27. Antoine Berjon

Lyon 1754 – 1843 Lyon

Portrait d’homme de profil

Porté par l’influence culturelle et le mouvement artistique de sa ville natale, Antoine Berjon suivit dans sa jeunesse les leçons du sculpteur et ingénieur Antoine-Michel Perrache (1726–1779) à l’École gratuite de dessin de Lyon. Peu de temps après, il fut peintre et dessinateur pour une maison de soieries, offrant ses modèles d’après nature pour les ateliers qui firent la renommée et le rayonnement international de Lyon jusqu’au Siège de la ville, à l’été 1793. Les événements historiques ruinèrent Berjon et le contraignirent à s’exiler à Paris, où il vécut et exposa au Salon régulièrement entre 1794 et 1810.

C’est alors qu’il devint pleinement le peintre de bouquets resplendissants et de natures mortes étonnantes qui firent sa réputation. Encouragé par certains artistes parisiens, notamment Claude Hoin1 (1750–1817) et Jean-Baptiste Jacques Augustin2 (1759–1832), le peintre de fleurs s’affirma également, au gré des commandes, comme un portraitiste subtil3, à Paris ou à Lyon, où il retourna vivre et enseigner dès 18104. Dans cet art de la psychologie, ses autoportraits sont des œuvres où le regard franc et direct de Berjon, reflet de son caractère tempétueux, saisit le spectateur.

Saurions-nous imaginer le plaisir d’un peintre de fleurs dessinant le portrait d’un homme ? La technique choisie ici est d’une subtilité prodigieuse, faite des nuances très fines d’un fusain certainement appliqué en poudre et au pinceau pour le fond et les volumes principaux, ensuite estompé, avec certains rehauts de crayon de pierre noire qui précisent, çà et là, le dessin du visage ainsi que la chevelure. En pleine maîtrise de sa technique, Berjon modèle ce portrait dans le travail à la fois sur le fusain et sur le blanc du papier, soit par la réserve, soit par l’utilisation d’une gomme, sans aucun rehaut de craie blanche5.

L’artiste s’applique à mettre en valeur plusieurs détails pour traduire la psychologie de cet homme : son oreille attentive et nacrée, son sourire et son regard presque attendris. Dans ce portrait, saisissant en tout point, le modèle détourne le regard et échappe au moment de la pose traditionnelle. Le cadrage resserré et le mouvement de la tête renforcent cette impression d’une « physionomie pleine d’une vie intense »6, interpellée par une autre personne, ou animée par un sentiment vif, une idée lumineuse7.

Antoine Berjon évoque l’élégance naturelle de cet homme. Si son identité demeure inconnue, il est cependant intéressant de remarquer que, parmi les portraits en miniature peints par Jean-Baptiste Jacques Augustin, ce sont les artistes qui sont représentés ainsi, en romantiques, la chevelure indomptée, la veste ouverte sur le col lavallière d’un blanc immaculé8. Serions-nous face à l’un d’eux ?

Antoine Cortes

1Son portrait dessiné par Antoine Berjon est conservé à Zwolle, Museum de Fundatie, inv. 0000002391 (plume et encre brune, 377 × 485 mm). La Fondation Custodia conserve un autoportrait dessiné par Hoin, daté de 1803. Ce médaillon réalisé à la plume et encre grise est un bel exemple de la manière dite « en pointillé » en vogue à cette époque (inv. 2014-T.11, voir Marie-Noëlle Grison dans Marie-Noëlle Grison et Marleen Ram, avec contributions de Rhea Sylvia Blok, Hans Buijs et Ger Luijten, Art sur papier. Acquisitions récentes de la Fondation Custodia, Paris (Fondation Custodia), 2018, n° 42).

2La Fondation Custodia conserve deux portraits en miniature de cet artiste : Portrait d’Anne Penelope Ainslie (inv. 1973-PM.7 ; Karen Schaffers-Bodenhausen, Portrait Miniatures in the Frits Lugt Collection, Paris, 2018, n° 65) et le Portrait d’un officier (inv. 1987-PM.5 ; ibid., n° 66).

3Le portrait en miniature (cat. 101) est un autre domaine dans lequel la finesse ravissante de son pinceau s’exprima.

4En 1810, Antoine Berjon retourna à Lyon où il fut nommé professeur de la classe de fleurs à l’École des Beaux-Arts, poste qu’il occupa jusqu’en 1823. Il est difficile de savoir où notre portrait a été dessiné.

5Nous remercions Marie-Noëlle Grison pour son étude attentive et précise de ce dessin lors de la préparation de cette nouvelle exposition. Ses remarques ont permis à la fois de mettre à jour la description technique de cette œuvre ainsi que de révéler, dans le détail, toutes les qualités de Berjon dessinateur.

6Edmond de Goncourt, La Maison d’un artiste, Paris, 1881, vol. I, p. 67.

7Nous reprenons ces mots d’Edmond de Goncourt (1822–1896) au sujet d’un dessin en médaillon de Jacques-Louis David (1748–1825) qu’il imaginait être un autoportrait de l’artiste (en réalité le Portrait d’un inconnu, dit de « Saint-Estève père », 1795, n° 155, dans Pierre Rosenberg et Louis-Antoine Prat, Jacques-Louis David 1748-1825  : catalogue raisonné des dessins, Milan, 2002, vol. I, p. 173). David avait été, à Paris, le maître d’atelier des peintres lyonnais Pierre Révoil (1776–1842) et Fleury Richard (1777–1852), proches d’Antoine Berjon, du moins durant leurs années parisiennes, entre 1795 et 1800. Au moment où Berjon questionnait l’exercice du portrait dessiné, il ne fait aucun doute que ces trois artistes ont échangé sur ce sujet que David a redéfini de manière déterminante.

8Nous pensons particulièrement à son Portrait du sculpteur Charles Antoine Callamard de 1801, aquarelle et gouache sur ivoire, 20 × 17 cm, Paris, musée du Louvre, inv. RF 41358.