Accueil Catalogues en ligne Un œil passionné. Douze ans d’acquisitions de Ger Luijten 119. Jakob Demus Né à Vienne en 1959 Lapis Lazuli, 2009 L’œuvre graphique du Viennois Jakob Demus figure certainement parmi les plus originaux de sa génération. Entré en contact avec la technique de l’eau-forte à l’âge de seize ans, il assimila en autodidacte les rudiments de ce procédé et se plongea dans l’étude des maîtres anciens. N’ayant pas été accepté dans la section graphique à l’Académie des Beaux-Arts de Vienne, ce fut le cursus de sculpture qu’il suivit à partir de 1977. Il reprit néanmoins son activité de graveur dès l’obtention de son diplôme en 19841, et se tourna vers une technique – la pointe sèche au diamant – qui devint rapidement sa signature et qu’il est aujourd’hui encore le seul à utiliser à ce niveau d’excellence2. La virtuosité technique de Jakob Demus, ainsi que son goût pour les grands maîtres, se trouvent aussi réunis dans ses dessins à la pointe d’argent, au nombre d’une centaine3. Demus collectionne les curiosités naturelles, parmi lesquelles figurent de nombreuses pierres dont il a réalisé plusieurs « portraits4 » gravés. Il fut le premier graveur, dès 1986, à s’intéresser à ce sujet comme une fin en soi5, la pointe sèche au diamant mettant à sa disposition la palette d’effets graphiques propres à décrire, avec une objectivité quasi-photographique, la surface de chaque pierre6. Il réalisa ainsi en 1989 une estampe représentant une section de lapis lazuli7, qui réussit la gageure de transcrire les caractéristiques physiques de ce minéral malgré l’absence de sa couleur bleu intense. Vingt ans plus tard, Demus revint sur le sujet, cette fois à l’aquarelle. Comme souvent dans ses estampes, il dépeignit ici une paire de pierres disposées devant un fond neutre, uniquement matérialisé par une ombre portée. Reposant l’une contre l’autre, dans un équilibre délicat, les pierres semblent investies par Demus d’une personnalité propre. Il détailla à la pointe du pinceau les facettes des minéraux et les variations de couleurs, jouant largement de réserves de papier pour suggérer les veines blanches de calcite, et de touches ocre marquant les inclusions de pyrite. Il indiqua dans l’inscription portée sous le dessin la provenance des pierres – la région du Pamir – ainsi que le destinataire de son dessin – Gisela van Rossum –, se posant dans un rapport de transmission. Cette œuvre de Demus est un cadeau reçu par Ger Luijten pour la Fondation Custodia de la part d’une personnalité qui lui était chère, Gisela van Rossum, ancienne restauratrice d’art sur papier au Rijksmuseum d’Amsterdam. Marie-Noëlle Grison 1Ed de Heer (éd.), Jakob Demus, The Complete Graphic Work 1983-2005, Amsterdam, 2005, p. 221. Ce catalogue raisonné fut publié à l’occasion de l’exposition rétrospective offerte à Jakob Demus par le Museum Rembrandthuis à Amsterdam en 2005. 2Cette pointe sèche d’un type particulier, comportant à son extrémité un diamant affûté, permet à l’artiste d’inciser le cuivre en douceur, la dureté du diamant déjouant la résistance propre au matériau. Le tracé, qui garde ainsi la spontanéité et la fluidité du dessin, se caractérise en outre par une finesse inégalée. La maîtrise de l’outil requiert néanmoins une habileté toute particulière : la pointe peut se briser à la plus subtile inflexion. Par ailleurs, elle n’autorise qu’un faible nombre de tirages, les barbes s’usant à chaque passage sous presse. Ces obstacles techniques rendent donc plus remarquables encore les estampes de Demus, réalisées le plus souvent sans dessin préparatoire. Ibid., p. 5-6. 3Notamment Iris, 1995, Vienne, collection particulière, pointe sèche à l’argent, sur papier préparé, 490 × 700 mm ; De Heer 2005, op. cit. (note 1), p. 7, fig. 1. 4Ed de Heer décrit la philosophie de Demus comme teintée d’animisme ; ibid., p. 13. 5Ibid., p. 9 et n° 125. La curiosité de l’artiste pour le monde minéral transparaît aussi dans des dessins réalisés cette même année, relevant des formations rocheuses sur le motif, par exemple Carrière près de Marina di Puolo, 1986, aquarelle, 380 × 560 mm, Amsterdam, Museum Rembrandthuis et Formation rocheuse, 1986, lavis brun, 225 × 310 mm, Vienne, collection de l’artiste ; ibid., repr. p. 10-11, fig. 2 et 3. 6Ibid., nos 183, 187, 190, 191, 193-196, 203-205. 7Dont la Fondation Custodia conserve un exemplaire, inv. 2014-P.136 (pointe sèche au diamant, 120 × 137 mm) ; ibid., sous le n° 194.
L’œuvre graphique du Viennois Jakob Demus figure certainement parmi les plus originaux de sa génération. Entré en contact avec la technique de l’eau-forte à l’âge de seize ans, il assimila en autodidacte les rudiments de ce procédé et se plongea dans l’étude des maîtres anciens. N’ayant pas été accepté dans la section graphique à l’Académie des Beaux-Arts de Vienne, ce fut le cursus de sculpture qu’il suivit à partir de 1977. Il reprit néanmoins son activité de graveur dès l’obtention de son diplôme en 19841, et se tourna vers une technique – la pointe sèche au diamant – qui devint rapidement sa signature et qu’il est aujourd’hui encore le seul à utiliser à ce niveau d’excellence2. La virtuosité technique de Jakob Demus, ainsi que son goût pour les grands maîtres, se trouvent aussi réunis dans ses dessins à la pointe d’argent, au nombre d’une centaine3. Demus collectionne les curiosités naturelles, parmi lesquelles figurent de nombreuses pierres dont il a réalisé plusieurs « portraits4 » gravés. Il fut le premier graveur, dès 1986, à s’intéresser à ce sujet comme une fin en soi5, la pointe sèche au diamant mettant à sa disposition la palette d’effets graphiques propres à décrire, avec une objectivité quasi-photographique, la surface de chaque pierre6. Il réalisa ainsi en 1989 une estampe représentant une section de lapis lazuli7, qui réussit la gageure de transcrire les caractéristiques physiques de ce minéral malgré l’absence de sa couleur bleu intense. Vingt ans plus tard, Demus revint sur le sujet, cette fois à l’aquarelle. Comme souvent dans ses estampes, il dépeignit ici une paire de pierres disposées devant un fond neutre, uniquement matérialisé par une ombre portée. Reposant l’une contre l’autre, dans un équilibre délicat, les pierres semblent investies par Demus d’une personnalité propre. Il détailla à la pointe du pinceau les facettes des minéraux et les variations de couleurs, jouant largement de réserves de papier pour suggérer les veines blanches de calcite, et de touches ocre marquant les inclusions de pyrite. Il indiqua dans l’inscription portée sous le dessin la provenance des pierres – la région du Pamir – ainsi que le destinataire de son dessin – Gisela van Rossum –, se posant dans un rapport de transmission. Cette œuvre de Demus est un cadeau reçu par Ger Luijten pour la Fondation Custodia de la part d’une personnalité qui lui était chère, Gisela van Rossum, ancienne restauratrice d’art sur papier au Rijksmuseum d’Amsterdam. Marie-Noëlle Grison 1Ed de Heer (éd.), Jakob Demus, The Complete Graphic Work 1983-2005, Amsterdam, 2005, p. 221. Ce catalogue raisonné fut publié à l’occasion de l’exposition rétrospective offerte à Jakob Demus par le Museum Rembrandthuis à Amsterdam en 2005. 2Cette pointe sèche d’un type particulier, comportant à son extrémité un diamant affûté, permet à l’artiste d’inciser le cuivre en douceur, la dureté du diamant déjouant la résistance propre au matériau. Le tracé, qui garde ainsi la spontanéité et la fluidité du dessin, se caractérise en outre par une finesse inégalée. La maîtrise de l’outil requiert néanmoins une habileté toute particulière : la pointe peut se briser à la plus subtile inflexion. Par ailleurs, elle n’autorise qu’un faible nombre de tirages, les barbes s’usant à chaque passage sous presse. Ces obstacles techniques rendent donc plus remarquables encore les estampes de Demus, réalisées le plus souvent sans dessin préparatoire. Ibid., p. 5-6. 3Notamment Iris, 1995, Vienne, collection particulière, pointe sèche à l’argent, sur papier préparé, 490 × 700 mm ; De Heer 2005, op. cit. (note 1), p. 7, fig. 1. 4Ed de Heer décrit la philosophie de Demus comme teintée d’animisme ; ibid., p. 13. 5Ibid., p. 9 et n° 125. La curiosité de l’artiste pour le monde minéral transparaît aussi dans des dessins réalisés cette même année, relevant des formations rocheuses sur le motif, par exemple Carrière près de Marina di Puolo, 1986, aquarelle, 380 × 560 mm, Amsterdam, Museum Rembrandthuis et Formation rocheuse, 1986, lavis brun, 225 × 310 mm, Vienne, collection de l’artiste ; ibid., repr. p. 10-11, fig. 2 et 3. 6Ibid., nos 183, 187, 190, 191, 193-196, 203-205. 7Dont la Fondation Custodia conserve un exemplaire, inv. 2014-P.136 (pointe sèche au diamant, 120 × 137 mm) ; ibid., sous le n° 194.