13. Samuel van Hoogstraten

Dordrecht 1627 – 1687 Dordrecht

Autoportrait à la fenêtre, vers 1642/1643 et 1650

Ce jeune homme aux cheveux longs, qui porte un chapeau et une veste boutonnée, est le peintre, dessinateur et écrivain Samuel van Hoogstraten1. Assis devant une fenêtre ouverte, il semble fixer le spectateur, sa plume d’oie posée sur une feuille de papier devant lui. Ce n’est toutefois pas nous qu’il regarde, mais lui-même dans le miroir. Peu après être entré en apprentissage auprès de Rembrandt van Rijn (1606–1669) en 1642, le jeune artiste dessina cet autoportrait, sans doute comme exercice dans l’atelier de son maître2. Les contours tracés avec délicatesse mais également une certaine hésitation et les grandes mains maladroitement dessinées trahissent son manque d’expérience. On suppose que c’est Rembrandt lui-même qui corrigea, de trois traits puissants de sa plume, le contour du bras et de l’épaule droits du modèle. Si tel est bien le cas, notre feuille offre un exemple rarissime et précoce de la manière dont Rembrandt enseignait le dessin. Nous ne connaissons qu’un très petit nombre de dessins de ses élèves comportant des traits de correction du maître, et la plupart datent du début des années 16503.

Après son apprentissage auprès de Rembrandt, Hoogstraten retourna à Dordrecht, sa ville natale, où il fit une carrière de peintre d’histoire, de scènes de genre et de portraits. Il dut emporter le dessin avec lui, puisqu’il s’en servit pour une peinture, probablement faite à Dordrecht vers 1650 et dans laquelle il mit en œuvre les corrections de Rembrandt4.

Le graveur Ignace-Joseph de Claussin (1766–1844) reproduisit la feuille dans le même sens5. Parmi les quelque 200 gravures d’après les œuvres de Rembrandt et d’autres artistes qu’il réalisa, certaines, comme cet Autoportrait à la fenêtre de Hoogstraten, provenaient de sa propre collection. Une seconde estampe, cette fois inversée par rapport à l’original, est apparue récemment sur le marché de l’art6. Elle semble plus proche du dessin que de la gravure de Claussin. Le graveur a ainsi littéralement copié les hachures à la pierre noire, à droite, qui semblent représenter l’ombre de la chaine projetée sur le mur à l’arrière de la composition. Elle pourrait être l’œuvre d’un artiste proche de Louis-Pierre Henriquel-Dupont (1797–1892), graveur lui-même et l’un des derniers propriétaires de l’autoportrait dessiné. Passant sous silence l’attribution au recto du dessin, il ou elle a contrefait – non sans bravade – la signature de Rembrandt dans le coin supérieur droit de la gravure.

Marleen Ram

1Son identité a été confirmée par Ben Broos en se fondant sur deux autoportraits peints par l’artiste à La Haye, Museum Bredius, inv. 56-1946 (huile sur bois, 63 × 48 cm) ; et Vienne, Musée Liechtenstein, inv. GE-107 (huile sur bois, 54 × 45 cm) ; Ben Broos, « Een onbekend ‘Zelfportret’ van de jonge Samuel van Hoogstraten », Oud Holland, vol. CXXV, n° 4, 2012, p. 185, fig. 4-5.

2Nous avons également connaissance d’autoportraits par Nicolaes Maes (1643–1693), Willem Drost (1633–1659), Heyman Dullaert (1636–1684) et Arent de Gelder (1645–1727) au cours de leur apprentissage auprès de Rembrandt ; voir ibid., p. 184.

3À ce sujet, voir Peter Schatborn, Bij Rembrandt in de leer. Rembrandt as teacher, cat. exp. Amsterdam (Museum Het Rembrandthuis), 1984, p. 38-43 ; et Holm Bevers, « Drawing in Rembrandt’s workshop », dans HHolm Bevers, Peter Schatborn, William W. Robinson et al. , Drawings by Rembrandt and His Pupils : Telling the Difference, cat. exp. Los Angeles (J. Paul Getty Museum), 2009, p. 1-29.

4Autoportrait, huile sur toile, 102 × 79 cm, Saint-Pétersbourg, Musée de l’Hermitage, inv. ГЭ-788 ; Ben Broos, « The Young Samuel van Hoogstraten, Corrected by Rembrandt », dans Thijs Weststeijn (dir.), The Universal Art of Samuel van Hoogstraten (1627-1678) : Painter, Writer, and Courtier, Amsterdam, 2013, p. 88, fig. 29. Broos 2012, op. cit. (note 1), p. 187, note que Hoogstraten a pu retravailler ce dessin à cette occasion.

5Erik Hinterding et Jaco Rutgers, Rembrandt (The New Hollstein Dutch and Flemish Etchings, Engravings and Woodcuts, 1450-1700), Ouderkerk aan den IJssel, 2013, vol. Text I, p. 58, sous le n° 40, copy I et vol. Copies I, p. 23, repr. La gravure est exécutée sur une grande plaque, et jouxte une copie d’après une estampe de Rembrandt représentant une vieille mendiante portant une gourde.

6Vente, Paris (Binoche et Giquello), 28 juin 2017, n° 17, avec une autre estampe. Je remercie Jaco Rutgers et Bob Haboldt d’avoir porté cette œuvre à ma connaissance.