écoles provinciales. Ces dernières décennies, la Fondation Custodia a essayé d’acquérir des pièces d’Écoles encore peu représentées dans la collection, afin de donner une vue plus complète de la peinture indienne. Récemment, trois portraits ont pu intégrer la collection. L’École moghole a été enrichie par un portrait de l’empereur Farrukhsiyar (1683-1719), qui régna de 1713 à 1719, dont la Fondation Custodia ne possédait pas encore de représentation (voir cat. n° 10). La gouache est attribuée à l’artiste Kalyan Das, dit Chitarman II, actif vers 1700-1745, dont le style est en effet proche3. Il est connu pour son utilisation d’une palette restreinte ; ses gris et ses blancs sont appliqués avec peu de dégradés, donnant un aspect sans profondeur à la composition. Chitarman II, probablement portraitiste de la cour, a représenté l’empereur Farrukhsiyar à plusieurs reprises4. Ici, ce dernier, accompagné d’un serviteur qui tient un morchal (chasse-mouches en plumes de paon), est richement vêtu de blanc. Son visage se détache sur fond de nimbe doré. L’attention du peintre se porte sur les deux figures tandis que l’arrière-plan demeure, lui, entièrement vide. La deuxième miniature, exécutée à Kotah dans le Rajasthan vers 1700, est une acquisition importante pour la Fondation Custodia qui ne possédait alors que des feuilles plus tardives de cette École, représentée surtout par des œuvres de la seconde moitié du XVIIIe et du XIXe siècle5 (voir cat. n° 85). Il s’agit d’un portrait de Rao Ram Singh, connu pour ses exploits militaires, qui régna sur Kotah entre 1696 et 17076. Son portrait, probablement réalisé de son vivant, le montre à cheval dans un vaste paysage7. Ce type de portraits équestres s’inscrit dans toute une tradition à Kotah, également manifeste à travers l’attention spéciale que porte l’artiste aux nuances de la robe du cheval8. Enfin, le troisième portrait fait partie de l’École de Tanjore (Thanjavur), située dans le Sud de l’Inde (voir cat. n° 86). La Fondation Custodia ne possédait aucun exemple de cette région jusqu’à une date récente ; ce portrait de Raja Tulsaji (ou Tuljaji) de Tanjore (r. 1765-1786), entré en 2013, est la plus récente acquisition9. C’est sous le règne de Raja Tulsaji que Tanjore tomba sous la gouvernance de la Compagnie britannique des Indes orientales. Le Raja fut d’abord emprisonné avant d’être réhabilité dans ses fonctions en 1776 par la Compagnie : mais il demeura cependant sous contrôle britannique. Ce portrait le montre sous un dais entouré d’épais coussins et tenant un bijou odoriférant. La particularité de cette peinture repose sur l’utilisation de fragments d’élytres de coléoptères, destinée à produire l’impression de bijoux scintillants. Plus typique de l’École de Basohli, dans l’Inde du nord, cette technique fut rarement utilisée par les autres Écoles. On retrouve la même composition, y compris l’intégration d’élytres, dans un portrait conservé au sein de la Clive Collection de Powis Castle10. RSB 1Ce fonds a été publié, à l’exception des acquisitions à partir de 2002 ; Sven Gahlin et Mària van Berge-Gerbaud, L’Inde des légendes et des réalités. Miniatures indiennes et persanes de la Fondation Custodia, Collection Frits Lugt, cat. exp., Paris, Institut Néerlandais, 1983 ; Sven Gahlin, The Courts of India. Indian miniatures from the collection of the Fondation Custodia, Paris, cat. exp., Amsterdam, Rijksmuseum, 1991 ; Sven Gahlin, Couleurs de l’Inde. Nouvelles acquisitions de la Collection Frits Lugt, cat. exp., Paris, Institut Néerlandais, 2002. 2Acquis en 1920, inv. 592 (plume et encre brune, lavis brun, sur papier oriental ; 178 × 101 mm) ; Peter Schatborn, Rembrandt and his Circle. Drawings in the Frits Lugt Collection, 2 vol., Bussum et Paris, 2010, n° 20. 3Pour Chitarman II voir Terence McInerney, « Chitarman II (Kalyan Das) », dans Milo C. Beach, Eberhard Fischer et B.N. Goswamy, Masters of India Painting,1650-1900, 2 vol., Zurich, 2011, vol. II, p. 547-562. 4Pour les portraits de Farrukhsiyar attribués à Chitarman II voir ibid., p. 548-549 ; ainsi que vente, New York (Sotheby’s), 21 mars 2012, n° 222 (attribué à Chitarman II ou Bhawanidas). 5À l’exception d’un dessin attribué au maître de Kotah, Jeune femme allongée avec un éventail, vers 1730, inv. 2007-T.2 (pinceau et encre noire ; 216 × 146 mm). 6Pour plus de renseignements biographiques, voir Stuart Cary Welch (éd.), Gods, Kings and Tigers. The art of Kotah, Munich, 1997, p. 44-45. 7Ibid., p. 45, notre feuille serait pratiquement contemporaine du règne de Rao Ram Singh, mais l’inscription en haut serait plus récente. 8Joachim Bautze, « A Second Set of Equestrian Portraits painted during the reign of Maharao Umed Singh of Kotah », dans B.N. Goswamy (éd.), Indian Painting. Essays in Honour of Karl J. Khandalavala, New Delhi, 1995, p. 35-51. 9Une première feuille fut acquise en 2008, Tanjore, vers 1800, Raja Sarabhoji de Tanjore à cheval avec deux serviteurs, inv. 2008-T.20 (gouache, rehauts d’or ; 417 × 317 mm) ; Oppi Untracht, Traditional Jewelry of India, Londres, 1997, n° 395 10Inv. NT 1180663 (gouache, rehauts d’or ; 430 × 355 mm) ; Mildred Archer, Christopher Rowell et Robert Skelton, Treasures from India. The Clive Collection at Powis Castle, Londres, 1987, p. 125, n° 182 ; et C.A. Bayly (éd.), The Raj. India and the British 1600-1947, cat. exp., Londres, National Portrait Gallery, 1990, cat. n° 89, publié comme portrait de Maharaja Pratap Singh of Tanjore (r. 1739-65), mais, selon Sven Gahlin (note dans la documentation), il y aurait eu confusion entre l’identification des trois portraits décrits dans une lettre à Lady Clive et il s’agirait en fait d’un portrait de Raja Tulsaji. Une autre miniature, mais de Raja Amar Singh de Tanjore (r. 1787-98), conservée dans la Polsky Collection (gouache, rehauts d’or ; 432 × 572 mm) montre la même composition, plus élaborée toutefois ; Andrew Topsfield (éd.), In the Realm of Gods and Kings. Arts of India, Londres, 2004, n° 134.
La Fondation Custodia conserve environ 220 miniatures indiennes1. Frits Lugt acheta les premières en 1921, sans doute stimulé par l’exemple de Rembrandt qui, en son temps, avait copié 25 miniatures mogholes au moins. Lugt possédait une de ces copies d’après un portrait de l’empereur moghol Shah Jahan (r. 1628-1658)2. C’est toutefois son successeur, Carlos van Hasselt (1929-2009), directeur de la Fondation Custodia à partir de 1970, qui commença une politique d’enrichissements plus active et cohérente, avec l’aide du collectionneur et marchand d’art Sven Gahlin (1934-2017). Le fonds est ainsi riche en exemples de l’École moghole, mais conserve également bon nombre d’œuvres de différentes Écoles provinciales. Ces dernières décennies, la Fondation Custodia a essayé d’acquérir des pièces d’Écoles encore peu représentées dans la collection, afin de donner une vue plus complète de la peinture indienne. Récemment, trois portraits ont pu intégrer la collection. L’École moghole a été enrichie par un portrait de l’empereur Farrukhsiyar (1683-1719), qui régna de 1713 à 1719, dont la Fondation Custodia ne possédait pas encore de représentation (voir cat. n° 10). La gouache est attribuée à l’artiste Kalyan Das, dit Chitarman II, actif vers 1700-1745, dont le style est en effet proche3. Il est connu pour son utilisation d’une palette restreinte ; ses gris et ses blancs sont appliqués avec peu de dégradés, donnant un aspect sans profondeur à la composition. Chitarman II, probablement portraitiste de la cour, a représenté l’empereur Farrukhsiyar à plusieurs reprises4. Ici, ce dernier, accompagné d’un serviteur qui tient un morchal (chasse-mouches en plumes de paon), est richement vêtu de blanc. Son visage se détache sur fond de nimbe doré. L’attention du peintre se porte sur les deux figures tandis que l’arrière-plan demeure, lui, entièrement vide. La deuxième miniature, exécutée à Kotah dans le Rajasthan vers 1700, est une acquisition importante pour la Fondation Custodia qui ne possédait alors que des feuilles plus tardives de cette École, représentée surtout par des œuvres de la seconde moitié du XVIIIe et du XIXe siècle5 (voir cat. n° 85). Il s’agit d’un portrait de Rao Ram Singh, connu pour ses exploits militaires, qui régna sur Kotah entre 1696 et 17076. Son portrait, probablement réalisé de son vivant, le montre à cheval dans un vaste paysage7. Ce type de portraits équestres s’inscrit dans toute une tradition à Kotah, également manifeste à travers l’attention spéciale que porte l’artiste aux nuances de la robe du cheval8. Enfin, le troisième portrait fait partie de l’École de Tanjore (Thanjavur), située dans le Sud de l’Inde (voir cat. n° 86). La Fondation Custodia ne possédait aucun exemple de cette région jusqu’à une date récente ; ce portrait de Raja Tulsaji (ou Tuljaji) de Tanjore (r. 1765-1786), entré en 2013, est la plus récente acquisition9. C’est sous le règne de Raja Tulsaji que Tanjore tomba sous la gouvernance de la Compagnie britannique des Indes orientales. Le Raja fut d’abord emprisonné avant d’être réhabilité dans ses fonctions en 1776 par la Compagnie : mais il demeura cependant sous contrôle britannique. Ce portrait le montre sous un dais entouré d’épais coussins et tenant un bijou odoriférant. La particularité de cette peinture repose sur l’utilisation de fragments d’élytres de coléoptères, destinée à produire l’impression de bijoux scintillants. Plus typique de l’École de Basohli, dans l’Inde du nord, cette technique fut rarement utilisée par les autres Écoles. On retrouve la même composition, y compris l’intégration d’élytres, dans un portrait conservé au sein de la Clive Collection de Powis Castle10. RSB 1Ce fonds a été publié, à l’exception des acquisitions à partir de 2002 ; Sven Gahlin et Mària van Berge-Gerbaud, L’Inde des légendes et des réalités. Miniatures indiennes et persanes de la Fondation Custodia, Collection Frits Lugt, cat. exp., Paris, Institut Néerlandais, 1983 ; Sven Gahlin, The Courts of India. Indian miniatures from the collection of the Fondation Custodia, Paris, cat. exp., Amsterdam, Rijksmuseum, 1991 ; Sven Gahlin, Couleurs de l’Inde. Nouvelles acquisitions de la Collection Frits Lugt, cat. exp., Paris, Institut Néerlandais, 2002. 2Acquis en 1920, inv. 592 (plume et encre brune, lavis brun, sur papier oriental ; 178 × 101 mm) ; Peter Schatborn, Rembrandt and his Circle. Drawings in the Frits Lugt Collection, 2 vol., Bussum et Paris, 2010, n° 20. 3Pour Chitarman II voir Terence McInerney, « Chitarman II (Kalyan Das) », dans Milo C. Beach, Eberhard Fischer et B.N. Goswamy, Masters of India Painting,1650-1900, 2 vol., Zurich, 2011, vol. II, p. 547-562. 4Pour les portraits de Farrukhsiyar attribués à Chitarman II voir ibid., p. 548-549 ; ainsi que vente, New York (Sotheby’s), 21 mars 2012, n° 222 (attribué à Chitarman II ou Bhawanidas). 5À l’exception d’un dessin attribué au maître de Kotah, Jeune femme allongée avec un éventail, vers 1730, inv. 2007-T.2 (pinceau et encre noire ; 216 × 146 mm). 6Pour plus de renseignements biographiques, voir Stuart Cary Welch (éd.), Gods, Kings and Tigers. The art of Kotah, Munich, 1997, p. 44-45. 7Ibid., p. 45, notre feuille serait pratiquement contemporaine du règne de Rao Ram Singh, mais l’inscription en haut serait plus récente. 8Joachim Bautze, « A Second Set of Equestrian Portraits painted during the reign of Maharao Umed Singh of Kotah », dans B.N. Goswamy (éd.), Indian Painting. Essays in Honour of Karl J. Khandalavala, New Delhi, 1995, p. 35-51. 9Une première feuille fut acquise en 2008, Tanjore, vers 1800, Raja Sarabhoji de Tanjore à cheval avec deux serviteurs, inv. 2008-T.20 (gouache, rehauts d’or ; 417 × 317 mm) ; Oppi Untracht, Traditional Jewelry of India, Londres, 1997, n° 395 10Inv. NT 1180663 (gouache, rehauts d’or ; 430 × 355 mm) ; Mildred Archer, Christopher Rowell et Robert Skelton, Treasures from India. The Clive Collection at Powis Castle, Londres, 1987, p. 125, n° 182 ; et C.A. Bayly (éd.), The Raj. India and the British 1600-1947, cat. exp., Londres, National Portrait Gallery, 1990, cat. n° 89, publié comme portrait de Maharaja Pratap Singh of Tanjore (r. 1739-65), mais, selon Sven Gahlin (note dans la documentation), il y aurait eu confusion entre l’identification des trois portraits décrits dans une lettre à Lady Clive et il s’agirait en fait d’un portrait de Raja Tulsaji. Une autre miniature, mais de Raja Amar Singh de Tanjore (r. 1787-98), conservée dans la Polsky Collection (gouache, rehauts d’or ; 432 × 572 mm) montre la même composition, plus élaborée toutefois ; Andrew Topsfield (éd.), In the Realm of Gods and Kings. Arts of India, Londres, 2004, n° 134.